Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ... Accéder au Courrier précédent ... Utiliser le Moteur de recherche
BULLETIN QUOTIDIEN EN TOUTE LIBERTÉ
LUNDI 29 DÉCEMBRE 2003
LES IDÉES POSITIVES DE M. DANIEL BOUTON
Elles permettraient d'aboutir à la transformation de la sécurité sociale en véritable institution de Crédit social.
Dans l'édition du Monde datée de ce 26 décembre, M. Daniel Bouton a publié une tribune libre, sous le titre "Treize propositions pour la réforme de l'assurance-maladie" et en qualité de "banquier, a été directeur du budget de 1988 à 1991". Ceci nous semble indiquer qu'il s'agit d'opinions personnelles et qu'il ne s'agit pas d'un projet politicien ni même des suggestions du Medef. M. Daniel Bouton est à la fois le président de la Société générale et de la commission économique du Medef. Mais il ne s'exprimait pas à ce dernier titre.
Il s'exprimait encore moins au nom du pouvoir actuel. Celui-ci a institué un Haut conseil de l'assurance-maladie de 53 membres, comprenant les représentants syndicaux et mutualistes, à vocation unanimiste. Ce comité devrait remettre bientôt (1) ses conclusions.
Au sein du pouvoir actuel on perçoit en effet une contradiction manifeste entre les propos du chef de l'État et ceux du chef du Gouvernement.
"Nous avons un système qui est un bon système (...), ce qui veut dire qu'il n'y a pas à le réformer", mais seulement à "l'adapter", déclarait encore M. Chirac le 14 juillet 2003, à l'occasion de son allocution traditionnelle.
"Nous avons cette fois l'intention d'aller au bout de la réforme", a cru pouvoir affirmer au contraire M. Raffarin, le 13 octobre suivant, lors de l'installation du Haut Conseil. Et, probablement limité par le président de la république, ce groupe de travail n'aura guère à examiner que 3 petites pistes de réformes.
Parler de "plan Bouton" comme l'a fait l'AFP, et ultérieurement les inusables et indécrottables porte-parole de Force ouvrière et du parti socialiste, est donc à la fois polémique et prématuré.
Sur ces 13 propositions, toutes n'ont évidemment pas le même intérêt. On ne s'attardera pas à certaines idées comme "Ne plus rembourser les dépenses d'accidents liés à la pratique d'un sport" qui, certes, aboutiraient à diminuer les dépenses de la sécurité sociale, mais qui ne correspondent absolument pas à l'ampleur du problème.
La proposition 13, la dernière, est intellectuellement la plus importante : "il faut bien admettre, écrit M. Bouton, que le monopole de la gestion confié à la Sécurité sociale française est intrinsèquement porteur de surcoût. Introduire des éléments de concurrence dans les systèmes de gestion et entre les offreurs de soins est indispensable pour éviter que la banqueroute actuelle de la Sécurité sociale ne se transforme en une faillite définitive." Ce n'est d'ailleurs ni tout à fait radical ("il faut bien admettre" ) ni totalement nouveau par rapport aux propositions du Medef. Le titre en est limitatif : "Introduire des éléments de concurrence". Ceci n'enthousiasmera pas entièrement nos amis pour qui la concurrence doit être la règle. Et cela fera même ricaner ceux qui persistent à nous dire depuis les Directives européennes de 1992, dans un acte de foi splendide, que le monopole est réellement aboli.
Le texte de M. Bouton constitue cependant un très important pas en avant. On doit regretter que, dans la classe politique, personne n'ose en reconnaître le bien fondé.
L'autorité de la prise de position de M. Daniel Bouton vient de ce qu'il représente lui-même, qu'il est un chef d'entreprise apparemment de qualité. Ses anciennes fonctions administratives ou ses amitiés politiques éventuelles (2) n'ont rien à voir avec le contenu de ses déclarations.
Car il s'est évidemment attiré les critiques de tous ceux qui ont pour but exclusif tel ou tel mouvement de pièces sur l'échiquier politicien, ce dont les contribuables, citoyens ordinaires et membres de la société civile se préoccupent fort peu.
