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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

MARDI 3 FÉVRIER 2004

AU-DELÀ DE L’AFFAIRE JUPPÉ

C'est toute une culture politique qui est en cause. Qu’on cesse de les racketter, de les pressuriser, de les mépriser, et les entrepreneurs seront plus nombreux…

Les commentaires politiciens, les réactions artificielles ne m'intéressent pas. Mais, en toute subjectivité objective, je suis à peine surpris de la très faible réaction des lecteurs et correspondants habituels à l’affaire Juppé.

Bien entendu certains destinataires occasionnels de notre Insolent ont pu se méprendre et même réagir de manière tout à fait cocasse. Certains s’indignent d’y voir une attitude qui serait fondée sur "la haine" et "la violence". Ben voyons ! À supposer même que M. Juppé susciterait effectivement de la "haine", peut-être devrait-il, comme ses partisans sincères ou conventionnels (1) se demander si son attitude de petit coq méprisant n’y serait pas pour quelque chose.

Quant à moi, tout en ayant personnellement souffert de M. Juppé et de ses larbins médiatiques, j’ai probablement beaucoup de mal à l’aimer. Cependant, pas plus que les vrais socialo-communistes, auxquels je l'assimile, il ne m’inspire aucune "haine" : je combats sa politique technocratique, diviseuse du camp dont il sollicite les suffrages, ses complaisances pour l’idéologie socialiste et ses méthodes autoritaires.

Je le combats sans aucune haine, et sans violence. Ma seule arme de poing est un SAO : ceci ne veut plus dire "sangle d'ouverture automatique", mais stylo assisté d’un ordinateur.

Je prends beaucoup plus au sérieux la question de la symétrie.

M. Juppé est-il une victime "de droite", tombé sous le coup d’une justice sectaire "de gauche" ?

Et d’autre part, les crapules staliniennes et les corrompus du mitterrandisme ont-ils vocation à passer au travers de la loi de 1995 sur la prise illégale d’intérêt ?

Tout d’abord, une platitude : la loi s’applique à tout le monde.

Aux grands comme aux petits, à la gauche comme à la droite.

L’impunité des communistes fait même partie des objets de scandale que je ne m’explique pas et que je reproche aux gens comme Juppé. Jamais Chirac n’a condamné les crimes du communisme en 30 ans ou 35 ans de vie publique. C’est impressionnant et inqualifiable.

Il faut certainement aller plus loin. Dans la vie politique française, il n’y a pas seulement le racket des entreprises menacées d’être écartées par des marchés publics si elles ne consentent pas des libéralités illégales aux appareils politiciens, il y a bien d’autres passe-droits institués par les subventionnaires de droit divin.

Sans ces pratiques, de racket ou de subventions, qui coûtent très cher au contribuable et pénalisent l'économie, la vie politique, culturelle et syndicale serait entièrement différente.

Les syndicats, les grosses associations, tout ce qui fait tourner le système vit comme cela, totalement déconnecté de la recherche honorable de vrais donateurs privés. Et tous trouvent cela normal.

C’est probablement ce qui se révèle de plus frappant dans le cas de M. Juppé, comme de son petit aréopage condamné "provisoirement" (sic) par l’arrêt de Nanterre du 30 janvier 2004 : ils se croient innocents ! Ils pensaient que leurs pratiques étaient légales et normales puisqu’en somme elles étaient banales !

M. Juppé faisait pourtant partie du gouvernement à l’initiative duquel a été votée la loi sous le coup de laquelle il tomberait en cas de condamnation définitive. A-t-il, une seule fois, remis en cause le dispositif ? Pas à notre connaissance.

Cette législation était certainement nécessaire et les attendus du jugement de première instance obéissent à une logique non contestable.

Allons-nous alors vers plus d’honnêteté, plus de moralité dans la vie publique ?

Ce serait un gros progrès. Faut-il y croire ?

Après tout, personne n’ose critiquer la fameuse "jurisprudence Balladur" au nom de laquelle tout ministre "mis en examen" démissionne. "La femme de César ne doit même pas être soupçonnée" disait ainsi l’Empire romain. La vertu, principe fondamental des républiques, s’imposerait-elle seulement aux simples suspects (2) mais pas aux condamnés ?

Mais nous dira-t-on encore, c’est faire du moralisme en politique.

Et les lecteurs de Machiavel, mais aussi ceux de Charles Maurras, objecteront que morale et politique ne sont pas du même monde. Ceux qui, les premiers, ont prétendu précisément faire de la morale la base de leur intervention publique, les démocrates chrétiens, n’ont pas laissé un très bon souvenir.

En vérité, depuis la chute du communisme, la question centrale est pourtant là.

Nous comprenons fort bien que le Figaro de ce 2 février fasse sa première page sur la grippe aviaire reléguant en pages 6 à 8 la décision qui, en effet, ne doit appartenir qu’à M. Juppé lui-même, celle de disparaître de l'horizon. Cela peut paraître surprenant pour un journal, aux yeux duquel en 2001 le maire de Bordeaux était le chef unificateur plébiscité par la droite, mais en réalité cela est peut-être plus sérieux quand on voit les vrais problèmes qui se posent à la France.

Les Échos, journal économique le même jour, semblent presque attacher plus d’importance à ce dossier, qui est politique.

On y lit même un éditorial consacré à l’économie qui deviendrait plus "morale" ce dont l’auteur finalement tend à sourire. Ce n’est pas, suggère-t-il, parce qu’on met les fraudeurs en prison, — aux États-Unis et en Italie, bien sûr, car, en France, M. Juppé bénéficie d'un sursis — que l’économie se porterait mieux.

Eh bien, il me semble au contraire qu’il faut en finir avec un certain cynisme.

M. Renaud Dutreil lance un concours d’idées pour susciter les vocations d’entrepreneurs. C’est une excellente initiative.

Osera-t-on lui répondre que la manière avec laquelle les politiciens, les énarques et les intellectuels traitent l’entreprise, le commerce et les entrepreneurs individuels en France n’est pas sans rapport avec le faible nombre de création d’entreprises (3) dans ce pays.

C'est bel et bien toute une culture politique qui est en cause. Qu’on cesse de les racketter, de les pressuriser, de les mépriser, et les entrepreneurs seront plus nombreux…

JG Malliarakis
© L'Insolent
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(1) M. Nicolas Sarkozy lui a adressé, nous dit-on, un "message d'amitié". Bigre.

(2)… dont certains ont été innocentés par la justice, mais non réhabilités par la rumeur.

(3) En dépit d'une hausse, — honorable mais encore très insuffisante, — depuis que M. Raffarin est Premier ministre.

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