Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ... Accéder au Courrier précédent ... Utiliser notre Moteur de recherche
BULLETIN QUOTIDIEN EN TOUTE LIBERTÉ
VENDREDI 19 DÉCEMBRE 2003
POURQUOI L'OLIGARCHIE PARISIENNE EST-ELLE SI PEU LIBÉRALE ?
Rien ne lui déplaît plus que la liberté puisqu'elle s'enrichit de la faveur du Prince
Le spectacle du dernier Comité interministériel d'aménagement du territoire réuni le 18 décembre, communiquant sur 35 projets d'infrastructures de transports programmées par l'État à l'horizon de 2012 nous renforce dans le sentiment que la Libre entreprise intéresse très peu la droite politique. Il est d'ailleurs un fait que les oligarques parisiens s'y intéressent encore moins.
Combattre aujourd'hui pour les libertés économiques a quelque chose d'agréablement comparable à la situation dans laquelle se trouvaient les adversaires du communisme dans les années qui ont précédé la chute de l'Union soviétique.
On exaspère la gauche. En combattant pour le libre choix des individus et pour la liberté sociale des petits entrepreneurs indépendants, on est toujours suspecté de désespérer Billancourt, lors même que Billancourt n'est pas dans Billancourt.
Mais chose apparemment plus surprenante, et qui entraîne bien des quiproquos, on dérange beaucoup plus encore la droite politique.
Quand on parle de droite politique, bien évidemment il ne faut pas en l'occurrence se référer à la droite de conviction. Non seulement celle-ci est rare, et estimable, mais par définition elle a combattu le communisme hier, et elle débusque encore les résidus du marxisme, les poches de cégétisme, et les dinosaures du stalinisme et du trotskisme lovés dans la société française. La droite de conviction, en fait, ne s'intéresse guère à la politique hexagonale, qu'elle a toutes les raisons de trouver écurante et vaine.
Par droite politique, nous entendons ici ce que tout le monde comprend ordinairement sous ce mot : les coulisses de l'UMP, les arrières boutiques du Figaro, les habiles qui faisaient hier profession de gaullisme (1). Tous ces gens d'ailleurs répugnent à se "coller une étiquette de droite", mais ils font mine de s'opposer à la gauche.
Cette droite politique comme l'épithète l'indique s'intéresse beaucoup à la vie politique hexagonale, au quotidien.
Sur un simple coup de sifflet, on l'entend démarrer au quart de tour, quand cela convient à ses serre-files, s'indigner, au bon moment, contre la tête de Turc du jour : "Ah ! les vilains petits juges rouges qui polluent notre belle justice !" "Ah ! les affreux grévistes qui prennent en otage les usagers de transports en commun où on rencontre pourtant si peu les dirigeants de lump !" "Ah ! le beau discours qu'a prononcé M. de Villepin !" "Ah ! Le traître Bayrou !" "Ah ! les privilèges de la (petite) fonction publique" etc.
Parfois, on se laisse prendre, on se rallie à ces mots d'ordre, qui servent éventuellement de couverture aux éditions rutilantes du Figaro Magazine. Un frémissement d'espoir nous surprend et on peut, on est même parfois contraint de faire semblant d'être dupe.
Or, il ne faut pas être réellement dupe, à moins de se voir cruellement déçu, au moindre changement de mot d'ordre.
Du jour au lendemain en effet, on apprendra d'un Gilles de Robien qu'il n'est pas question de légiférer contre les bureaucraties syndicales en faveur d'un service minimum : la comédie dure depuis quelque 15 ans. Ou bien "le traître Bayrou" et tous les damnés centristes sur lesquels on avait fait mine, la semaine précédente, de tirer à boulets rouges deviennent "ces amis de toujours sans lesquels on ne saurait gouverner la France" (c'est vrai que deviendrait-on sans un Douste-Blazy ?)
Il faut être vraiment très agile d'esprit pour suivre le raisonnement.
Très agile d'esprit ou trop souple d'échine ?
