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BULLETIN QUOTIDIEN EN TOUTE LIBERTÉ

VENDREDI 12 DÉCEMBRE 2003

MISÈRE DE LA LÉGISLATION

Quel mal ont donc fait les petits porteurs de kippa ?

Mettons avant tout les choses au point.

Tous les Français sont interpellés, chaque jour, dans les rues des grandes villes, dans les transports publics et sur les marchés par une réalité sociale qui s'exprime physiquement par la prolifération des foulards qu'on appelle des "voiles islamiques".

Nous devons dénoncer cette plaie du communautarisme qui gagne de plus en plus la France.

Il ne saurait s'agir d'être complaisant vis-à-vis de ce phénomène, mais

1° On ne comprend pas au nom de quoi la caste syndiquée des enseignants de l'école d'État serait seule épargnée par une réalité dont leurs organisations corporatives ne sont pas les dernières à parler la langue de bois selon laquelle cette nuisance, pourtant bien réelle, n'existerait pas.

On comprend encore moins pourquoi un tel privilège serait inscrit dans la loi.

Et, en somme, le prétendu débat sur le port du foulard islamique dans les écoles de l'État français n'aura été qu'un prétexte.

Et les provocations des petites demoiselles d'origine turque ou maghrébine, ou même dans certains cas, issues de familles françaises converties à l'islam le plus radical, qui tenaient tête à leurs (méchants) proviseurs viennent de se solder par une magnifique victoire.

Elles ont d'abord obligé le régime politique à se barricader derrière un projet de norme juridique jacobine dégénérée, qu'on appellera abusivement et pompeusement une "loi".

Elles ont, ces petites sottes exaspérantes, terrorisé de lâches administrations, incapables de résoudre, par l'application une banale circulaire ministérielle ce qui ne devrait être qu'un misérable problème de clochermerle. N'était-il pas plus simple d'imposer de la sorte que les règlements des lycées et collèges exigent qu'on se décoiffe, par simple politesse ?

En effet tout en prétendant défendre la laïcité française, républicaine et obligatoire, nos réformateurs ont démontré que la seule chose sur laquelle ils fondent leur ligne de défense ne tient pas.

Car c'est bien une ligne Maginot que la laïcité républicaine française.

Dans le système légal laïciste à la française, tout repose, en effet, sur la loi de 1905.

La constitution de 1946, d'heureuse mémoire, faisait référence à la laïcité, mais elle ne la définissait pas. Le texte de 1958, bâclé dans le contexte fort ambigu du 13 mai, se veut fidèle au préambule de 1946, ce qui renvoie au problème précédent.

Au total, le seul véritable fondement de notre chère laïcité demeure la loi votée sous la III république, négociée de haute lutte, discutée article par article, et dont presque chaque alinéa avait entraîné des combinaisons parlementaires particulières, le catholique nationaliste Denys Cochin s'accordant sur telle disposition avec le socialiste agnostique Jean Jaurès. Le très radical Émile Combes étant devenu gênant en cours de route, le grand homme du compromis s'appela l'ancien socialiste mondain Aristide Briand (1) : ce fut une affaire assez complexe comme on le voit.

Répétons-le : la laïcité française ce n'est ni la "laïcité" américaine ni la "laïcité" turque.

Rappelons ce qu'est la laïcité dans le Droit français : c'est le principe selon lequel

On peut certainement tenir cette définition pour médiocre ou discutable. Mais ce n'est pas à une vague commission de composition arbitraire de la remettre en cause.

Or voici ce que déclare l'un des piliers de la "commission Stasi", M. Patrick Weil penseur technocratique auquel on doit un rapport de 1997 "pour une politique de l'immigration juste et efficace". (2)

"La laïcité française, dit M. Weil, était souvent considérée comme ringarde, aujourd'hui nous allons très loin dans la reconnaissance des cultes. La laïcité est le respect de tous les cultes. À partir du moment où nous sommes dans un paysage différent de celui de 1905, la reconnaissance de certaines (lesquelles ?) options religieuses s'impose".

Et de se féliciter de la mesure symbolique suivante, proposée par la commission :

"La France serait ainsi le premier pays non musulman à reconnaître l'Aïd-el-Kébir et le seul pays autre qu'Israël à fêter Kippour", exulte M. Weil.

Attention : il ne s'agit pas là de permettre aux enfants juifs ou musulmans ou orthodoxes ou arméniens de s'absenter une fois par an lors de fêtes spécifiques : car cette disposition, bien compréhensible, existe déjà. Il s'agirait que ces deux fêtes, lorsqu'elles se situent en semaine, deviennent la fête de tous…

Est-ce bien raisonnable ?

