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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

VENDREDI 30 JANVIER 2004

LES TECHNOCRATES, LA SANTÉ ET LE DÉFICIT

Il y a deux parties dans une loi de finances. Les deux peuvent être également nuisibles…

Le même jour, dans le même journal, et sur la même page (1) nous lisions deux articles intitulés respectivement :

Ce n’est pas donc de l’acharnement économiste, encore moins de l’obsession technique, que de revenir sur la question des déficits français.

Tout le monde a compris, désormais, que ce sujet empoisonne les relations européennes. La situation paradoxale est d’ailleurs que provisoirement, les déficits des deux gros États (Paris et Berlin) persistant à se situer aux alentours de 4 % de leurs PIB respectifs (2) devraient en toute logique tirer le cours de l’euro vers le bas face au dollar, ce que, dans la phase actuelle, tout le monde semble souhaiter – et ce qui ne se produit toujours pas, pour d’autres raisons.

Mais au-delà des perturbations dans le ciel continental, ce sont d’abord les effets hexagonaux que nous devons envisager.

Les déficits ne sont pas seulement redoutables parce qu’ils détruisent la monnaie et que, détruisant la stabilité des rapports d’échange, ils subvertissent la société elle-même. Car, au-delà d’une érosion monétaire, heureusement stabilisée entre 2 et 3 % depuis plus de 10 ans, c’est le système des prélèvements obligatoires et de la ponction fiscale redistributrice qui détruit la confiance que les Français peuvent avoir dans leur gouvernement et, pire encore, dans leur pays.

Il y a deux parties dans une loi de finances.

Les deux peuvent être également nuisibles… Et elles le sont effectivement dans le cas de la France depuis 20 ou 30 ans. Les impôts fiscaux de la loi de finances, auxquels il faut hélas ajouter les charges sociales verrouillées (3) par les lois de financement de la sécurité sociale (inventée par la réforme Juppé-Barrot de 1996), ont pris une proportion telle qu’ils pénalisent l’effort productif.

Quant aux dépenses publiques en elles-mêmes, non seulement elles ne tendent plus à remplir les fonctions régaliennes de l’État, mais encore elles les paralysent. Elles encouragent systématiquement les situations parasitaires. Le déficit apparaît alors comme un cancer. Il devrait nous alerter quant à la prospérité des cellules dévoreuses de la société, en même temps que nous informer de la déchéance progressive de la partie saine de l’organisme.

Voilà, hélas, la vraie situation de la France, par la faute de cet État central jacobin, qu’il est désormais insoutenable de présenter encore comme l’incarnation du pays, de son destin ou de son équilibre.

Revenant donc aux deux articles cités plus haut, on doit convenir que "Bercy" a tort et que les entrepreneurs français ont probablement raison.

Les technocrates du Ministère de l’Économie et des Finances se trompent s’ils s’imaginent que la toute petite réforme en cours d'élaboration du système monopoliste d’assurance-maladie, pourrait suffire à rétablir les comptes publics.

Certes, pour une fois, on ne se cantonne plus à une politique de promotion du médicament générique, pour la plus grande gloire de l’industrie chimique et au détriment de la recherche pharmaceutique. On ne s’acharnera pas seulement à manipuler la vie quotidienne des médecins. On s’achemine joyeusement vers une véritable "médecine sans médecins" et vers des cotisations probablement alourdies mais dont la contrepartie en prestations deviendra de plus en plus évanescente.

Merveilleuse machine à fabriquer des mégots, cette sécurité sociale cherchera tout simplement à ne plus rembourser les soins, — tout au moins dans un proche avenir 90 % de la médecine de ville, et à subventionner l’hôpital public. Ceci aura pour effet de le transformer en poubelle réservée au tiers-monde et au quart-monde. "Tableau apocalyptique et caricatural", diront certains : ils devraient se renseigner sur le sens du mot "apocalypse" et se demander si certains caricaturistes ne sont pas plus réalistes que les portraitistes mondains.

N’est-il pas simplement inouï de songer, en effet, que la politique de santé soit faite par des inspecteurs des finances qui n’ont probablement aucune idée de réalités médicales, pharmaceutiques, professionnelles sans même parler de la sociologie et de la psychologie des patients et des assurés sociaux.

Dans la pratique en effet, le transfert des dépenses remboursables vers le secteur hospitalier (ou tout autre, d’ailleurs) accentuera obligatoirement la pression inflationniste vers ces dépenses-là. Ainsi donc la prétendue réforme de l’assurance-maladie, laissant le moins de place possible au libre choix et à la (véritable) responsabilité individuelle, ne saurait conduire qu’à des dépenses en hausses continuelles et des prélèvements de plus en plus lourds.

Comment s’étonner, dans ces conditions, du pessimisme exceptionnel en Europe, des entrepreneurs français.

Croit-on sérieusement que le "moral des entrepreneurs" (ces maudits patrons) relève des antidépresseurs ?

En réalité, la décision d’investir, d’embaucher, relève d’abord de facteurs objectifs.

Ceux qui prennent les Français pour des imbéciles, qu’on pourra toujours manipuler à coup de slogan, sont eux-mêmes des sots nuisibles.

JG Malliarakis
© L'Insolent
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(1) cf. Les Échos du 29 janvier en page 3.

(2) C'est-à-dire un beaucoup plus important pourcentage (environ 15 %) du budget de l'État.

(3) C'est un aspect particulièrement pervers de l'évolution du système français des dernières années que d'avoir aggloméré les diverses formes d'assurances sociales en un "Budget bis". Les conséquences directes en sont, notamment, le durcissement redoutable des contentieux. Ceci s'opère au détriment des Français qui sont le moins protégés par le système et qui, cependant, sont les plus unilatéralement sollicités et contraints par la "solidarité nationale". Il s'agit en particulier des travailleurs indépendants et des entrepreneurs individuels.

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