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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

LUNDI 27 OCTOBRE 2003

SUR LA SITUATION DE NOS VOISINS EUROPÉENS

Il n’y a qu’en France que les dirigeants soient indéboulonnables

La grève prétendument générale qu’a connue l’Italie ce 24 octobre est évidemment présentée en France comme une grande victoire des bureaucraties syndicales de la Péninsule. Comme dans l’Hexagone au début du printemps, la réforme des retraites, présentée par le gouvernement Berlusconi en septembre, soutenue au Parlement, a déclenché contre elle le front commun des 3 grandes centrales. Il s'agit, en Italie, de la CISL dirigée par les démocrates chrétiens de gauche, de l’UIL de tendance sociale démocrate et de la vieille CGIL toujours très puissante comme chez nous la CGT son homologue.

On ignore, bien sûr, combien de temps durera exactement ce front commun. Il n’est sans doute qu’un jeu de dupes comme l’était en février l’alliance factice initiale de la CFDT, acquise aux réformes et qui s'y est ralliée, et de la CGT, qui s'y montre totalement hostile.

Soulignons qu’en Italie comme en France, la réforme de M. Berlusconi vise simplement à adapter le système de la retraite par répartition aux évolutions de la démographie. À partir de 2008, il faudra chez nos voisins, 40 ans de cotisations au lieu de 35 actuellement pour pouvoir prendre sa retraite.

On n’est pas dans un roman de Zola ou de Dickens.

On n'est pas non plus dans le libre choix tel que nous le préconisons.

Quoi qu’en disent les commentateurs agréés, qui voudraient tant voir tomber le gouvernement de Rome, on n’est pas non plus dans un scénario Petrograd 1917. Les Trotski et les Kerenski locaux ne sont pas aux rendez-vous correspondants. De la sorte quand on nous dit par exemple que 11 millions de salariés italiens sont syndiqués, cela peut nous impressionner, certes, relativement. Dans notre pays, les 7 centrales dites représentatives additionnées n’enrégimentent guère plus de 7 % de la population active, c’est-à-dire 7 fois moins qu’en Italie.

Or, si on s’en tient aux chiffres des organisateurs eux-mêmes qui parlent de 1 million à 1,5 million de manifestants, il y aurait donc au moins 85 % des camarades syndiqués qui ont préféré jouer aux cartes, travailler au noir ou aller au cinéma plutôt que de descendre dans la rue "in piazza" comme on dit au pays de la commedia dell’arte, du bel canto et de quelques arts subtils dont la politique selon Machiavel.

Car le peuple italien sait bien que tout l’arsenal réglementaire imaginé notamment à l’époque du centre-gauche (1) entre 1960 et 1990 est contraire à l’intérêt des véritables travailleurs.

C’est ainsi qu’on nous affirme que la grève de 4 heures aurait paralysé tout le pays. Les guichets de banques n’ont fonctionné que dans l’après-midi, les administrations auraient fait grève à 80 % si l’on en croit la CGIL et 155 vols d’Alitalia ont été annulés. Mais les usines Fiat n’ont enregistré un taux de grévistes que de 17 % à 25 %, alors qu’elles constituent le bastion traditionnel du communisme syndical italien.

Dans la ville de Milan, capitale industrielle du pays, les bureaucraties syndicales parlent de 200 000 manifestants. Les spécialistes du comptage évaluent la réalité entre 15 et 20 000. Un tel chiffre représenterait encore une grosse manif à Paris mais il semble finalement presque dérisoire chez nos amis transalpins beaucoup plus habitués à manifester.

Au total, nous demeurons en présence d’un énorme bluff, d’une énorme désinformation. La mayonnaise peut prendre, c’est vrai ou du moins c’est possible. L’un des partenaires de Forza-Italia peut faire défection, comme l’avait fait la Ligue du Nord il y a 10 ans. C’est incontestable. Un jour ou l’autre, M. Silvio Berlusconi ne sera plus président du Conseil en Italie : c’est la loi de démocratie et, au pire, celle de biologie. Mais depuis le temps qu’on nous parle de son effondrement, il tient bon sur la voie de réformes dont la seule critique qu’elles m’inspirent porterait plutôt sur leur modération.

Insistons aussi sur le fait que les adversaires de ces réformes ne sont pas des enfants de chœur. Ils disposent de cellules armées qui s’appellent toujours Brigades Rouges, parti communiste combattant. Ce sont désormais les enfants et les petits-enfants des staliniens des années 1950 et des gaucho-terroristes des années 1980.

