Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ... Accéder au Courrier précédent ... Utiliser le Moteur de recherche
BULLETIN QUOTIDIEN EN TOUTE LIBERTÉ
MARDI 30 DÉCEMBRE 2003
AU LENDEMAIN DES ÉLECTIONS DE SERBIE
La Communauté Internationale, cela n'existe pas
MM. Kostunica (à g.) et Nikolic (à dr.) ont-ils le droit démocratique de s'allier ?
Les élections qui se sont librement déroulées (1) en Serbie ce 28 octobre vont une fois de plus remettre en question les concepts un peu flous sur lesquels se bâtissent les institutions mondialistes.
Pendant très longtemps le mondialisme, l'illusion qu'un Pouvoir mondial pourrait s'installer durablement et harmonieusement, nous a paru une imbécillité proprement nord-américaine. Une abondante littérature de langue française a été consacrée depuis 1918, dès les négociations aboutissant au traité de Versailles, à ces nuées pacifistes. Et, comme l'avaient pressentis les divers critiques de ce système de traités (2) ont hélas conduit, non seulement à la prise de pouvoir par Hitler et à la seconde guerre mondiale, mais à une quantité de drames et d'horreurs sans équivalents dans l'Histoire de l'humanité.
Nous devrions cependant reconnaître que ces analystes brillants et caustiques du système de Versailles n'étaient déjà pas tous d'accord entre eux. Par exemple Bainville est sans doute très apprécié des nationalistes français et certaines de ses vues sont justes. On remarquera toutefois que ce qu'il préconise, sans pouvoir complètement l'expliciter, était inapplicable. Et les développements économiques de Keynes sont non moins justes, tout en aboutissant à des conclusions radicalement différentes. Il nous a semblé que Beau de Loménie (3) a hélas donné de tout cela une vue beaucoup plus juste. L'Allemagne ne pouvait pas "payer", mais le slogan "l'Allemagne payera" était de nature à protéger les intérêts des "grands habiles", maîtres de la démocratie française
Autre contradiction des littératures antimondialistes : elles voient souvent juste dans le jeu des mondialistes ; mais elles demeurent le plus souvent impuissantes à caractériser vraiment les objectifs du système dont elles ont une intuition partielle. Jacques Bordiot conclut son maître livre (4) sur l'occupation du nord de Chypre par les Turcs. Il en percevait dès 1975 la durabilité, l'injustice et la catastrophe, mais ses lecteurs n'en saisissent pas nécessairement la logique véritable. Au moins ne cherche-t-il pas à s'encombrer d'explications artificielles. La plupart de celles apportées unilatéralement, dans d'autres circonstances par d'autres auteurs, que l'on qualifiera à plus ou moins juste titre de l'épithète mal portée de "conspirationnistes", privilégiant telle ou telle "nuisance", se révèlent controuvées.
Il en va de la sorte de toutes les tentatives d'instrumentalisations polémiques.
Relativement à la première guerre mondiale, nombreux sont les auteurs français à dénoncer le fait que nous ayons fait, en France, la guerre "pour les Serbes". En Angleterre, nombreux sont ceux qui critiquent le fait que l'Empire britannique ait fait la guerre "pour les Français", etc. D'autres élèvent le débat en regrettant que les Européens se soient déchirés "pour les Balkans". Bien peu observent que non seulement les groupes d'influence balkaniques étaient à l'évidence beaucoup moins importants en Europe occidentale que les réseaux antagonistes français, anglais, allemands, autrichiens, italiens même, et russes n'étaient actifs à Belgrade, Athènes, Sofia, Constantinople, Bucarest, Salonique, Sarajevo, etc., avant 1914, puis, après la grande guerre, dans toutes les capitales d'Europe centrale jusqu'en 1939. Les fameuses frontières balkaniques de 1913, causes de tant de conflits, ont été dessinées en l'absence de toute représentation du sud-est européen par la seule Conférence de Londres des 6 grandes puissances de l'époque.
