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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

VENDREDI 17 OCTOBRE 2003

PETIT ESSAI D’UN LIBRE BILAN DES 25 ANS ÉCOULÉS DU PONTIFICAT DE JEAN-PAUL II

Du seul point de vue de la lutte pour les Libertés

Depuis quelques jours, dans les grands médiats, y compris les plus laïcistes, on a entendu et on a lu de très péremptoires évocations du 25 anniversaire du pontificat de Jean-Paul II.

Il y a bien sûr quelque artifice à cet assaut de publication. Certains esprits chagrins pourraient même se demander si nos journaux ne regrettent pas que le cher de l’Église romaine persiste à ne pas mourir, à ne pas demander l’euthanasie et à ne même pas démissionner. Tant de beaux esprits lui suggèrent, depuis si longtemps, eu égard à sa maladie.

Le 13 octobre au matin, par exemple, sur la radio bourrage-de-crâne étatiste France Inter on parlait ainsi exactement "au passé" de ce Pape et de sa succession. L’auditeur pressé ou distrait avait exactement l’impression qu’il était mort et qu’on l’enterrait.

Cet aspect macabre mis à part, rien ne nous est épargné non plus du registre "je suis catholique, croyant quoique non pratiquant, mais je pense que le Pape a tort…" sur tel ou tel point (1).

Nous n’avons aucune compétence pour juger ici du bilan spirituel d’un des plus longs pontificats de l’histoire. Nous ne chercherons même pas à considérer dans son ensemble l’immense bibliographie de 80 000 pages, représentant 54 volumes d'enseignement, comprenant un nombre record d’encycliques fort diverses produites par un intellectuel de haute culture philosophique.

Tout au plus me permettrai-je de citer, sans trop en rougir rétrospectivement mon propre commentaire publié en 1978, lors de son élection : "Enfin un Pape Européen".

Car sur le terrain de l’esprit européen, quelles que soient nos convictions religieuses, on peut reconnaître à Karol Wojtyla tout au long de sa carrière une très grande constance et une très haute vision de partisan de la Grande Europe et de ses "deux poumons", sans doute parce qu’il venait de Pologne, sans doute parce qu’il avait fait face lui-même au marxisme, ayant subi dans sa chair l’atroce oppression communiste, dont il a contribué si puissamment à libérer notre continent.

À tous ceux qui veulent ignorer ou s’ingénient à dénigrer le rôle de Jean-Paul II, on doit reconnaître que M. Bernard Guetta a su fort bien répondre le 13 octobre sur le thème "Personne ne vous oblige à être catholique" puis dans sa chronique de politique étrangère le 16 octobre.

Ce que, toutefois, trop de commentateurs ont passé sous silence, c’est un apport fondamental des écrits de ce Pape sur deux points, qui ressortissent de notre domaine.

1° Une économie au service de l’homme. L’idée en elle-même n’est pas totalement originale et elle peut s’interpréter de diverses manières. M. Guetta, par exemple, croit sincèrement que cela pourrait impliquer (comme tant de catholiques l’ont cru et le croient encore) une condamnation radicale de "l’argent" et de la propriété privée des moyens de production, en tant que telles. Or, si le christianisme condamne le culte de l’Argent, de même qu’il condamne toutes les idoles, qu'il condamne le culte de la Nature, celui du Corps ou celui du Scientisme, aucun texte ne condamne l’objet en lui-même de ses excès d’adoration.

2° Car très précisément, tout en soulignant que le but final de l’économie est de servir les hommes (l'homme et non l’État, l'homme et non le Plan, l'homme et non le Productivisme), Jean-Paul II aura été le premier, dans la longue succession des pontifes romains à insister comme il l'a fait sur le rapport à la vérité de la Théorie économique. Tel est l’objet de Veritatis Splendor (Encyclique de 1993) qui vient couronner une réflexion économique et sociale féconde : Laborens exercens (1981), Sollicitudo rei socialis (1988) et Centesimus Annus (en 1991 pour l’anniversaire de Rerum Novarum, Encyclique habituellement considérée comme fondatrice de la doctrine sociale catholique).

Si l'on veut observer honnêtement ces travaux, on conviendra qu’ils fondent désormais la conception "sociale chrétienne" non plus sur une idée, généreuse mais fausse, de la "justice", mais d'abord sur une vision vraie de l’économie.

Tout un courant économique s’en réclame explicitement autour des livres de Michael Novak et de l'action sociale d'un homme comme le Père Robert Sirico. Nous sommes désormais très loin des compagnons de route du communisme, de la Théologie dite de la libération et de l’héritage redoutable du prétendu "personnalisme" d’un Emmanuel Mounier vantant le totalitarisme et la planification soviétiques.

Difficile, sans doute, d’abstraire cette pensée sociale de son contexte d'origine religieuse (2).

Mais difficile aussi de dissimuler qu’elle est puissamment stimulante pour une défense des libertés, que l’on soit croyant ou qu’on ne le soit pas, que l’on soit catholique romain ou qu’on puise sa vérité dans d’autres inspirations.

Au bout du compte, quel que soit le bilan de ce pontificat, du point de vue de l’Église romaine ou même de la pratique religieuse en Europe occidentale, de ne pas le trouver admirable du point de vue des libertés.

Et c'est cela que nous préférerons retenir.

Jean-Gilles Malliarakis
  1. Sur la radio d'État un auditeur soigneusement sélectionné a même suggéré de le mettre en accusation, devant on ne sait trop quelle juridiction, pour "crime contre l’humanité". La raison invoquée par cet étrange "catholique" était le refus pontifical de préconiser le préservatif… Comme d’habitude, ce délire de propagande est financé par les deniers publics.

  2. De ce point de vue on peut penser que la doctrine de l’homme et de l’économie prend racine, chez Jean-Paul II, dans un approfondissement théologique de la Rédemption. On remarquera ainsi que deux encycliques ont été consacrées à ce sujet : 1979, Redemptor hominis et 1990 Redemptoris missio. Elles éclairent une sorte "d’optimisme" chrétien qui nous change un peu de l’augustinisme "antilibéral" et qui permet, notamment, de donner plus de place dans la pratique et dans l'ordre juridique à la responsabilité individuelle et au contrat. C'est bien l'héritage augustinien antilibéral qui amène tant de juristes et de sociologues catholiques à prendre parti contre le libéralisme économique, contre le libre choix des individus et contre la liberté des contrats.

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