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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

MERCREDI 21 JANVIER 2004

ENTRE BOMBAY ET DAVOS

Les dénonciations de la mondialisation sont tout sauf innocentes.

La symbolique coïncidence de la fin du forum social mondial de Bombay, le jour même où commence la 33e édition du forum économique, lui aussi prétendument mondial de Davos ne mérite même pas d'être retenu.

Tout d'abord, les soi-disant alter-mondialistes sont ce que dans ma lointaine jeunesse on appelait tout simplement des cocos (1). Ils ont pris l'habitude d'aller casser les pieds non seulement des grands de ce monde, lors des réunions du G8, de l'Union européenne et autres, mais aussi des malheureux commerçants et habitants des villes où ils se réunissent. Ainsi, le 24 janvier, la paisible station suisse verra se rassembler quelques centaines de contestataires, survivants de la réunion asiatique.

Bien plus sérieusement, on rappellera que rien ne se décide ni à Davos, ni dans la fameuse commission Trilatérale. Certes, les gens qui se rassemblent dans ces réunions appartiennent à la classe dite des décideurs. Même M. Trichet viendra y prendre la parole. Mais le "World economic forum" — c'est tellement plus chic de l'appeler ainsi — est une opération commerciale et touristique montée par un communicateur allemand. On y invite quelques vedettes, lesquelles viennent y ronger quelques petits fours et dire, en anglais ou dans ce qui leur tient lieu de cette langue, ce que l'on peut lire sur internet de leur prose habituelle. Moyennant quoi des centaines de gogos vaniteux viennent écouter en payant très cher. Et ce qu'ils écoutent n'est pas autre chose que le pipi de chat habituel du politiquement correct social-démocrate à variante démocrate-sociale : le complot est véritablement à ciel ouvert. Il suffit de lire "Le Monde" pour connaître ses mystérieux protocoles.

Davos ce n'est vraiment pas méchant.

La motivation des "Forums sociaux", concurrents est tout autre. Mis en place par les appareils marxistes reconvertis dans "l'antilibéralisme" (2), qui se sont progressivement donné le nom d'alter mondialistes, ils diffèrent dans la forme et dans les moyens envisagés pour imposer "le socialisme mondial". En doctrine, en effet, plus mondialiste qu'eux, "tu meurs". Ce qu'ils prétendent combattre c'est ce qu'ils appellent la mondialisation libérale. Une variante consiste à parler de "néo" libéralisme (3).

Ce ne sont ni la vanité ni le désœuvrement qui attirent, depuis la réunion de Porto Alegre, les militants des appareils révolutionnaires du monde entier. Certes, même lorsqu'ils sont habités de cette hystérie satanique appelée Révolution, même quand ils pratiquent l'iconodulie d'un Che Guevara, ils demeurent des hommes. Ainsi, le forum s'est-il attaché à désamorcer le scandale provoqué par l'arrestation le 18 janvier d'un délégué : ce juge de la Haute Cour sud-africaine se trouve accusé de viol sur une collègue.

Plus politiquement, le Forum social mondial a servi de tribune à tous ceux qui cherchent à dénigrer l'Inde, que d'aucuns considèrent pourtant comme la plus grande démocratie du monde

Une militante d'extrême gauche indienne Mme Tanika Sarkar s'en est vivement pris à l'hindouisme militant car "il porte en lui les germes du fascisme". "Des hommes et des femmes ordinaires tuent, torturent et violent", a-t-elle affirmé pour caractériser les affrontements intercommunautaires de 2002 au Gujarat. Cet État de l'Union indienne est présidé par M. Narendra Modi, considéré comme un des représentants de l'aile la plus combative du nationalisme hindou. Les organisations des Droits de l'Homme de laxisme, voire de complicité, avec les extrémistes hindous.

Mais le 4e Forum social mondial ne serait pas dans la logique de sa démarche s'il n'avait pas dénoncé le "lien" entre "la dégradation de conditions de travail" et ce qu'il appelle "la mondialisation néolibérale".

Le secrétaire général de la Confédération internationale des syndicats libres, M. Guy Ryder, parle d'un "échec tragique. Il faut constater aujourd'hui l'absence de tout mécanisme qui garantisse les droits fondamentaux des travailleurs".

M. Guy Rider se trompe : ce "mécanisme" existe. Il n'est pas d'ordre juridique, mais économique. Et il assure, en définitive, l'amélioration progressive de la condition ouvrière dans le monde. C'est l'émergence de nombreux pays, s'adaptant, enfin, aux règles élémentaires du capitalisme. Ainsi en est-il de l'Inde, dont on fait semblant de découvrir aujourd'hui, et dont on stigmatise la relative pauvreté, mais où la misère recule, grâce à l'évolution du pays, par rapport à ce qu'il en était il y a 30 ans.

De même, en 1983 nous pouvions considérer, et nous écrivions, que "la restauration du capitalisme en Chine" serait l'une des plus importantes questions du monde des 20 prochaines années. Mais on ne pouvait même pas imaginer , alors,à quel point les conditions de vie des quelque 300 millions d'habitants des régions chinoises en voie de passage à l'économie (relativement) libérale évolueraient favorablement.

