BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

MARDI 27 JANVIER 2004

LE CASSE-TÊTE DES ÉLECTIONS RÉGIONALES

Combien de temps les Français payeront-ils encore l'addition de la droite suicidaire ?

La société civile ne s’implique pas encore dans la campagne des élections régionales, malgré leur proximité. Seules les forces politiques en mesurent, pour elles-mêmes, le caractère crucial. Car toute l’année électorale, jusqu’au scrutin de juin en vue du parlement européen peut redessiner le paysage institutionnel du pays.

Tout d’abord, sur les 3 votes et les 4 dimanches électoraux qui vont se dérouler en 2004, 2 modes de scrutin ont été changés, celui des régionales et des européennes. Personne ne saurait comprendre, véritablement, grand-chose aux modalités du fonctionnement théorique, encore moins aux conséquences pratiques, de ce qu’on a commencer par appeler faussement le "49-3" régional.

Il n’y a guère eu qu’un précédent, en France, dans les 100 dernières années, à cette situation d’obscurité. Ce fut en 1955 la loi, aujourd’hui bien oubliée, des apparentements, absolument opaque dans l’esprit des électeurs. Cette règle astucieuse et inique engendra alors, ou plutôt elle amplifia, le phénomène entièrement imprévu du poujadisme, qui enregistra le rejet radical des politiciens de la IVe république par 2,7 millions de Français.

L'exemple comparable le plus récent à l'étranger, est celui qui a donné inopinément le pouvoir en novembre 2002 aux islamistes dits "modérés" en Turquie, alors que la réforme électorale avait été conçue pour les en écarter définitivement. De même Forza Italia, il y a 10 ans est né et a pris le pouvoir du fait d'une loi électorale votée pour éliminer la droite.

Or, le propre des surprises est de ne pas être franchement prévisibles…

En 2002, on pouvait annoncer, et nous ne nous sommes pas privés de le faire, la baisse conjointe des deux compères en cohabitation devenus rivaux pour l’espace d’un scrutin. Car, tant le Premier ministre Jospin que le président sortant, ont obtenu, l’un comme l’autre, des scores incroyablement bas, inférieurs à 20 % des suffrages exprimés. Ainsi, le second tour a pris le caractère dont on se souvient. Mais on ne le prévoyait pas.

Aujourd’hui, les politologues créditent la droite nationale d’un pronostic de 16 % d'intentions de vote en moyenne nationale de 22 situations locales additionnées. Un tel sondage n'a pas de précédent. Compte tenu des contrastes considérables entre les régions et les départements, cela peut amener toute sorte de situations, complètement contraires au scénario programmé par la rédaction même de la loi électorale mise au point dès le gouvernement Jospin, et dont le but était de rendre de plus en plus impossible l’union des adversaires de la gauche.

Dès le lendemain des régionales de 1998 en effet tout le monde a compris qu’il existait en France, au sein même de la droite institutionnelle, un courant suicidaire. Le même fait, cette semaine encore, des courbettes honteuses, non pas à l’immense Chine, à sa culture millénaire et à son spectaculaire développement industriel des 20 dernières années, mais à son écœurant pouvoir politique communiste sanguinaire, désireux d’éliminer le pouvoir national et démocratique existant à Formose.

Ce courant suicidaire, toujours friand lui-même d’accueillir à bras ouverts les bolchos du monde entier, d’envoyer des émissaires au rassemblement de Bombay et de subventionner la préférence étrangère en France, va quand même avoir fort affaire avec le chahut qu’il a lui-même provoqué.

Il ne se passe en effet jamais exactement ce que l’on peut cependant prévoir dans certaines grandes lignes. Ainsi lorsque le politologue Pascal Perrineau (1), est interrogé par les Échos du 26 janvier, il ne prend pas trop de risques. Il constate simplement que "Tout est réuni pour que le Front National fasse un score très élevé".

À ce résultat envisageable, sera ajoutée, d’ailleurs, une somme de refus locaux des verrouillages jacobins.

Car ne l’oublions pas, la vocation du pouvoir régional qui devrait être d’échapper à Paris, va entrer en contradiction avec un maillage très intense imposé par les États-majors centralisés.

Il y aura bien sûr quelques mouvements intéressants à observer, puisqu’ils constituent peut-être des avant-gardes d’une future déferlante identitaire (2).

Mais il y aura également une distorsion qu’on retrouve même chez les socialistes, lesquels ne sont parvenus à s’entendre avec les Verts que dans 12 régions sur 22, en dépit des impératifs nationaux.

De même la contestation interne à la droite institutionnelle, et qui sépare l’UDF de l’UMP, engendre une situation très particulière, elle-même imprévisible dans ses conséquences.

Tout cela crée les conditions d’affrontements que la rivalité, de moins en moins sourde, entre le ministre de l’Intérieur et le Chef de l’État rend d’autant plus périlleuse non seulement pour la droite mais, compte tenu de la médiocrité abyssale de la gauche, pour le système dans son intégralité. La seule sauvegarde du régime reposera sur le fait qu’entre ce scrutin régional et les prochaines expressions du suffrage universel, 3 ans plus tard, se situera en juin l’élection du parlement européen. Elle se déroulera sur des bases elles-mêmes falsifiées par le gouvernement de Paris qui est parvenu à diviser en 8 le territoire de l’hexagone…

Les dimanches électoraux à venir créeront donc un vrai casse-tête. L'artificielle complexité de l'exercice sera de nature à provoquer une réaction de rejet du pays légal par le pays réel. Le 21 avril 2002 n'était peut-être qu'un hors d'œuvre. L'avertissement sans frais se transformerait dès lors en blâme sans appel. Mais le vote sanction lui-même servira-t-il de leçon pour la droite suicidaire ? Combien de temps les Français payeront-ils encore l'addition ?

JG Malliarakis
© L'Insolent

  1. directeur du CEVIPOF, Centre d’études de la vie politique française
  2. Ainsi en est-il du mouvement "Alsace d’abord", très présent sur le terrain et qui s’apparente au Vlaams Blok ainsi qu’à des partis fortement implantés en Suisse, en Bavière et en Autriche.

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