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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 16 OCTOBRE 2003

POUR UNE FOIS, PARLONS CHIFFRES

à propos du débat budgétaire franco-français

Ouvert à l’Assemblée nationale ce 14 octobre, le débat sur le projet de Budget de l’État pour 2004 va, certainement encore, être l’occasion d’un assaut de demi-vérités.

Dans l’avalanche de chiffres partiels, de pourcentages, de prévisions, de taux de croissance, les grandes masses réelles apparaissent très peu en valeur absolue. C’est à peine si on examine la part des 280 milliards d’euros de dépenses prévues comportant un déficit prévisionnel de 55 milliards d’euros dans un produit intérieur brut de 1 520 milliards (1).

Sur la totalité du débat budgétaire, la liberté d’appréciation et d'intervention laissée en France aux parlementaires est totalement minime, à peine symbolique.

En s’en tenant aux 273 milliards d’euros de crédit théoriquement votés pour 2003, le gel de 4 milliards en février par la seule volonté du gouvernement, c’est-à-dire du pouvoir exécutif, cette valeur représente une plus grande capacité de décision que celle effectivement entre les mains de nos députés ; Ces derniers représentent pourtant les citoyens et les contribuables ; ils sont détenteurs théoriques du pouvoir législatif. Or, la base même de l’exercice du pouvoir législatif ce n’est pas le droit souverain de changer un homme en femme comme on le croit ordinairement, c’est le consentement annuel de l’impôt. Nous ne sommes plus dans une démocratie (2) dès lors que le pouvoir législatif n'est plus assumé par les élus du peuple.

Comme toujours, on considère dans les médiats que le premier débat porte sur les crédits.

Toute volonté de discuter les taxes est présentée pour marginale, éventuellement démagogique. On va sans doute laisser une poignée de députés libéraux suivre Alain Madelin dans sa résolution affirmée de "combattre jusqu’au bout" l’augmentation de 3 centimes (3) de la taxe sur le gazole.

Le député d’Ille-et-Vilaine a donc raison de dire que ce Budget comporte "trop de dépenses, trop d’impôts, trop de déficit" et de réclamer "moins de dépenses, moins d’impôts, moins de déficits".

Nous ne disons pas autre chose.

Mais, pratiquement, on peut aussi se demander jusqu’où, jusqu’à quel "bout" ira la contestation de cette fraction de l’UMP ?

Dans son intervention du 14 octobre devant les députés, M. Francis Mer a développé, ou plus précisément a évoqué, deux ou trois idées qui nous semblent particulièrement pertinentes.

Première idée : "Nous devons, a-t-il dit, renforcer l’État dans ses missions régaliennes…" Bravo.

Deuxième idée : "… en baissant les prélèvements pour restituer aux Français le revenu de leur travail, pour promouvoir l’initiative". Bravo.

Autre idée qu'on retrouve plus loin dans le texte de son allocution : "bâtir une croissance solide, fondée sur le travail et sur l'entreprise" (4) Bravo.

Alors concrètement, si nous prenons au sérieux ces morceaux de rhétorique ministérielle, cela implique qu’il faudrait, d'urgence et sérieusement, couper dans la masse des dépenses non-régaliennes.

Examinons donc les chiffres par ministère, puisqu’ils nous sont présentés par ministère.

Au premier rang des dépenses non-régaliennes on trouve l’Éducation nationale, dont les effectifs d’enfants scolarisés sont en baisse, mais non les effectifs de fonctionnaires. Budget proposé : 70,8 milliards + 2,7 %. Puis Travail, Santé, Solidarité : 31,7 milliards + 0,8 %. Puis Équipement, Transport, Logement, Tourisme : 19,9 milliards – 4,3 %, puis Économie et Finances, Industries : 15 milliards + 0,2 %, etc.

Les vraies missions régaliennes (Défense, Intérieur, Justice, Affaires étrangères, sachant que l’Intérieur recoupe à la fois la Sécurité intérieure et les collectivités locales) représentent additionnées 71,6 milliards d’euros en hausse de moins de 3 %. C’est seulement le 1/4 du Budget de l'État.