Depuis lors la seule chose qui a vraiment changé c'est que l'Autriche-Hongrie a été rayée de la carte et que les États-Unis se sont joints au concert européen, et en sont même devenus le chef d'orchestre (5).
Reprenons alors l'exemple des guerres de Yougoslavie des années 1991 à 1999.
Je ne revendique dans cette affaire aucune "objectivité", aucune "neutralité". J'ai pris pendant ces divers conflits (éclatement de la Yougoslavie, guerre de Bosnie et opération du Kossovo), et je ne reviens pas sur mon sentiment, la défense des Serbes (6). Je demeure évidemment écuré que leurs dirigeants soient traînés devant ce prétendu Tribunal pénal international sans qu'on mesure l'absurdité de ces procédures rétrospectives et qui ne sont multilatérales qu'en façade. Il est assez clair qu'on cherche à juger, au-delà des dirigeants, plutôt médiocres, de la Serbie en guerre, le peuple serbe dans son intégralité, et, au-delà des Serbes, c'est l'identité européenne qui se trouve au banc des accusés.
Les élections du 28 octobre ont démontré que les électeurs serbes partagent, malgré la misère que leur imposent l'Europe et le mondialisme, le sentiment que j'exprime gratuitement, confortablement, dans mon bureau. Ils n'aiment pas le nouvel ordre international qui a triomphé non pas du fait des accords de Dayton, ni même de la fin des bombardements de 1999, mais officiellement par la victoire des démocrates serbes sur le dictateur (mou) qu'était Milosevic, chassé non par ses vainqueurs étrangers, ni par le poids de ses défaites, mais par sa démission devant les manifestations populaires d'octobre 2000.
Le chef du Parti radical serbe (SRS) M. Tomislav Nikolic a déclaré le soir de son succès : "Nous avons gagné pour Vojislav Seselj (7) et les citoyens qui ne veulent plus être humiliés, qui veulent du travail et qui veulent élever leurs enfants dans un esprit patriotique". Son programme est de coopérer avec la communauté internationale "mais pas de capituler devant ses exigences". La Serbie, selon lui, "constituera un pont" entre l'Est et l'Ouest. "Nous avons besoins de la technologie occidentale et des marchés de l'Est, ne voulons pas être des esclaves".
Qualifié d'ultranationaliste, car les nationalistes et les libéraux sont toujours réputés "ultra", tandis que les mondialistes et les marxistes ne le sont jamais, son parti a obtenu 27,5 % des suffrages exprimés. Son principal rival, auquel, je l'avoue, va toute ma sympathie, était le Parti démocratique de Serbie (DSS) de culture chrétienne et monarchiste de Vojislav Kostunica, qui a recueilli 17,4 % des voix, et auquel M. Tomislav Nikolic vient de proposer une alliance de gouvernement. M. Tomislav Nikolic a promis que s'il venait au pouvoir, "plus aucun Serbe ne serait transféré au TPI" et on sait que telle était aussi la doctrine de M. Vojislav Kostunica. Lorsque, le 28 juin 2001, Milosevic fut livré au TPI sur décision du gouvernement serbe, et sans l'aval de M. Kostunica, alors président de ce qui s'appelait encore la République fédérale de Yougoslavie, cette décision provoqua une crise politique à Belgrade. Et, quelques semaines plus tard, le 17 août, le Parti démocratique de Kostunica retirait tous ses membres du gouvernement serbe de Djindjic, l'accusant, notamment, de laxisme face au crime organisé.
Qu'une coalition, contraire à la pensée unique, voit le jour, qu'elle dure ou ne dure pas, c'est assurément le problème essentiel pour la Serbie proprement dite, et c'est aux Serbes et à seuls de le résoudre, mais ce n'est pas la vraie question pour les Européens en général.
