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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
LUNDI 3 NOVEMBRE 2003
LE CALAMITEUX TRICHET PEUT ENCORE NOUS SURPRENDRE
Il ne peut pas nous décevoir, mais il peut décevoir M. Jacques Chirac
Cest ce 3 novembre à Athènes que pour la première fois M. Trichet va parler en sa qualité, tant espérée, depuis si longtemps, de président de la Banque de Francfort.
Depuis 1998, candidat alors écarté par le Conseil européen, il guignait la succession de M. Wim Duisenberg dont la nomination avait beaucoup déplu au président de la république française M. Jacques Chirac. Et, depuis lors, le chef de lÉtat français na cessé de se démener pour imposer son candidat. Il le faisait avec tant de constance et darrogance quon pouvait imaginer les partenaires de la France, embarqués dans laventure de la monnaie unique, mal disposés à légard du candidat lui-même.
Nous avons toujours été, jusquici, très sceptiques et même très méfiants à légard de Trichet.
Ce que nous lui reprochons, dailleurs, est généralement passé pour secondaire par les médiats même spécialisés. Nous ne lui en voulons pas davoir été membre du PSU des années 1960 : nous lui reprochons en revanche de navoir jamais dénoncé, publiquement, honnêtement, le passé de complaisance vis-à-vis des entreprises totalitaires sanglantes que cette organisation soutenait alors en Algérie comme au Vietnam, à Cuba comme en Bolivie, en Afrique noire, etc.
Que des sympathisants du Zimbabwe de Mugabé inspirent aujourdhui encore impunément la politique extérieure française, l'exception culturelle française, la politique industrielle française, la politique agricole française, la politique monétaire et, bien entendu, notre système monopoliste pourri de sécurité sociale, voilà le premier problème de ce pays.
Incidemment, aussi, que ces gens soient passés par lÉcole Nationale dAdministration ou par le cercle très fermé de la Direction du Trésor ne doit pas susciter notre ressentiment envieux mais notre pitié. Quont-ils appris à lENA ? Ils ont appris ce quils appellent la science administrative et rien dautre.
Sagissant de M. Trichet ce nest ni la théorie monétaire, ni la pratique bancaire quil a apprise ni à lENA ni sur le tas.
A-t-il pris la peine de lire lhistoire monétaire des tats-Unis de Milton Friedman ? Non. LAction Humaine de Von Mises, traduite en Français ? Sûrement pas. Alors disons-nous le tout net : il na aucune connaissance théorique vraie.
A-t-il la moindre connaissance de la vie concrète dune entreprise ? Encore moins. Même à la tête de la Banque de France on a vu ce quil en était puisquil la quitte, après 10 ans de direction, environ 10 fois plus coûteuse que la Banque dAngleterre, qui pourtant, gère encore, et pas si mal, une monnaie effective : la livre-sterling. Et cette absence de culture dentreprise de M. Trichet sest constatée non seulement dans laffaire du Crédit Lyonnais (1) mais aussi dans les crises monétaires des années 1990 où il a coûté très cher au contribuable français . Nous avons suffisamment évoqué les conséquences de son intervention sur les taux dintérêt pour navoir pas besoin denfoncer le clou.
Aujourdhui, le janséniste Trichet change de costume et de couleur. Le voici revêtu dornements romains. Depuis 60 ans qu'il traverse cette vallée de larmes qu'est l'existence terrestre, cet homme a probablement toujours détesté largent, de manière secrète et constante. Il va devoir gérer la monnaie monopoliste imposée à 300 millions de ressortissants des pays de lEuroland, et dont nous savons au moins que ni les Suédois ni les Suisses nen veulent.
Il succède à M. Duisenberg, âgé de 68 ans et qui prend sa retraite après 5 ans et 1/2 de succès dans sa gestion (2), et dindépendance absolue face aux gros États déficitaires.
Succéder à M. Duisenberg est un défi terrible et, de plus, la tâche de M. Trichet sera complexe.
Que veut dire, par exemple, lutter contre la hausse des prix, tâche essentielle de la Banque Centrale Européenne dans une économie plurinationale ? Que veut dire le marché unique européen si les systèmes de prix nationaux sont supposés demeurer constants ? Déjà sa théorie de la désinflation compétitive, base de la politique dite du franc fort, était dapplication hasardeuse dans le strict cadre hexagonal, où elle était cependant nécessaire. L'application du même principe à 12 pays adeptes de leuro, plus les pays candidats, va être une merveilleuse expérience pour notre cher technocrate.
Ceci dautant plus quil faut souhaiter que leuro baisse, au moins modérément, face au dollar.
Compte tenu de tous ces paramètres, disons donc que M. Trichet peut certainement nous surprendre. Le bonhomme a de la ressource. Mais il ne saurait nous décevoir.
Il décevra cependant très probablement M. Chirac. Croyant faire nommer "un Français", le Chef de lÉtat français aura en face de lui un homme qui, certes, sera reconnaissable comme physiquement français dun point à lautre du continent. Indécrottablement, il restera le compatriote de Louis de Funès, un Italien de mauvaise humeur.
Mais il a demblée annoncé, face aux inquiétudes exprimées tout haut en octobre par la Frankfurter Allgemeine Zeitung, quil demeurerait totalement indépendant vis-à-vis du gouvernement de Paris, en particulier sur la question des déficits et de lévolution du pacte de stabilité signé à Amsterdam en 1997 par les énarques français Chirac et Jospin.
Sur ce point au moins nous devons souhaiter, dans l'intérêt de la France elle-même, que Trichet demeure psychorigide, droit dans ses bottes et si possible convaincant.
On sapercevra alors que M. Chirac a livré bataille pour le roi de Prusse.
Ce ne serait pas la première fois.
Jean-Gilles Malliarakis
- Rappelons que, dans le procès du Crédit Lyonnais, son système de défense reposait sur son ignorance supposée et sa transparente naïveté. Il semble avoir convaincu ses juges au point qu'il fut innocenté par un jugement clément en date 18 juin 2003.
- En octobre 2000 les bons esprits trouvaient M. Duisenberg catastrophique parce que l'euro valait 0,82 dollar. L'euro ayant, depuis lors, gagné plus de 36 points contre le dollar en 36 mois, nous devons considérer qu'il a vraiment trop bien réussi
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