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BULLETIN QUOTIDIEN EN TOUTE LIBERTÉ

MERCREDI 3 DÉCEMBRE 2003

LE SYNDROME MEXICAIN DES INSTITUTIONS FRANÇAISES

En France, la situation est pire qu'au Mexique : notre droite institutionnelle se tétanise elle-même

(ci-dessus : M. Lopez Obrador, maire gauchiste de Mexico)

Les effarants piétinements de la France dans tout projet de réforme devraient inciter à plus de modestie ceux qui prétendent inoculer à l'Europe le constitutionnalisme français. Nos institutions fonctionnent mal alors que dans le monde plusieurs démocraties, qui gouvernent avec plus ou moins de bonheur, pourraient nous servir d'exemple, à condition de les examiner honnêtement. Il ne nous semble donc pas inactuel de les revisiter.

Tout en étant la plus puissante démocratie du monde, les États-Unis ne sont ni la plus grande ni la plus ancienne. L’immense Union indienne a, jusqu’ici, assez peu d’émules en France. Quant au parlementarisme britannique, dont les racines remontent pourtant au XIII siècle, après avoir séduit nos orléanistes et une partie de nos radicaux d’autrefois, on ne cherche plus du tout à en faire une référence.

En effet, les constituants de 1958 d’abord, et par la suite, bien plus encore, praticiens de la V république, avaient en vue la république présidentielle américaine. Ils l’ont prise pour standard sans l’avouer, et plus grave encore, sans l’assumer.

Car, ce modèle présidentiel états-unien, pour pouvoir être importé en France, aurait supposé que notre pays adoptât autre chose que la seule élection plébiscitaire du chef de l’État, grande idée du général De Gaulle, dès son fameux discours de Bayeux. Ce mode désignation, introduit dans la pratique par la révision de l’article 7 en 1962, a été normalisé enfin par la réforme mal comprise du quinquennat.

L’élection du président n’est cependant qu’un aspect du système américain, lequel repose :

1° Sur le caractère puissamment fédéral des États-Unis, alors que la France demeure engluée dans la culture jacobine ;

2° Sur un civisme, sans lequel la séparation des pouvoirs est strictement invivable : le présidentialisme à la française signifie seulement l’abaissement du Parlement ;

3° Sur une domination et une alternance des deux partis, eux-mêmes de fonctionnement interne à la fois civique, fédéraliste et démocratique (1).

Sans ces trois réalités, le pouvoir présidentiel français s’apparente beaucoup plus au régime mexicain, et à la famille des pays d’Amérique du Sud qui, eux aussi, ont vaguement copié les institutions nord-américaines sans en respecter les fondements éthiques, fédéralistes et civiques. Depuis le XIX siècle, les gouvernements latino-américains présidentialistes oscillaient entre le chaos et la dictature. De nos jours, ils installent dans l’anarchie plus ou moins bon enfant (2) et la démagogie destructrice.

Le cas du Mexique d’aujourd’hui est éclairant. Après une guerre civile suivie de plus de 70 ans d’un gouvernement largement corrompu du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI) mélangeant les idées philosophiques du radical-socialisme français et les méthodes musclées du kémalisme turc, ce réseau de pouvoir, typiquement chiraquien, a enfin été battu par M. Vincente Fox, honnête dirigeant catholique du PAN (Parti d’Action Nationale).

Seulement, si M. Fox a été élu président, le PRI a obtenu plus de 240 sièges au parlement, le PAN ne disposant que de 165 députés sur 500. De la sorte aucune réforme n’est possible. Et le programme sur lequel Vincente Fox a été élu ne peut concrètement pas être mis en pratique. S’agit-il de privatiser, par exemple, l’industrie électrique, alors volant au secours du statu quo, les 95 députés du PRD de M. Cardenas Junior (3) voteront même avec le PRI dont ils se veulent pourtant les adversaires, etc.

Il serait excessif de dire que les constituants français de 1958 n’ont pas cherché, en partie et en théorie, à répondre à cette sorte de blocage. En effet, sur le papier, la loi fondamentale actuellement en vigueur dans notre pays demeure, sur le papier, de type… parlementaire. Mais ces constituants n’avaient considéré que l’expérience malheureuse de la constitution allemande dite de Weimar, adoptée en août 1919, et dont les blocages aboutirent à la dictature nationale socialiste après 14 années de chaos.

En réalité, on mesure une fois de plus ici combien "l’histoire est la science des faits qui ne se répètent pas", ou plutôt, qui recommençant toujours, ne se reproduisent jamais à l’identique.

Dans le Mexique actuel, l’homme qui monte est le maire de Mexico, M. Andrès Manuel Lopez Obrador. À la tête de sa monstrueuse mégapole de 8,8 millions d’habitants, ce personnage issu de la gauche radicale fait commencer la journée politique du pays par une conférence de presse quotidienne à 6 h 15 du matin. Régulièrement, il annonce de nouvelles mesures démagogiques : création d’un subside municipal pour les vieux travailleurs de 688 pesos, 63 dollars ; soutien aux mères célibataires assumant l’instruction de leurs enfants ; ouverture de 12 nouvelles écoles et tout un catalogue programme en vue d’assurer sa position de candidat des pauvres et des déshérités pour le scrutin présidentiel de 2006. Son supporter le plus connu n’est autre que le milliardaire Carlos Slim, principale fortune du pays. Bref, c’est le Lula local. Le secret de son ascension tient à ce que ses "mesures" apparaissent concrètes, tout en gonflant évidemment le déficit et la dette municipale, alors que le pouvoir présidentiel demeure enfermé dans sa virtualité.

En France, le blocage n'est pas parlementaire. Et à cet égard, la situation est pire puisque notre droite institutionnelle (que nous devons considérer, au moins depuis 1998, comme la Droite la plus suicidaire du monde) se tétanise elle-même. De plus, nos institutions sont bloquées sur d’autres terrains, en particulier par la complaisance vis-à-vis des bureaucraties syndicales, par le système des conventions collectives de 1936, par le décret de 1966 dit de la présomption irréfragable des bureaucraties syndicales, et par le poids de la CGT. Aux velléités inassouvies de réformettes s’oppose également une fonction tribunitienne dont on commence à voir se dessiner les tendances actuelles, avec la médiatisation d’un José Bové, avec les sous-marins gravitant autour de la nébuleuse Attac, et avec la percée de la nouvelle extrême gauche officiellement trotskiste.

Il serait temps de repenser et d’assainir le débat démocratique et la vie parlementaire dans notre pays si nous ne voulons pas voir l’emporter un schéma mexicain, aggravé par l’irresponsabilité juridique, pour ne pas dire le mépris total du Droit, qui caractérise nos démagogues gauchisants hexagonaux.

JG Malliarakis
©L'Insolent

(1) Tout en reconnaissant (et le point n’est absolument pas négligeable) une liberté absolue à tous les autres partis et aux hommes politiques indépendants

(2) Mais sans pouvoir recourir désormais à une alternance dictatoriale car celle-ci ne serait plus banalisée.

(3) M. Cardenas Junior est le fils du fameux Cardenas "nationalisateur" des pétroles mexicains en 1935 et qui reçut le dernier prix Staline décerné en 1955.

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