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BULLETIN QUOTIDIEN EN TOUTE LIBERTÉ

MERCREDI 17 DECEMBRE 2003

LE STATUT D'EDF-GDF DANS LE CONTEXTE EUROPÉEN

D'un côté la CGT, de l'autre l'intérêt du pays…

La chronique de M. Bernard Guetta sur France Inter, parfois irritante, éventuellement pertinente, rarement indifférente, ne s'appelle plus géopolitique. Elle a pris le nom de Nouvelle donne, plus conforme à la réalité de la vie internationale. Les enjeux ne portent plus sur des territoires mais sur des identités, les puissances ne sont plus des États-nations mais des réseaux de pouvoir (1).

Ce 17 décembre, dans son intervention quotidienne de 7 h 22, Guetta a donc lancé le sigle amusant de "Françallemagne" (2). En réalité, pour l'instant, il s'agit bien de comprendre que nous ne sommes, plus du tout, en présence d'une addition "État français" + "État allemand", mais d'une imbrication, économique et culturelle, de tout le "Frankenland", ancien royaume des Francs, englobant les trois États du Benelux. C'est de cela que certains voudraient faire une Europe renforcée, alors qu'il ne s'agit que d'une composante, dont les gouvernements ne sont pas forcément infaillibles, au sein d'un espace européen de 25 pays et de 453 millions d'habitants.

Certes remarquera-t-on ce sont ces pays qui contribuent le plus lourdement aux Budgets communautaires. Or, actuellement les États contributeurs tendent à diminuer la voilure de ce que certains considèrent comme un Super-État. Allemagne, France, Royaume-Uni, Pays-Bas, Autriche et Suède demandent le gel du budget communautaire pour la période allant de 2007 à 2013. En mars 1999, lors du Conseil européen de Berlin il fut décidé de plafonner les recettes du budget communautaire à 1,27 % du PIB des États-Membres. En 2000, on a opté pour un calcul non plus sur la base du PIB mais du "revenu national brut", ramenant le pourcentage de référence à 1,24 %. Le gouvernement Schroeder, actuellement engagé dans un processus de rigueur financière, suggère même de ramener ce pourcentage à 1 %. Quand on sait que la moitié de ces fonds sont absorbés par les aides agricoles, on mesure à quel point la menace du Super-État redistributeur est dérisoire et combien le "programme de démarrage rapide" de 56 projets de grands travaux européens représentant 62 milliards d'euros d'investissements, d'ici 2010, relève de l'incantation, même en plafonnant la part publique de ces opérations à hauteur de 40 %.

Les partisans de la redistribution, et de l'intervention étatique dans l'économie, se trouvent, certes, dans une situation de domination rhétorique.

On peut même les considérer comme représentatifs de la pensée unique française.

Mais leur discours est en décalage total avec la réalité européenne.

La question du statut d'EDF-GDF s'inscrit ainsi dans ce contexte.

De longue date, les partenaires européens de la France, et notamment le ministère allemand des Finances, demandent à la France de modifier le statut d'EDF. Actuellement "Épic", Établissement public à caractère industriel et commercial, le groupe deviendrait une société de Droit commun, sans préjudice de son actionnariat encore détenu à 100 % par l'État français. Sur ce point M. Francis Mer n'a pas encore donné son accord pour que cette évolution juridique inéluctable soit inscrite dans la loi française.

Au premier trimestre 2004 une loi d'orientation sur l'énergie doit voir le jour et elle sera débattue au parlement français, et la réforme statutaire sera peut-être alors englobée dans un certain nombre de concessions importantes lesquelles ne manqueront pas d'être proposées aux syndicats, sur le terrain de l'option nucléaire, mais aussi de la pérennisation des avantages retraite (3), etc.

À ce jour, l'accord de l'État français porte seulement sur le retrait de la garantie d'État, juridiquement illimitée, dont bénéficie encore Électricité de France pour se financer sur les marchés. Cet avantage inouï lui sera retiré, avant le 31 décembre 2004, à la demande du Commissaire à la Concurrence M. Mario Monti : le ministre des Finances lui a répondu positivement en date du 15 décembre.

Bien plus, on remarque que la rétrocession par EDF des avantages financiers énormes, 0,889 milliard d'euros en litige depuis 1997, soit 1,2 milliard avec les intérêts fait l'objet depuis plusieurs années d'un contentieux ascendant qui se traduit désormais par une injonction à laquelle Paris ne pourra plus se soustraire.

"Cette fois, fait remarquer Jean-Marc Sylvestre, commentateur officieux, l’EDF ne peut plus reculer, l’EDF va devoir se réformer et se transformer en entreprise comme les autres pour affronter la concurrence européenne."

Affronter la concurrence ? Ce n'est pas cela qui fait peur aux dirigeants EDF. En dépit de quelques déboires financiers récents, l'entreprise est techniquement plus que performante. Elle détient, commercialement, une position extrêmement concurrentielle, en grande partie du simple fait de la part du nucléaire dans la production de courant électrique de notre pays. En Europe, EDF a pris le contrôle de positions et de parts de marché non négligeables et ce qui amène le ministère allemand de l'industrie à protester c'est notamment qu'EDF rachète des activités électriques en Allemagne, tout en conservant son monopole en France. Idem en Grande Bretagne, en Espagne, en Hongrie, etc.

La transformation du statut a comme principale force d'opposition la CGT. Ceci s'explique non seulement par des raisons de doctrine, mais surtout par des raisons matérielles : les avantages donnés aux personnels électriciens et gaziers sont peu de chose en comparaison du nombre de permanents de la subversion cégétiste et de la glaciation communiste rémunérés au titre des œuvres sociales d'EDF.

Il est vital pour la CGT de retarder au maximum le jour de la privatisation d'EDF.

Il essentiel pour l'intérêt du pays, au contraire, que la normalisation intervienne le plus rapidement possible.

Il sera donc instructif de voir, dans les mois à venir

chacun se rangera dans quel camp dans cette bataille à venir.

JG Malliarakis

© L'Insolent

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  1. Nous pensons l'avoir démontré en conclusion de "Yalta et la naissance des blocs" livre écrit en 1982.
  2. Nous l'écrivons de la sorte, comme d'autres ont pu écrire "Françafrique". Nous avons attendu la mise en ligne de l'article écrit sur le site de France Inter pour découvrir que son inventeur n'utilise pas le même artifice typographique : il écrit étrangement "FrancAllemagne", absurdité phonétique destinée, sans doute inconsciemment, à minimiser l'idée.
  3. Cette pérennisation serait englobée dans une intégration du régime privilégié des gaziers et des électriciens dans le régime général supposé les garantir encore mieux…

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