La vraie question est de savoir si nous allons perpétuer indéfiniment en Europe les schémas diabolisants antiserbes, les racismes antiorthodoxes à la Huntington, les préjugés antibalkaniques, les dialectiques antipatriotiques, qui sont en définitive autant de poisons idéologiques et de sectarismes destructeurs de l'identité européenne, conformes hélas à l'esprit de repentance.
Le bon sens commanderait en effet de renoncer à tous les délires bien pensants de poursuites "internationales" contre les méchants dictateurs. Car on découvrira tôt ou tard que de telles poursuites empêchent, à la fois, ces dictateurs de démissionner pacifiquement, comme elles interdisent les nécessaires amnisties et réconciliations nationales, et qu'elles se retourneront un jour ou l'autre contre leurs inspirateurs.
J'avoue que je serais heureux de découvrir que le politiquement correct à sens unique n'est pas le rouleau compresseur que certains voudraient nous faire redouter. Car c'est alors, si l'hypocrisie des lobbies l'emportait sans retour, que les conspirationnistes les plus délirants trouveraient la déprimante confirmation de leurs craintes et de leurs fantasmes.
Depuis septembre 2001, il est au moins avéré que, parmi les auteurs "conspirationnistes", l'un au moins s'est trouvé démenti, c'est l'excellent général gaulliste Gallois qui soutenait, preuves à l'appui, que les États-Unis étaient gouvernés par un "lobby musulman", lobby par l'influence duquel se serait expliquée l'intervention systématique de Bill Clinton en faveur des musulmans de Yougoslavie (gouvernement bosniaque de Izetbegovic puis guérilla albanaise de l'UCK) et même la politique pro-turque de l'Amérique dans les Balkans.
Depuis les attentats du 11 septembre, les dirigeants américains du gouvernement Bush ont, en tous les cas, choisi la voie, non pas du multilatéralisme mondialiste, non pas de l'illusion onusienne, mais celle de l'unilatéralisme.
L'État français, au contraire, demeure toujours à la remorque du politiquement correct. Il se vantait en 1999 d'être allé demander au président Clinton de bombarder Belgrade. Et aujourd'hui sa diplomatie s'enferme depuis des mois dans l'attitude absurde de reprocher aux Américains de faire enfin, seuls, sans le soutien de l'ONU, ce que l'Europe devrait faire à ses côtés, plus résolument face à la menace islamo-terroriste (8).
Quand on entend des héritiers putatifs du gaullisme défendre les Nations Unies, ce "machin", qui n'a jamais rien résolu dans aucun des 200 ou 300 principaux conflits et contentieux sanglants apparus depuis 1945, on sait trop hélas ce qui motive leur ralliement paradoxal.
Si les dirigeants de Paris encensent l'Onu c'est exclusivement parce que les États-Unis ont adopté la doctrine inverse.
Si Washington adopte l'intelligence, sommes-nous condamnés à choisir l'imbécillité ?
Sommes-nous à ce point concurrents des Américains que nous devrions soutenir en toutes circonstances, tous les ennemis d'un pays sur lequel, sauf erreur, nous fondons, explicitement et matériellement, notre politique de sécurité et de défense depuis 1949, au point d'avoir totalement et officiellement réintégré l'Otan en 1991 quand, précisément, son utilité est devenue problématique ?
La "communauté internationale" dont on se prévaut actuellement pour menacer les Serbes, et quelques autres, cela n'existe pas. Aux Européens et aux Français d'en prendre conscience et de permettre aux deux principaux pays issus du malencontreux partage de la Yougoslavie de se réconcilier définitivement, et aux Serbes de retrouver, enfin, leur place dans la famille européenne à laquelle ils appartiennent.
Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ... Accéder au Courrier précédent ... Utiliser le Moteur de recherche
Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ... Accéder au Courrier précédent ... Utiliser le Moteur de recherche
Vous pouvez aider l'Insolent ! : en faisant connaître notre site à vos amis en souscrivant un abonnement payant