Le secrétaire général de la Fédération Syndicale Mondiale, Aleksander Zharikov, ne l'entend pas de cette oreille. C'est lui qui donne le ton : "Les conventions du Bureau international du travail sont complètement ignorées".

Il est vrai que la bonne vieille FSM n'hésite se réunir à Hanoï (4) à "l’invitation de la Confédération générale du travail du Vietnam"… La "VGCL", sigle anglais désignant la CGT vietnamienne, est tout simplement le syndicat unique communiste local. Dans le bureau de la Fédération Syndicale Mondiale figurent les représentants de syndicats ouvriers très démocratiques comme ceux de la Corée du Nord (siège "réservé" !), de Cuba, de la Libye, de Syrie, Angola, ainsi que des communistes de Russie, de Chypre, de Grèce, d'Australie, du Brésil… Le site internet, comme aux bons vieux temps du stalinisme, demeure toujours à Prague. Mais, ô surprise !, ô nouveauté !, même la CGT française et la CGIL italienne ont déserté le compromettant organisme, dont elles étaient autrefois les piliers. Elles préfèrent aujourd'hui noyauter les organisations européennes plus présentables, où elles ont été imprudemment admises.

Voilà l'organisation syndicale dont les médiats font semblant de considérer qu'à Bombay il s'exprimait "au nom des travailleurs".

Les "travaux" de la réunion de Hanoï, valent cependant le détour : "Pendant deux jours de discussion, il a été constaté qu’une résistance toujours plus forte se développe dans le monde contre la mondialisation néolibérale introduite avec le soutien des STN, du FMI, de la Banque mondiale et de l’OMC par de nombreux gouvernements et le mouvement syndical mondial. Une grande inquiétude ressort des campagnes massives organisées contre la privatisation"… (tiens tiens…)

Ces syndicalistes d'un genre un particulier ne se préoccupent aucunement des atteintes aux libertés syndicales dans les pays toujours dirigés par des partis uniques marxistes léninistes ou "socialistes africains" où ils sont pourtant représentés.

Mais ils dénoncent les délocalisations opérées par des entreprises occidentales vers l'Inde et ils demandent aux syndicats indiens de se mobiliser sur la question. D'ailleurs leurs homologues indiens ne se font pas prier : ce sont eux qui président la FSM, depuis mars 2000 (5) en la personne du camarade Mahendra secrétaire général de l'AITUC.

Dans un genre plus léger, quelque 200 personnes, sur plusieurs dizaines de milliers, ont manifesté dans les allées du FSM, scandant en hindi et anglais "les femmes ne sont pas des objets" ou "N'utilisez pas nos corps pour le plaisir".

À Bombay, une seule conférence aurait pu être porteuse d'un petit espoir symbolique. Elle devait réunir les anciens ministres israélien Yossi Beilin et palestinien Yasser Abed Rabbo. Il s'agissait des promoteurs de la fameuse Initiative de Genève, qui se veut plan de paix alternatif pour le Proche Orient.

Elle a été annulée.

JG Malliarakis
© L'Insolent
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    1. L'une des dernières utilisations "grand public" de ce terme, pourtant simple, compréhensible, et peut-être un peu trop affectueux pour ce qu'il désigne, nous semblait remonter au livre de M. Jacques Séguéla "Vote au-dessus d'un nid de cocos". En réalité, en 2001, paraissait "Vol au-dessus d'un nid de cocos" de M. Antoine Blocier.
    2. La lecture du livre de M. Koch "La Fin de l'Innocence" (Grasset) permet de comprendre en quoi "l'antilibéralisme" a succédé à "l'antifascisme", grossière invention soviétique des années 1930.
    3. Comme ils parlaient de "néofascistes" dans les années 1960. Les cocos ont mis très longtemps à surenchérir de "fascistes" en "nazis" pour désigner leurs adversaires. Aujourd'hui encore en Russie la guerre déclenchée en juin 1941 par l'Allemagne hitlérienne — à laquelle l'Union soviétique était alliée depuis août 1939 — est désignée comme une agression des "fascistes". Le préfixe "néo" est une redondance qui ne veut évidemment rien dire : il a longtemps servi à l'encontre de gens qui n'avaient rien de "néo", comme par exemple le Mouvement social italien, formation authentiquement, et clairement, mussolinienne. De la même manière on les surprendra à appeler "néo" libéraux les lecteurs de Frédéric Bastiat, amalgamés du reste avec des sociaux-démocrates bon teint. À lire cette rhétorique on découvre que MM. Fabius, Strauss-Kahn ou Jacques Delors sont gratifiés de la même étiquette supposée infamante, et dont ils se défendent avec de hauts cris, que MM. Seillière, Kessler, Sarkozy ou Madelin. Une variante de l'inutile suffixe "néo" se retrouve dans l'utilisation dialectique de son homologue "ultra". Et ça marche encore !
    4. 16 session du "Conseil présidentiel" les 15 et 16 octobre 2003.
    5. 14 Congrès de la FSM.
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