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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ
LUNDI 26 JANVIER 2004
IL N'EXISTE AUCUNE SOLUTION DANS LE CADRE DE L'ASSURANCE MALADIE MONOPOLISTE
La seule amorce de solution passe par le salaire direct.
L'unanimité autour des conclusions de M. Fragonard est un leurre.
On a voulu présenter le rapport Fragonard remis officiellement au Premier ministre ce 23 avril comme une grande avancée. Consulter les journaux régionaux est toujours très instructif, malgré leur nullité ordinaire. Ainsi la très médiocre "Nouvelle République du Centre ouest" (1), monopoliste dans mon village comme dans tout le département d'Indre-et-Loire, reprenait comme à son accoutumée la louange hexagonale au caractère unanime de ce rapport.
Cette symphonie du bonheur repose sur une double mystification. D'une part le travail de diagnostic établi sous la direction de M. Fragonard a été opéré de manière suffisamment habile pour que personne ne puisse s'y opposer. D'autre part, la composition même de ce soi-disant haut conseil, instance créée pour la circonstance, avait été dosée dans le but précis d'en arriver à un "diagnostic partagé".
Or, cela n'est pas suffisant.
Dès le 21 janvier dans Libération, le secrétaire général de la CGT le camarade Thibault avertissait en effet : "Si le statu quo n'est pas tenable, les solutions à inventer ne feront pas forcément consensus".
Le premier membre de phrase de notre stalinien relooké mérite d'être retenu. Le statu quo n'est, en effet, pas tenable. On ose encore "prévoir" un déficit de 66 milliards d'euros à l'horizon 2020. Chacun sait qu'une telle projection n'a aucun sens et qu'elle a encore moins de signification dans la mesure où rien de ce dont on "prévoit" les comptes n'est assuré d'exister encore dans 15 ans. Ni le monopole de l'assurance-maladie, ni la comptabilité publique hexagonale, ne pourront tenir bien longtemps dans une Europe élargie. Tout le monde le sait. Tout le monde fait semblant de l'ignorer.
Comment dire d'ailleurs que, sinon sous le sceau de la plus outrageante hypocrisie, les membres du Haut Conseil seraient unanimes.
La conclusion de M. Fragonard consiste en effet à donner trois pistes au gouvernement : mieux gérer, moins rembourser et naturellement augmenter les recettes.
Sur les deux premiers points, il n'est même pas certain que le consensualisme fonctionne si bien que cela au sein des partenaires sociaux. Moins rembourser, cela heurtera les mutuelles (2) et toutes les institutions de l'assurance complémentaire dans la mesure où elles pâtissent toujours de la diminution relative de taux de remboursements. Mais on peut aussi souligner que cela suppose un interventionnisme très fort dans la vie des professions de santé.
Ainsi, lorsque l'on pose, avec juste raison : "Rien ne justifie que l'assuré français se voit prescrire entre deux et quatre fois plus d'analgésiques, d'antidépresseurs et de tranquillisants que les usagers des pays voisins", on en arrive inéluctablement à préconiser "d'engager, sur ce sujet, des actions extrêmement décidées" (3). On passe de l'assurance à une politique autoritaire de Santé publique, conçue par des technocrates.
Quant à "l'augmentation des recettes", il est absolument clair et net que l'idée, sous n'importe quelle forme qu'elle se présente, en sera inacceptable pour les entreprises comme pour l'ensemble des citoyens taillables et corvéables (4).
M. Guillaume Sarkozy, qui représentait le Medef, a ainsi déclaré lors de la séance du 22 janvier qu'une augmentation des prélèvements obligatoires "serait la meilleure façon de casser la reprise naissante". Or ce pertinent propos intervenait alors que la proposition était "l'élargissement de l'assiette de la contribution sociale généralisée par un alignement des chômeurs et des retraités sur les actifs. Cette mesure ferait rentrer 7,5 milliards d'euros dans les caisses", ce qui aurait pu laisser le patronat au pire indifférent, peut-être même enthousiaste.
De toute manière, il est très grave que l'on parle de responsabiliser les acteurs du système sans leur reconnaître une plus grande liberté. Sans doute les pouvoirs publics ont-ils été grisés par le succès incontestable de la peur du gendarme sur les routes : leur ivresse autoritaire mériterait un contrôle d'alcoolémie, lorsqu'on entend un Jacques Barrot, président du groupe parlementaire UMP préconiser un recours aux ordonnances pour faire passer les mesures technocratiques en préparation.
Alors une seule vraie question aurait dû préoccuper les 53 membres du comité consulté et constitué par le gouvernement. L'eussent-ils seulement formulée, dans le cadre de leur brillant rapport de 150 pages, ils eussent mérité cette appellation tant galvaudée de "sages" : comment passer au salaire direct et au libre choix des assurés ?
Et cette seule vraie question intéressante qui aurait dû être évoquée au Haut Conseil m'a été posée, une fois encore, par une correspondante
"J'ai entendu dire que maintenant la Sécu n'était plus obligatoire. Comment çà fonctionne exactement ? Ne suis-je plus obligée de cotiser ? Ne suis-je plus obligée de cotiser pour mes salariés ? Puis-je remplacer par autre chose ? et quoi ? et on fait comment ? merci de m'éclairer ?"
Sur cette question, à multiples entrées, la première réponse est hélas la suivante :
On ne peut pas s'en tenir à ce constat. Et c'est en effet sur ce terrain qu'il convient de se rassembler.
Si l'on croit vraiment à la liberté, on a donc le devoir de se mobiliser pour le salaire direct et le libre choix et d'interpeller résolument, sur ce point, nos élus, nos énarques et nos maîtres.
Édition du 24 janvier. Sans l'accord desquelles les unanimités semblent "philosophiquement" impensables en France. Cf. Le Monde du 24 janvier. La taille contemporaine s'appelle CSG, la corvée revient à la mode avec le jour férié supprimé pour financier la prestation dépendance.
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