Or, une chose est trop rarement soulignée, c’est que les indulgences incroyables dont ont bénéficié, dans toute l’Europe, et particulièrement en France, les réseaux d’anciens terroristes d’extrême gauche italiens ont précisément encouragé les vocations de ceux qui assassinent encore.

On a arrêté en Italie le 23 octobre ainsi ces responsables " brigadistes " de l’assassinat le 20 mai 1999 de Massimo D’Antona, consultant du ministère du Travail. Cette affaire est à rapprocher aussi de celle du professeur Biagi, car dans un cas comme dans l’autre, les Brigades Rouges agissent comme avant-garde de l’appareil communiste contrôlant la CGIL. Il s’agit de terroriser et de diaboliser les réformateurs afin de tétaniser tout processus de réformes en Europe.

Chez nous, pour l’instant, les gens d’Attac parlent, dissertent sur Internet, gesticulent. Leurs homologues des Brigades Rouges survivantes frappent de l’autre côté des Alpes.

La Repubblica du 25 octobre fait remarquer que depuis l’assassinat d’Aldo Moro en 1978, il s’est écoulé plus de temps que n’ont duré les régimes dictatoriaux en Europe occidentale. Mais contrairement à ce que nous pouvons croire cette période du Terrorisme Rouge n’est toujours pas terminée. On a arrêté un Moretti présenté comme inspirateur de l’assassinat de Moro. On vient d’arrêter un Morandi et une cellule d’hystériques qui étaient âgées d'entre 15 et 18 ans au moment de l’affaire Moro et qui sous le même sigle, un quart dsiècle plus tard, avaient assassiné le Professeur d’Antona. Mais les fondements de leur système criminel restent intellectuellement et politiquement en place. On y applaudit encore dans les cénacles intellectuels parisiens, new-yorkais ou berlinois.

Ce système à la fois accusatoire et assassin on ne le voit pas seulement à l’œuvre contre Berlusconi, contre les OGM ou contre la mondialisation.

On le voit aussi, ou plutôt on devrait l’observer à l’œuvre de manière rampante dans les manœuvres de désinformation dans toute l’Europe.

Observons de la sorte le traitement qui est infligé dans les médiats français à l’encontre du gouvernement espagnol de M. Aznar.

Pas une seule étiquette du registre de la déqualification n’est épargnée dans notre pays à M. Aznar. On nous le présente pour insignifiant avec sa petite moustache. On nous le présente pour ultra-libéral. On nous le présente pour la carpette des Anglo-Saxons. On nous le présente pour rejeté par l’opinion espagnole, que sais-je encore.

Observons qu’en fait, pour la première fois depuis les années 1820, l’Espagne reprend pied en Amérique Latine (2).

Observons qu’en fait, après avoir battu tous les records de chômage avec plus de 20 % à l’époque de Felipe Gonzalez, l’Espagne est redevenue en quelques années un des pays les plus performants d’Europe.

Observons par ailleurs les résultats électoraux de ce 26 octobre aux élections régionales à Madrid. À cinq mois des élections législatives de 2004 le parti d’Aznar vient d’obtenir un très beau succès.

Non seulement, il est vrai, Aznar comme Berlusconi quittera un jour la présidence du Conseil, mais, bien plus ce jour est fixé puisqu’il ne sollicitera pas un troisième mandat. M. Aznar passera le relais à ses amis de l’Action Populaire en 2004. Il n’y a qu’en France que les dirigeants soient increvables, inoxydables, indéboulonnables.

Et c’est pour cela probablement que le monde nous les envie.

Jean-Gilles Malliarakis

    (1) On appelait de la sorte les diverses combinaisons qui, après la chute du gouvernement Tambroni ont caractérisé l'ouverture "à gauche", mais seulement à la gauche non-communiste, de la démocratie chrétienne italienne devenue minoritaire mais demeurant au pouvoir. La protection sociale italienne, instituée par l'État dans les années 1930, a été doublée d'une intervention administrative aussi subtile dans son principe que perverse dans son application : ainsi le Statut des travailleurs et son article 18 à la réforme duquel travaillait le professeur Biagi avant d'être assassiné par les Brigades Rouges.

    (2) D'où ils avaient été chassés à l'époque par les Américains réconciliés pour l'occasion avec les Britanniques

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