Deux députés UMP de l'ouest, auxquels on prête des opinions qualifiées de libérales et qui, sans doute à ce titre, sont assez notoirement hostiles à M. Juppé, ont ainsi été les premiers à réagir "à droite". Et ils ont réagi contre ! Il s'agit d'abord du sympathique M. François Goulard, député du Morbihan qui, dans les débats, intervient volontiers pourtant en faveur de la responsabilisation des assurés. Le 27 novembre au sein du Haut Conseil de l'assurance-maladie, il reprenait ainsi courageusement à son compte la théorie assurantielle de l'aléa moral, en vertu de laquelle, par exemple, un conducteur assuré irait plus vite et prendrait davantage de risques du simple fait qu'il est couvert par son assurance. Or, l'expression doctrinale de "responsabilisation des assurés" ne figure pas dans les 13 propositions de M. Bouton. M. Goulard n'y a donc pas trouvé "d'idées originales" puisqu'il n'y a pas retrouvé les siennes M. Goulard s'étonne que le partage entre assurance obligatoire et assurance complémentaire ne soit "pas du tout évoqué", estimant pour sa part que le rôle de chacun doit être "mieux défini". Quant à M. Madelin (UMP, Ille-et-Vilaine) il est plus sévère encore. Il déclare que "M. Bouton passe à côté de l'essentiel" et ne propose aucune "réforme de fond". M. Madelin, ne perçoit dans son texte qu'un moyen "de rationner les soins et de contrôler davantage les assurés dans l'espoir de faire des économies". M. Madelin considère que "ces propositions s'inscrivent - hélas ! - dans la logique d'une économie administrée". Seul à ce jour, M. François Cornut-Gentille, (UMP, Haute-Marne, ancien proche de Philippe Séguin) accorde de l'intérêt aux propositions de M. Bouton. "Ça a le mérite de poser le problème au niveau où il doit l'être", déclare M. Cornut-Gentille qui approuve le diagnostic et "pense qu'il est temps de réfléchir", tout en disant, bien sûr qu'il "ne souscrit pas à tout ce qui est développé".
Allons ! Ne pressons pas M. Cornut-Gentille : il ne sera vraiment temps de réfléchir que quand la droite sera retournée dans l'opposition !
Il est pourtant de très bonnes propositions dans les idées de M. Bouton à commencer par le point n° 1, et surtout parce qu'il le met en tête de liste : "Ne pas augmenter les prélèvements sur les actifs".
Une idée de M. Bouton choque beaucoup les politiciens, eu égard à leurs électeurs. Elle nous semble la plus grave, la plus provocante en apparence et en même temps la plus féconde : c'est le point n° 2 "Récupérer les dépenses maladie sur les successions".
Nous pensons qu'il y a là matière à réflexion et à action.
Si le système de sécurité sociale de demain devait jouer un rôle, ne serait-ce pas, au fond, comme un dispositif de Crédit social : un rôle de banquier qui avancerait les dépenses de santé, à la demande des citoyens français eux-mêmes et sur des critères qui sont actuellement plus ou moins ceux de l'assurance-maladie, (et pourquoi pas d'autres dépenses du système social et familial).
Ces prêts seraient remboursables sans intérêt dans les limites des cotisations actuellement prélevées, cotisations qui cesseraient d'être obligatoires pour ceux qui n'empruntent pas, ou, s'agissant des dépenses de fin de vie, à valoir sur les successions éventuelles.
Depuis très longtemps une telle idée d'avenir nous semble de nature à responsabiliser les assurés, à garantir vraiment la solidarité nationale et à libérer ceux qui trouvent le fardeau trop lourd, car personne dans ce cas ne serait légalement contraint de recourir à une telle institution de Crédit social.
Pour cette seule raison, nous devons remercier M. Bouton d'avoir ouvert enfin le débat, bloqué depuis trop longtemps par la classe politique et les bureaucraties syndicales.
Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ... Accéder au Courrier précédent ... Utiliser le Moteur de recherche
Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ... Accéder au Courrier précédent ... Utiliser le Moteur de recherche
Vous pouvez aider l'Insolent ! : en faisant connaître notre site à vos amis en souscrivant un abonnement payant