Prenons un simple petit exemple. Pendant les opérations anglo-américaines contre l'Irak, et depuis que le régime de Saddam Husseïn est tombé, sans être nécessairement enthousiastes de la stratégie et de la tactique adoptées par nos alliés dans leur lutte contre le terrorisme, il nous a semblé plus conforme à l'idée que nous nous faisons encore de la dignité de la France, de ne pas sombrer dans le dénigrement antiaméricain systématique.
Dans une guerre comme celle que l'islamo-terrorisme a déclarée à l'occident, mais aussi à l'Inde, mais aussi aux populations chrétiennes des Balkans, mais aussi à tous les Européens, ce dénigrement répond à une fonction bien précise.
Cela étant dit, qui nous sépare déjà beaucoup de cette droite politique hexagonale, toujours "ivre d'histoire de France et de pontet-canet" (2) nous sommes frappés par une autre forme de conformisme.
Depuis 35 ans en effet que Saddam Husseïn gouvernait à Bagdad, les médiats contrôlés par le CSA et par toutes sortes d'instances proches du pouvoir parisien, auraient eu maintes fois l'occasion de nous passer certaines images particulièrement écurantes sur la dictature du Baas.
Je dirais même que ces images qui montrent, en fait, le caractère stalinien de ce régime eussent eu l'avantage de nous éclairer. Par exemple, ces images (3) du congrès baassiste où Saddam fumant le cigare ordonne, un à un, d'expulser 56 opposants (présumés) hors de la salle du congrès et de les faire fusiller à la sortie, si on les avait vus plus tôt on aurait mieux compris ce que nous disaient les Kurdes et les Iraniens.
Pour ma part, ce n'est pas des médiats parisiens que j'ai appris le caractère suspect du régime irakien, mais des responsables de l'Institut Kurde de Paris qui vinrent à mon émission sur Radio Courtoisie et en la personne de M. Ali Babakhan me firent bien comprendre que l'image propagée par Charles Saint-Prot, estimable agent français et biographe officieux de Saddam Husseïn (qui m'avait déclaré tranquillement "les Kurdes irakiens sont des Kurdes heureux") était pour le moins forcée.
Je n'en ai pas conclu, d'ailleurs, qu'il fallait nécessairement faire la guerre à ce dictateur-là particulièrement, car je crois que la guerre est, avec l'embargo, le plus discutable des moyens de lutter contre les dictatures, lesquelles sont fort nombreuses.
En 1990, par exemple, il me semblait et il me semble encore difficile de s'allier à l'Arabie saoudite au nom des Droits de l'Homme, dans la mesure où ce royaume obscurantiste est le seul pays du monde à oser refuser de signer tout document faisant référence aux Droits de l'Homme.
Mais, à cette époque, où pourtant on envoyait allègrement des soldats français combattre pour la liberté de l'émirat de Koweït, les médiats français ne présentaient guère Saddam comme le dictateur que l'on sait aujourd'hui.
Quand donc ces médiats ont-ils diffusé ces images terribles ?
Quand donc les représentants officiels de notre pays ont-ils affirmé que Saddam était un affreux tyran ?
Ils l'ont fait exactement aux mêmes moments, et en deux temps.
Cette synchronisation, par elle-même, donne déjà une idée un peu dommageable du rapport entre des chaînes de télévision "privées" (appartenant à des groupes aussi culturels que Bouyghes, comme TF1) ou des journaux réputés "libres", ou des maisons d'éditions "indépendantes" (contrôlées cependant par des marchands d'armes) et le pouvoir.
Mais les étapes précises de ce revirement, elles aussi, méritent d'être repérées.
Ce fut d'abord le moment de la chute du régime de Badgad, où l'on apprit de la bouche du maître du pouvoir à Paris que son homologue irakien était "un affreux dictateur", ce qui ne nous avait jamais été révélé jusque-là.
Puis, après avoir soigneusement dénigré, savonné la route, des efforts de la coalition anglo-américaine, nos journaux et nos télévisions ont, soudain, rivalisé dans la présentation des crimes et dans le remodelage des révélations biographiques : un tel retournement nous rendrait presque sympathique un personnage auquel jusqu'ici les occidentaux ont oublié de reprocher qu'il a tué pendant une guerre de 8 ans, financée par l'argent des émirs du pétrole, 800 000 Iraniens.
