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BULLETIN QUOTIDIEN EN TOUTE LIBERTÉ

VENDREDI 26 DÉCEMBRE 2003

LE VRAI PÈRE NOËL DES CONTREBANDIERS

Il ne réside pas en Finlande : il séjourne à Paris quai de Bercy

La conjuration de la période des fêtes, de l'isolement campagnard et d'une sérieuse panne d'ordinateur, m'ont contraint à consulter, pendant trois jours, trois délicieuses journées je l'avoue, seulement la Nouvelle République du Centre Ouest. Ce journal monopoliste de droit local se voue essentiellement aux faits divers. Ainsi, l'événement le plus marquant qu'il retenait, de ce 22 décembre, n'est autre que l'audacieuse opération de la pègre à Marseille ayant consisté à dérober un stock assez considérable de cigarettes.

Les fins limiers qui résoudront cette énigme nous en apprendront certainement beaucoup sur la manière dont les bandits ont opéré, comment ils ont choisi cette cargaison et par qui ils ont été renseignés. Les 45 tonnes de cigarettes transitaient, dans les docks du grand port de notre belle Provence, entre la Tunisie et l'Algérie. Ceci peut paraître un étrange itinéraire. Quand on sait que l'un des hauts lieux de la vente à bas prix de cigarettes de contrebande se trouve à Barbès, certains penseront avec nostalgie que, lentement mais sûrement, l'ancien espace impérial français se reconstitue.

Mais à dire vrai la question la plus épineuse n'est pas là. S'agissant de ce trafic de cigarettes, nous laissons aux émules d'Hercule Poirot le soin de savoir par qui, en France, il est réalisé. Les soupçons qui pèsent sur certains réseaux islamistes ou séparatistes corses semblent objectivement plus sérieux que la piste de l'association des descendants de zouaves pontificaux, ou "la piste espagnole de Copernic". En un mot comme en cent, ce n'est pas l'extrême droite qui a fait le coup.

L'alliance des pouvoirs gris fonctionnant dans les zones de non-droit avec les mafias étrangères n'est plus à démontrer.

Le 4 juillet par exemple on apprenait, par un long article de l’Ansa italienne, le lancement d'une procédure concernant la demande d’arrestation du Premier ministre monténégrin M. Milo Djukanovic, émise par le Parquet de Naples : "L’accusation du ministère public de Naples pour association criminelle financée par le trafic de tabac de production étrangère (1), émise contre le Premier ministre monténégrin Milo Djukanovic est le résultat de la demande d’arrestation formulée par un procureur public quelques jours plus tôt". Car les 365 pages relatant "les écoutes de conversations téléphoniques (2) de Milo Djukanovic, Vesko Barovic, Duska Jeknic (3) et Paolo Savino révéleraient l’implication directe du Premier ministre monténégrin dans les trafics de cigarettes en Italie." (4) Paolo Savino est mentionné en Italie comme l’un des représentants les plus exposés de l’organisation des trafiquants.

La question en l'occurrence n'est pas de savoir si, chacun sur son passeport, M. Djukanovic figure comme ressortissant juridique de l'ancienne Fédération yougoslave et M. Savino comme citoyen de la République italienne. Quand le juge d’instruction conclut, que "Djukanovic Milo, Président du Monténégro, a participé à la réalisation des objectifs de l’organisation liée à Paolo Savino" il nous semble également anecdotique de savoir si cette organisation relève de la bonne vieille Camorra napolitaine, de la nouvelle Coupole sicilienne, de la Santa Corona Unita des Pouilles ou de l'Honorable Société palermitaine comme nous ne nous interrogerons pas non plus sur les sympathisants politiques socialistes, écologiques et bien-pensants de M. Djukanovic (5).

La question transcende en effet les folklores, les partis et les chauvinismes.

Elle a sans doute quelque chose à voir avec les frontières et les séparatismes. Mais cette relation fonctionne dans un sens que n'imaginent peut-être pas habituellement les intellectuels purs et les adversaires ordinaires de la mondialisation.

Il est vrai que les réseaux criminels ne demeurent pas indifférents aux questions de frontières : sans frontières pas de contrebande.

Mais à la vérité quelque chose est encore plus important que la frontière pour conforter l'honnête rétribution du contrebandier.

Et ce quelque chose c'est la douane, c'est-à-dire à la fois le douanier et le différentiel de taxation.

Depuis l'apparition du GATT en 1945 et les accords de Marrakech instituant l'OMC en 1993, les douaniers avaient tendance à perdre de leur utilité sociale et les différentiels de taxation semblaient voués à la disparition. La douane, cette eau hors de laquelle le poisson contrebandier ne saurait survivre, était en train de devenir un chef-d'œuvre en péril.

C'est à cette dangereuse évolution que le fiscalisme français, peut-être sans le vouloir (6), a entrepris de répondre.

La lutte contre le tabac est, dans ce contexte, l'expression tout à fait significative de l'instinct répressif des modes politiquement correctes . Elle a permis à tous les déçus de la planification, de l'appropriation collective des moyens de production et d'échanges, comme aux nostalgiques du monopole d'État du commerce extérieur, de se créer de nouveau moyen d'expérimentation de l'Utopie étatique (7).

On a donc créé un différentiel de taxation. Et chaque fois que cette taxation augmente en France et en Europe, on donne des opportunités de trafic aux frontières de la république française et de l'Union européenne. Cela est une sorte de mécanique économique.

Est-ce alors du "déterminisme économique" que d'observer cette irrésistible ascension des mafieux (8) ? Est-ce du matérialisme ? Non : c'est même exactement le contraire. Croire en la vérité des lois économiques c'est croire en l'homme, en la liberté et en la responsabilité des individus. Le "déterminisme économique", le "matérialisme" c'est de croire que l'État fiscaliste pourrait devenir un éducateur positif, pourrait donner le bon exemple, alors qu'il n'est qu'un prédateur donnant trop souvent l'exemple du vol, de la fraude et de l'extorsion.

L'État fiscaliste invente toujours de nouvelles perversions et il offre des possibilités d'actions nouvelles à tous ces qui rêvent de l'imiter par l'impôt révolutionnaire.

L'État fiscaliste est le vrai père Noël des contrebandiers.

JG Malliarakis
© L'Insolent
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  1. Articles 291 et 416 du Code pénal italien
  2. Merci Échelon…
  3. "Représentante commerciale" du Monténégro en Italie
  4. Cf. Vijesti du 5 juillet traduit par l'indispensable Courrier des Balkans
  5. Ah ! comme il est dommage que ce personnage ait été, pendant toutes les guerres de Yougoslavie, de 1991 à 1999, un des intouchables poulains du politiquement correct ! Quelle curieuse malédiction, quand même, frappe tous ces braves gens, du type Michel Noir, Carignon, Léotard, etc.
  6. En histoire la question de l'intention est une énigme permanente. L'intelligence des situations est toujours supérieure… après coup.
  7. Il existe hélas d'autres terrains d'expérimentation, par exemple la lutte contre la "violence routière", au nom de laquelle M. Gilles de Robien continue sur le mode répressif étatiste, développé avant lui par la camarade Gayssot. Reconnaissons que ce dispositif n'a pas encore trouvé son expression nécessairement fiscaliste. Mais le montant des amendes pourrait bien servir de plate-forme. Faisons confiance au génie pervers de Bercy pour s'y atteler tôt ou tard, si ce n'est pas déjà en cours.
  8. De ce point de vue, qu'ils soient siciliens ou monténégrins, corses ou albanais, ou auvergnats, ou islamiques, n'a aucune espèce d'importance.

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