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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MERCREDI 15 OCTOBRE 2003
LA CRISE DE L'AFER
Est-elle une offensive contre un des symboles de lépargne individuelle désirée par les Français ?
Létat actuel du dossier de lAFER a certainement quelque chose dinquiétant. Empressons-nous de dire que limbroglio dans lequel nage le dossier nest pas de la nature de laffaire de Panama ouverte en 1889 par la mise en liquidation de la compagnie, et où les poursuites contre les administrateurs ne commencèrent quen 1891, ou de laffaire Marthe Hanau, la fameuse banquière des années 1920.
Il y a pour le moment une crise de l'AFER, il n'y a pas (pas encore) "scandale"...
Depuis 3 ans, la mise en examen, en décembre 2000 des deux responsables de lassociation, MM. Gérard Athias et André Le Saux poursuivis pour "abus de confiance, tromperie sur une prestation de service et de publicité de nature à induire en erreur", concepts eux-mêmes de nature assez floue (1), na pas empêché lAFER de compter encore fin août 2003, 586 000 adhérents dont 16 600 nouveaux souscripteurs depuis le 1er janvier. LAFER a collecté 1,82 milliard deuros en 2001 et 1,73 milliards en 2002. Elle gère actuellement 29,5 milliards deuros.
Ne cherchons même pas à démêler, ici, les fils des diverses interventions des Bons Samaritains qui se proposent, dans lintérêt des souscripteurs cela va de soi, de mettre la main sur la structure et sur ses capitaux. Un conseil dadministration en date du 8 octobre anticipant lassemblée des adhérents statutairement convoquée pour le 4 décembre, a ainsi substitué au président en titre M. Guilion un haut fonctionnaire de 70 ans, M. Allègre présenté comme un spécialiste de questions pétrolières, ce qui est évidemment très rassurant
Retenons dabord ce qui pour certains nest quun détail juridique. Une association constituée selon les formalités très légères de la loi française de 1901 peut lever plus de 29 milliards de capitaux. Il est vrai que les mutuelles, (2) peuvent non seulement faire le même métier mais même, sagissant de lassurance-maladie, de bénéficier de nombreuses distorsions de concurrence organisées par la fiscalité française, et dexercer une sorte de magistrature morale sur lensemble du dispositif de sécurité sociale.
Comment lAFER a-t-elle réussi ce tour de force de se frayer un chemin sur le marché ?
Notons dabord que son développement sest effectué dans un contexte monétaire bien différent puisquelle est apparue en 1976.
Non seulement à cette époque on parlait dinflation à deux chiffres, mais les placements obligataires ont, pendant plusieurs années, dégagé des rémunérations dites "réelles" (3) apparemment très satisfaisants. Pendant plusieurs années la rente des détenteurs de SICAV monétaires a été garantie par lÉtat.
Cen est à se demander si la politique d'alors, dite du "franc fort" (4), navait pas pour fonction et pour but de préserver cette rente quelles quen soient les conséquences sur le taux de chômage, sur les difficultés des petites entreprises ou sur le coût du logement pour les classes moyennes, les jeunes cadres et les familles françaises ne bénéficiant pas de lassistanat.
Depuis 10 ans, lentement mais sûrement, on est, de ce point de vue, revenu à une situation plus normale. En même temps les temps de rendement "affichés" par lAFER sont devenus plus réalistes et moins alléchants.
Il nen demeure pas moins que si cette forme dépargne, et si lassurance-vie traditionnelle sur laquelle elle est assise juridiquement, a eu tellement de succès, cela est peut-être dû aux défaillances de lépargne institutionnelle et aux inquiétudes naturelles des Français face au fisc, aux droits de succession, à la captation patrimoniale de lÉtat. LAFER sest frayé un chemin dans la demande massive des Français dune capitalisation sûre et rémunératrice.
Or, cela dérange. Un bon scandale, plus ou moins bidonné ou aggravé par les maladresses habituelles de la magistrature ou par ses procédures, voilà qui arrangerait bien les défenseurs de la répartition.
Dans laffaire Hanau comme dans celle de Panama, on se reportera au besoin aux travaux dEmmanuel Beau de Loménie ou au livre du président Quesnay de Beaurepaire pour comprendre comment effectivement il est possible aux grands habiles de procéder.
Faire 600 000 victimes chez les épargnants ne les dérange pas, eux qui spolient depuis des années les millions de souscripteurs des retraites par répartition.
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