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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MARDI 7 OCTOBRE 2003
RIEN NEST PIRE QUE LIMPUNITÉ
" La peine et la récompense sont deux principes tout à fait nécessaires à la conduite des États" ( Richelieu)
Ce nest pas sans une certaine satisfaction, au soir de la réunion Ecofin suivie de l'Eurogroupe de Luxembourg de ce 6 octobre, que lagence monopoliste dÉtat France Presse titre sa dépêche : "Francis Mer : La Commission a certainement beaucoup appris à Luxembourg" (1). Avant la réunion, lagence dÉtat titrait ainsi " Francis Mer plaide la cause de la France devant lEurogroupe ".
Bien entendu, cette présentation était erronée car ce nest pas la cause "de la France" mais celle du déficit budgétaire de lÉtat central et des comptes sociaux qu'y défendait le ministre de lÉconomie et des Finances de Paris. Et si véritablement le talent, la réputation et la probité de M. Mer ont réussi à obtenir, éventuellement, gain de cause pour la tolérance de ces infractions aux engagements monétaires de son pays, une telle réussite nous paraîtrait dommageable.
La première raison à invoquer relève de la plus élémentaire pédagogie. Rien nest plus nécessaire que la sanction, rien nest pire que limpunité.
Quand, par exemple, la Commission européenne a décidé il y a 4 ans de sanctionner la Grèce pour son retard dans la gestion des déchets, elle a eu triplement raison.
Elle a eu raison d'abord parce que le paysage grec fait partie du patrimoine culturel européen. En 50 ans, d'autre part, ce pays où, il y a un demi-siècle, les communistes étaient en prison mais où le moindre village était propre, blanchi à la chaux et amoureusement entretenu, na pas été en mesure de faire face à lafflux de déchets produits par la société de consommation : sacs plastiques de supermarchés, emballages, papiers, etc. Le tourisme, activité importante de la nation nen bénéficiait pas. Mais surtout ces sanctions ont été un stimulant désagréable certes mais finalement bénéfique pour le pays lui-même, pour le développement de son aptitude à gérer la réalité du monde actuel. Nous souhaitons pouvoir lobserver lors des Jeux Olympiques dAthènes de 2004. Lanterne rouge de lEurope, il y a encore 5 ans, la Grèce cesse progressivement de lêtre à bien des égards.
La France, au contraire, suit un chemin inverse.
Elle se refuse au "benchmarking" et à lévaluation comparative. Elle recule avec arrogance, parce que lÉtat et les médiats la gargarisent de chauvinisme. Labsence de sanction sera plus coûteuse que les éventuelles sanctions.
La deuxième raison, méthodologiquement très grave, repose sur le lien entre déficit et croissance, lien évoqué dans les déclarations ambiguës des ministres français et allemands, MM. Mer et Eichel. Lors du conseil franco-allemand de Trèves, M. Eichel a déclaré : "Il ne peut y avoir consolidation budgétaire sans croissance et inversement. Nous devons sortir de la stagnation". Or, ce nest certainement pas le déficit français pas plus que le déficit allemand qui relancent ou relanceront la croissance européenne, tout simplement parce que ces déficits sont largement liés à la redistribution et à lassistanat, en même temps quà la pénalisation de linitiative individuelle. Les faux lettrés du quotidien Le Monde ou du mensuel Alternatives Économiques jouent en permanence sur lambiguïté des causes du déficit pour empêcher de crever labcès de la dépense publique.
Certes on pourrait paradoxalement se féliciter de voir le cours de leuro revenir à un niveau logiquement plus bas grâce à une baisse de confiance liée par exemple à la personnalité du nouveau président de la BCE ou au laxisme monétaire français.
Mais on doit bien convenir aussi que lEurope ne peut pas laisser passer sans réagir la première violation grave du Pacte de Stabilité de 1997. Ce nest pas le cours de leuro, cest la crédibilité de la monnaie unique qui est en cause. Le refus de la Suède de se rallier à cette monnaie est une alerte dont la portée a été volontairement minimisée, alors que ses conséquences pourraient être très graves. Aujourdhui, où 12 pays sur 15 ont pour unique moyen de paiement officiel cette monnaie, on doit bien comprendre que son ébranlement (2) serait de la plus extrême gravité pour chacun, à commencer par les fonctionnaires et les retraités français dont seule lexistence de leuro garantit aujourdhui la stabilité de leurs revenus.
Bravo à M. Mer sil réussit par conséquent à adoucir les sanctions que la France mérite, mais attention à ne pas tomber dans le piège fatal de limpunité. Nos prétendus hommes dÉtat devraient méditer Richelieu qui disait "que la peine et la récompense sont deux principes tout à fait nécessaires à la conduite des États".
Jean-Gilles Malliarakis
1. Dépêche AFP datée du 7 octobre à 1 heure 07.
2. À ne pas confondre avec la baisse (souhaitable) de sa parité avec le dollar.
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