On nous dira : mais vous voulez supprimer le budget de l’Éducation nationale ? De la Culture ? Des Sports ? De l’Agriculture ? On nous objectera la part des frais de personnel et de la retraite des fonctionnaires dans les Budgets de chaque ministère.

Autant nous le dire tout de suite : vous n’avez pas le droit de discuter les budgets sacrés. Vous n’êtes là que pour payer et payer, en plus, quelques clowns blancs qui très sérieusement entre le Palais Bourbon et le Palais du Luxembourg feront semblant d’examiner pompeusement des projets rédigés à 99 % par les bureaux de Bercy, eux-mêmes tétanisés par les syndicats de fonctionnaires.

Il est, paraît-il, provocateur de discuter le concept même de Budget de l’Éducation nationale.

On pourrait pourtant imaginer de débudgétiser cette immense entreprise prestataire de services, l’État pouvant même se contenter de payer les retraites des fonctionnaires pour lesquels il a prélevé, sans les provisionner, ce qu’on appelle les cotisations fictives. La cinquantaine de milliards d’euros restant pourrait être gérée par la Caisse d’allocations familiales qui verserait (5) un chèque scolaire aux familles à charge pour elles d’endosser le chèque au profit de l’établissement scolaire de leur choix. Un tel mécanisme permettrait de rétablir une vraie liberté des familles (6) et très rapidement d’économiser quelque 20 milliards d’euros.

Inutile de dire que le Budget de la Culture et de la Communication (2,63 milliards pour bourrer le crâne des Français) + le Budget de l’Outre-mer (1,12 milliard : pourquoi ce Budget puisqu’il s’agit de Français ?), + le Budget des Sports (0,4 milliard : mais pourquoi un budget des sports et pourquoi pas un Budget de l’amour ?), tout cela aussi pourrait donner lieu à d’intéressantes sources d’économies qui donneraient aux Français le loisir de faire du sport sans l’État, de s’établir Outre-mer librement (notamment pour les originaires des Dom-Tom) et de se cultiver sans subvention.

Vous me direz peut-être : ce n’est pas sérieux !

Je crois au contraire que c’est très sérieux.

Jean-Gilles Malliarakis

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    1. Ce chiffre en valeur absolue correspond à l'année 2002. Si tant est que le concept de PIB soit recevable, le seul chiffrage sérieux est celui de l'année écoulée, pas celui de l'année en cours ni celui de l'année prochaine. Dès l'automne 2002 a commencé la fausse illusion qu'on pouvait "tabler" sur une croissance de 2,6 % pour l'année 2003. Ce genre de prévisions, que La Fontaine a définitivement décrit dans une fable dédiée à Perrette et à son pot au lait, est une des clefs de toutes les manipulations économiques étatistes.
    2. Profitons de cette circonstance pour tire les leçons de cette situation. La pseudo-démocratie, telle que la Constitution de 1958 en a permis la pratique, est inacceptable parce qu'elle commence par un mensonge. Nous n'en tirons pas pour conséquence qu'une vraie démocratie serait impossible à établir. Au contraire, elle nous semblerait très simple à mettre en place dès lors que la classe politique, assistée de médiats complices, cesserait de verrouiller les débats, d'enfermer les Français dans l'étatisme du Marché politique redistributeur, et d'intimider les citoyens par une fausse compétence.
    3. 3 centimes d’euros = 20 centimes de francs français en plus par litre de gazole.
    4. Ce discret membre de phrase remet judicieusement en cause l'une des sottises les plus répandues et les plus pernicieuses, l'illusion d'une croissance portée par la "consommation des ménages".
    5. Peut-être même sous condition de ressources. Cette hypothèse — qui fera hurler légitimement la droite, l'opus dei, le parti communiste et les associations familiales — n'aurait pas que des inconvénients.
    6. Cela permettrait de cesser de nous enquiquiner avec les demoiselles en foulard dans les écoles laïques…

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