JEUDI 29 JANVIER 2004

LA CRISE ENTRE BRUXELLES ET LES DEUX GROS ÉTATS

Le commissaire Solbès, désormais descendu en flammes par le quotidien Le Monde, ne peut pas être entièrement mauvais.

Le conflit est de plus en plus ouvert, entre la Commission européenne et les deux plus gros États, autour du pacte de stabilité signé en 1997, et imposé par les administrations centrales françaises et allemandes. Cette opposition institutionnelle, au sein de l’Union européenne mérite mieux que le traitement médiatique hexagonal qui s’emploie à convaincre les contribuables français et de l’infaillibilité budgétaire de leur propre gouvernement.

Il est vrai qu’en France, aussi bien la domestication des assemblées parlementaires depuis 1958, que le maillage centralisé des moyens d’information, limitent à la fois le débat civique et le degré de conscience des opinions. Il y a donc beaucoup à faire pour y ramener les questions européennes dans leur vraie dimension.

Tout d’abord, soulignons que nous nous situons dans un cas de figure caractéristique d’une crise constitutionnelle. Ce sont 3 grandes institutions qui se trouvent confrontées. La Commission, siégeant à Bruxelles, est certainement la plus visible aux regards du grand public. Son point de vue est exprimé par le Commissaire Solbès, (1) mais également par son président M. Romano Prodi. Il s’agit ici de faire appliquer une norme indispensable à la durabilité de l’Union monétaire, norme un peu arbitraire et peut-être même trop souple, face à de prétendus décideurs politiques nationaux, qui sont en réalité incapables de mettre de l’ordre dans leurs finances étatiques et sociales.

Ici aussi on doit préciser les principes sur lesquels se construit ce qui devrait devenir bientôt une Confédération européenne de nations libres et responsables. C’est bien pour sauver l’identité de chacun, promouvoir la culture commune, assurer la sécurité et garantir la présence mondiale de nos peuples, aujourd'hui insusceptibles d’y parvenir de manière strictement individuelle et trop souvent antagoniste que ces fonctions, caractéristiques de l’ancienne souveraineté régalienne d'État, se sont transférées vers l’Europe.

Cette mutation est apparemment irréversible, si tant est que ce mot ait un sens du point de vue de l’histoir. Elle a été plus ou moins irrévocablement convenue par le Traité de Rome de 1957. Elle s'est vue confirmée surtout par la solennelle rencontre De Gaulle-Adenauer de Reims en juillet 1962, puis le traité signé à l’Élysée en janvier 1963 qui scelle la réconciliation et l’entente entre la France et l’Allemagne.

Cet accord entre les deux ennemis héréditaires dont l’affrontement a endeuillé, déchiqueté, et abaissé l’Europe au cours des deux guerres de 1914 et 1939, a représenté pendant quelque 40 ans le moteur de la construction européenne. Aujourd’hui, l’addition des deux États essoufflés, comme une automobile rétrogradant de vitesse, en apparaît comme le frein. Les deux mécaniques rouillées, ankylosées de prélèvements aberrants et de subventions destructrices, ralentissent désormais la croissance économique du continent qui depuis quelque 10 ans perd régulièrement 2 % de taux de développement par rapport aux États-Unis et se laisse petit à petit rattraper par les nations émergentes d’Extrême-Orient.

Or, les deux gouvernements, celui de Paris et celui de Berlin, dominent depuis le départ, et presque obligatoirement (2), ce qu’on appelle le Conseil européen. Il faut bien se représenter ce qu’implique, depuis l’accord signé à Maastricht en 1991, cette appellation. Il s’agit d’une part des réunions ministérielles spécialisées, d’autre part un conseil un peu plus solennel regroupant 2 fois par présidence semestrielle les chefs de gouvernements, ce qu’on appelle pompeusement et faussement dans la presse parisienne des Sommets. Le Conseil incarne la conception dite intergouvernementale, l’Europe des États.

Ne confondons pas ici les États et les nations. Au XVI siècle est apparu dans la France des derniers Valois et dans l’Angleterre des Tudors, le concept d’État-Nation. Dans certains pays européens, aujourd’hui, les identités nationales sont précisément broyées par des gouvernements centraux acharnés à imposer des modèles idéologiques destructeurs au détriment des peuples. Les administrations des gros États se révèlent un handicap pour leur prospérité. Ce sont les petits pays qui désormais réussissent le mieux en Europe.

Le conflit entre Conseil des États et Commission européenne crée une situation nouvelle. L’élargissement, l’absence de normalisation institutionnelle, la saisine éventuelle de la Cour de Luxembourg créeront dans ce contexte plus de complexités à ce problème européen, dans un premier temps, qu’elles n’apporteront de solutions.

Celles-ci viendront un peu plus tard.

La solution suppose une prise de conscience des opinions publiques et un changement d’équilibre, qui pourrait bien s'opérer d'abord au sein même du Conseil européen.

Tout cela implique aussi qu’on accepte de se mobiliser franchement pour l’Europe des Libertés.

JG Malliarakis
© L'Insolent

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    (1) Étant désormais descendu en flammes par le quotidien de la pensée unique Le Monde, il ne peut pas être entièrement mauvais…

    (2) Cela durera jusqu’aux conséquences de l’élargissement à 25.

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