Cette concession, de taille, est supposée compenser l'interdiction qui sera faite de porter "une grande croix, un foulard islamique ou une kippa" considérés comme des "signes religieux ostentatoires."

Disons le franchement cette loi est avant tout marquée par la dérision. Si elle était appliquée on pourrait, à la limite, imaginer qu'elle gèle, quelque temps, un certain contentieux dans les écoles publiques (en réalité, loin de le geler, elle lui donnera un caractère plus large) mais elle ne changera rien à la lame de fond de cette présence islamiste en France dont on n'a jamais demandé aux Français si, propriétaires de leur pays, ils la désiraient.

Un correspondant nous faisait parvenir la réflexion suivante : "S'agissant du voile islamique, il ne s'agit pas d'un signe religieux. C'est un drapeau manifestant l'appartenance au canal politique du Djihad international qui fait la guerre aux démocraties. Retenez bien, dit-il, et diffusez ce concept de drapeau".

On est donc en face d'un symbole politique et non d'un symbole religieux.

On ne peut pas mettre ce drapeau politique sur le même plan que la croix ou la kippa.

Et, d'ailleurs, croix et kippa ne sont pas du même ordre.

Un chrétien n'est pas obligé de porter un signe "ostentatoire" ni même "ostensible" (3). "Porter sa croix" est, certes, un objectif pour tout chrétien, mais au sens figuré : cela ne s'entend pas au sens de "porter un pendentif"… On nous annonce généreusement qu'on autorisera les "petites croix" tout en interdisant les "grandes croix". Cela est textuellement dans le projet de la Commission Stasi. Mais alors va-t-on réglementer la taille des croix que nos enfants auront le droit de porter comme on définit le calibre des bananes ? Interdira-t-on les croix pectorales orthodoxes au motif qu'elles sont plus grandes que celles des catholiques ? Mais, en fait, aucun chrétien ne se sentira, pour le moment, agressé dans sa foi — en tout cas, pas plus que d'habitude.

Cela nous paraît un peu moins vrai s'agissant des signes religieux juifs. Ils font partie de la loi juive. Interdire à un enfant juif de porter une kippa c'est, clairement, une persécution de la piété juive, dont on voit mal sur quel contentieux elle se fonde (4) sinon sur la peur de l'islamisme.

Quel mal ont donc fait les petits porteurs de kippa ?

Est-ce un signal convenable au moment où, manifestement, ces enfants se sentent agressés par quelques poignées d'islamistes (5), que de montrer la république laïciste leur demandant de raser les murs ?

Si nous devions en conclure que le seul tort de ces enfants est de déplaire aux nouveaux maîtres que semble se reconnaître la France officielle, notre devoir national serait encore plus de dire "non", et cent fois non, à ce glissement du laïcisme, "non" à cette misère de la législation, "non" à cette atteinte à nos libertés.

JG Malliarakis
© L'Insolent
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  1. Lui-même agnostique, comme tout le personnel républicain de l'époque, Briand était lié aux milieux de la démocratie chrétienne naissante par son collaborateur Daniélou (cf. tomes II et III des Responsabilités des Dynasties bourgeoises) dont l'épouse Madeleine fut la grande éducatrice que l'on sait. Leurs fils, deux remarquables personnalités, furent l'un le cardinal et théologien Jean Daniélou, et l'autre le philosophe hindouiste Alain Daniélou.
  2. Car, bien entendu, et contrairement à 1905, c'est bien en liaison avec l'immigration que l'on prétend repenser aujourd'hui la laïcité.
  3. C'est le jour même, historique, où un ancien chef de l'État français est élu à l'Académie française en la personne du grand lettré Giscard d'Estaing — jusqu'ici le maréchal Pétain avait été élu à l'académie… avant de devenir chef de l'État français — que l'on joue sur les mots "ostensibles" et "ostentatoires".
  4. N'étant pas un spécialiste de la religion juive je souhaiterais savoir ce qu'en pensent exactement les rabbins, en fonction de ce qui me semble écrit dans le livre que, nous chrétiens, appelons le Deutéronome et qui fait obligation aux juifs de se souvenir chaque jour de la Loi juive donnée à Moïse et qui, sauf erreur, est devenue une loi morale universelle en fonction de la promesse faite à Abraham "en toi je bénirai toute l'humanité". Je constate en tout cas que le grand rabbin a eu la même réaction que les représentants des trois familles du christianisme en France.
  5. Si l'on veut "dédramatiser" la situation n'est-il pas, au contraire, urgent de montrer clairement, à la face du monde, que les juifs sont acceptés comme tels dans notre pays ?
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