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BULLETIN QUOTIDIEN EN TOUTE LIBERTÉ
MARDI 6 JANVIER 2004
LIMITES DE NOS MYTHOLOGIES SÉCURITAIRES
le mot d'ordre "plus jamais ça demeurera toujours illusoire
Il est plus que légitime, il est urgent et indispensable de s'interroger, comme on le fait depuis ce drame affreux, sur les responsabilités dans l'accident du Boeing 737 de Flash Air.
S'il y a des négligences ou des fautes, elles doivent recevoir leurs sanctions.
Quelque 148 morts, dont 133 Français, c'est autant une tragédie nationale qu'une somme atroce de drames individuels ou familiaux.
Comparativement aux hommes que l'Armée américaine a perdus en Irak dans l'année 2003, (1) on conçoit aussi que les autorités françaises soient préoccupées de ne plus voir se reproduire une horreur pareille.
On doit hélas se rendre compte que le mot d'ordre "plus jamais ça", même s'il est toujours bien accueilli, demeure illusoire.
On s'étonnera à peine d'avoir entendu un politique, M. Renaud Muselier avoir immédiatement affirmé "C'est un accident ! Point !" (2) Et ceci avant même la découverte de la boîte noire.
Ah ! Monsieur le Ministre ! Quel dommage que vous ne connaissiez pas le peuple ! Ah ! Quelle maladresse que cette certitude inutile et indémontrée ! Ah ! si vous saviez comme il y a loin de ce genre de certitudes, dès lors qu'elles ont été aussi péremptoirement et précipitamment affichées par les pouvoirs publics, à la conviction réelle de l'opinion publique. Regardez cette rumeur de Toulouse, au lendemain de l'accident (3) de l'usine AZT de Toulouse : elle n'a pas porté chance à cette administration de notre pays qu'on appelle pompeusement "la Justice".
C'est donc très probablement un accident.
Tant mieux, car les circonstances politiques et géographiques auraient plutôt suggéré, faussement, le contraire, au lendemain d'une démarche un peu étonnante, entreprise par un ministre de la République, pour solliciter la bienveillance des autorités islamiques.
On a, quand même, entendu les plus surprenantes divagations pour expliquer l'inexplicable.
On a d'abord cherché à murmurer une étrange fable auprès l'opinion publique. On s'est employé à imputer la chose à ces compagnies qui, n'effectuant pas de liaisons régulières sont néanmoins soumises à des normes sécuritaires strictement identiques à celles des autres. Les syndicats des entreprises de culture monopoliste sont toujours très forts pour nous affirmer que l'on paye, avec les surcoûts qu'ils génèrent, non pas leur monopole, mais notre sécurité "et celle de nos enfants".
Or, sur les 5 dernières années, la statistique affreuse mais mathématique des catastrophes aériennes se révèle parfaitement éloquente. Chaque année depuis 1998, 4 ou 5 avions s'écrasent. le nombre des victimes est passé, malgré la crise, d'une fourchette 500-600 à environ 600-700 morts. Les plus prestigieuses compagnies occidentales (Japan Airlines, American Airlines, Air France, SAS) n'y échappent pas. Mais les 2/3 environ sont des compagnies étatiques du Tiers-monde ou des compagnies parapubliques intérieures chinoises. Beaucoup de Boeing s'écrasent, à proportion du nombre de Boeing en vol. Mais les vols charters ne s'écrasent presque jamais, en tout cas MOINS que les autres. De même les compagnies à bas prix, ou les vols déréglementés intérieurs aux États-Unis dont la CGT dénonce chaque jour la menace pour la sécurité.
Il est symptomatique que les journalistes syndiqués aient cherché à reprendre à leur compte les mots d'ordre de la CGT.
Il a fallu la réponse véhémente et argumentée de voyagistes professionnels et compétents, tels les patrons de Nouvelles Frontières et de Fram, pour, espérons-le, dissiper cette désinformation systématique, malveillante et intéressée.
On a aussi évoqué les précédents avis des autorités suisses : mais alors de deux choses l'une.
Ou bien il faut considérer que sur 190 pays du monde, on ne peut pas prendre au sérieux les réserves d'un seul. Alors pourquoi parler d'un "incident en Suisse" ?
Ou bien il faut admettre que les autorités françaises sont bien légères de ne pas avoir tenu compte des réserves de nos voisins helvètes.
Dans la vulgate sécuritaire, ce sont,
en effet, ces autorités qui sont supposées nous protéger.
Tout nous confirme cependant qu'elles sont, en réalité, aussi
frivoles qu'elles cherchent à nous assommer de leur apparence de sérieux.
Ce sont, en effet, ces autorités qui construisent, dans tous les domaines,
depuis 50 ans d'innombrables petites lignes Maginot. Elles demeurent sans doute
sous la fascination de la réussite de la première, "la vraie"
ligne, celle qui devait empêcher la guerre de 1939 et interdire l'invasion
de 1940.
Soyons cependant honnêtes. En démocratie, on a les autorités que l'on choisit et les démagogies sécuritaires que l'on mérite.
Le 2 janvier je regardais, songeur, avant le drame, une belle et grande photo couleur de l'AFP à la première page de "l'excellente" Nouvelle République du Centre Ouest. Nous l'avons choisie pour illustrer ce bulletin... Elle représente, sur le "tarmac" de Roissy (4), la tête carrée d'un soldat français émergeant d'un char blindé, supposé protecteur d'un avion d'Air France menacé par l'islamo-terrorisme. Tout le monde sait très bien que toutes ces protections, super sécuritaires des voyages aériens servent exclusivement à rassurer 99 % des passagers, qui ne protestent jamais contre ces fouilles absurdes, ces files d'attentes interminables. Ils sont contents. Comme ces chasseurs alpins déambulant dans les gares, accompagnés de chiens probablement édentés, armés de fusils mitrailleurs éventuellement rouillés mais sûrement pas chargés, comme ces uniformes bleus qu'on voit aux endroits les plus visibles et les moins menacés, tout cela fait partie de la mythologie sécuritaire.
Ah ! Pour sûr, notre plan Vigipirate et ses ersatz de poubelles font trembler les réseaux terroristes et Bin Laden en personne !
La CGT de Giat-Industries peut, elle aussi, se frotter les mains de cette utilisation imprévue de l'arme blindée. Pour empêcher l'offensive du terrorisme, quoi de plus approprié, par conséquent, que la relance de la construction du char Leclerc ! Cela sauvera "l'emploi" ! "De Gaulle avait raison" ! Le blindé sera toujours l'arme de l'avenir ! Et la charge de cavalerie demeure l'incarnation de la France éternelle. Ne l'a-t-on pas vu, d'Azincourt à Reichshoffen, en passant par Pavie ? (5)
Et vous dites : plus jamais ça ?
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