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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
LUNDI 10 NOVEMBRE 2003
MISÈRE DU MISÉRABILISME
M. Raffarin est sûrement trop intelligent pour imaginer demain faire une carrière didole des vieux
Faut-il vraiment détailler techniquement le plan Raffarin de financement dune politique du grand âge ? Ou faut-il plutôt commencer par le contexte strictement politicien, vaguement communicateur et sournoisement personnel de notre roué Premier ministre ?
On nous présente soudain pour démonétisé le concept ministériel du personnage. On nous assure également quavec 35 % dopinions favorables le chef du gouvernement serait désormais dans les choux. Nous sommes plutôt portés à considérer, au contraire, quune durée de 18 mois à lHôtel Matignon, pour un homme politique assez effacé jusque-là, pour un homme politique présenté un peu vite comme une doublure ou un faire-valoir dAlain Juppé (1) cest presque inespéré.
Manifestement donc le plan Raffarin peut être présenté, plus encore quune opération de rebondissement qui si elle réussissait serait sans précédent pour un Premier ministre de la Ve république, pour une habile porte de sortie.
Le scénario qui serait à la fois logique, paradoxal et pittoresque serait donc le suivant.
1° Le Plan Raffarin est destiné à exploser. La droite et la gauche lempêchent daboutir, la CGT parce que de toute manière cest son rôle (2) quant à la droite, pour une fois, elle remarque la nullité du plan avant même sa mise en uvre, et la majorité UMP lempêche daboutir.
2° De la sorte, dignement, M. Raffarin retourne dans son fief régional du Poitou. Il est alors en réserve de la république. Son blason est crédité de leffort incompris, et qu'on dira pourtant "bien nécessaire", en faveur des vieilles personnes. Il devient lidole des vieux. Il "tombe à gauche", comme on disait sous les IIIe et IVe républiques. Bien joué lartiste.
Les scénarios politiques ont souvent un caractère tordu et les grands habiles font souvent beaucoup de mal.
Le point central de tout cela, le point doit nous préoccuper en effet cest le rapport entre les cotisations de plus en plus lourdes appelées par la sécurité sociale et les prestations en peau de chagrin. assumées par le dispositif.
Dans un contrat d'assurance viager, et le système monopoliste français se prétend tel, le risque du vieillissement doit obligatoirement incomber à lassureur.
Sil nest pas capable de lassumer, et lattitude de lÉtat central français est très précisément en train de nous le démontrer, il doit disparaître du marché.
Au-delà de la question totalement anecdotique de la réduction autoritaire dun jour de congé par an, la vraie question est là.
On se propose de créer un fond spécial. Voilà un piège inacceptable, car tout le monde devrait avoir compris désormais que le taux annoncé pour le prélèvement de la première année est totalement fantaisiste. Cest un prix dappel en quelque sorte : il se multipliera par 10 en moins de 10 ans non seulement parce que nous avons sous les yeux l'exemple de la CSG + CRDS, mais aussi parce que, dès maintenant, les besoins recensés en matière de Dépendance sont infiniment plus lourds que ceux annoncés.
Disons bien clairement aujourdhui à tous les apprentis sorciers de la redistribution que la création dune branche Dépendance de la sécurité sociale est
- une escroquerie du point de vue de lassurance-maladie
- et que cest évidemment une folie du point de vue financier, les deux points de vue étant liés.
Signalons dabord quil sagit dune nouvelle opération misérabiliste de "solidarité entre les générations" et ceci
- au profit de la "génération" qui a encaissé des retraites sans avoir guère cotisé
- et au détriment de celle qui paye actuellement de lourdes cotisations vieillesse et qui nen bénéficiera probablement que très peu.
On peut prendre les Français pour des imbéciles pendant quelques dizaines dannées. Notre système misérabiliste ne sen est jamais privé. Ce pari insultant ne sera pas toujours gagnant.
Il se fonde certes sur des opérations réitérées de culpabilisation. Mais on peut et on doit espérer que celles-ci ne marcheront pas éternellement.
Miser sur les voix électorales des vieillards, eux-mêmes encadrés par les gentils mandataires des hospices, pour faire une carrière politique, cest un pari qui, lui aussi, naura quun temps.
Nous espérons pouvoir être convaincus quun homme comme Raffarin qui sest toujours affirmé proche de lentreprise est bien trop intelligent pour se prendre lui-même dans un tel piège déshonorant.
Jean-Gilles Malliarakis
(1) Alors quil était surtout un sénateur plus ou moins fidèle du parti dAlain Madelin.
(2) La CGT est contre la suppression dun jour férié. Et, sur ce terrain, lunité syndicale ne mangera pas de pain.
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