Ceci nous permet déjà de mieux comprendre ce qui motive vraiment les oligarques de la patrie des Droits de l'Homme.
Pour ces gens la liberté de la presse est un vain mot (4).
Il serait malhonnête de dire que nos oligarques, et leurs valets de la classe politique, sont motivés uniquement par l'argent. Ce serait inexact et ce serait même flatteur. L'argent, lorsqu'il rémunère une fourniture ou une prestation avouable, n'a rien de déshonorant. Il confère même un degré de liberté inconnu du courtisan.
Ce qui caractérise l'oligarchie parisienne c'est précisément le désir permanent d'être proche du pouvoir et d'en espérer des miettes. Pour la plupart ce sont des bons toutous, des labradors, de ceux qui remuent la queue en disant "Merci Monsieur le Président", "Merci Monsieur le Ministre", quand on leur attribue un nonosse. Ils sont de ceux qui ridiculisent les légions d'honneur gagnées par nos anciens sur les champs de bataille, etc. Mais en observant une actualité "exécutive", on se dit, aussi, qu'il n'y a pas peut-être pas que des miettes pour bons toutous serviles et inoffensifs.
Il y a aussi beaucoup de très gros argent pour quelques requins.
Bourdaloue disait : "à l'origine des grosses fortunes il y a des choses qui font trembler".
C'était certes une autre époque, dont certains pays sont plus ou moins sortis, du fait de ce qu'on appelle la révolution industrielle.
Le jour où la libre entreprise est devenue la principale source de l'enrichissement, l'humanité est entrée dans une ère de plus grande liberté.
On peut le dire sans hésiter de tous nos voisins : en Allemagne comme en Italie, comme en Angleterre, en Espagne ou en Belgique les grandes réussites de l'industrie, de la finance ou de la presse ne doivent plus rien à la faveur du prince.
Hélas, de toute évidence, la France n'a pas encore été gagnée par cette contagion émancipatrice. Le gros argent reste la chose des grands habiles, hier continuateurs des profiteurs de la Révolution, acquéreurs de biens nationaux, aujourd'hui magouilleurs de l'économie mixte. Il leur faut toujours être proches de l'État. Il ne leur viendrait pas à l'idée de critiquer l'étatisme. Ils aspirent aux monopoles. Quel inconvenance que de prôner le libre choix des individus ! De l'ultra libéralisme, on vous dit ! Pas touche à notre magnifique modèle social ! Le meilleur du monde !
Rien ne déplaît plus à nos oligarques parisiens que la liberté, puisqu'ils tiennent leur puissance de la servilité.
Faut-il vraiment s'étonner avec cela que les défenseurs de la liberté soient si mal vus dans la bonne société parisienne ?
JG Malliarakis
Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ... Accéder au Courrier précédent ... Utiliser notre Moteur de recherche
- Reconnaissons au moins un mérite au général De Gaulle, sur ce point. Il ne se trompait pas sur ce point "Les gaullistes ? disait-il, on prétend qu'il y a beaucoup d'affairistes parmi eux".
- Jacques Prévert in "Dîner de têtes à Paris-France"
- Ces images ont été diffusées pour la première fois, à ma connaissance, le dimanche 14 décembre, au soir, sur TF1. Le groupe Bouyghes serait-il, par hasard, candidat aux chantiers de la reconstruction de l'Irak ?
- Soulignons que cette liberté, la plus emblématique de toutes, est foulée aux pieds dans un pays où deux journalistes viennent coup sur coup d'être débarqués pour leur franc parler, l'un (Daniel Schneidermann) du Monde, l'autre (Alain Hertoghe) de La Croix, deux sanctuaires de la pensée unique française.
Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ... Accéder au Courrier précédent ... Utiliser notre Moteur de recherche
Vous pouvez aider l'Insolent ! : en faisant connaître notre site à vos amis en souscrivant un abonnement payant