Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ... Courrier précédent ... Moteur de recherche

BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

JEUDI 5 FÉVRIER 2004

LA GUERRE LA VICTOIRE ET LE DÉFICIT

Le déficit c'est "la victoire à crédit"… c'est dangereux pour l'avenir lorsque l'on est en guerre… mais sommes-nous en guerre ?

La guerre se révèle la plupart du temps catastrophique, et pas seulement pour les vaincus. C’est un paradoxe bien connu que celui de la prospérité de la France vaincue en 1870, au moment du Traité de Francfort ou de la reconstruction après 1945 de l’Allemagne et du Japon.

À l’inverse, au sortir de sa victoire militaire de 1918, la France disposait de la première armée du monde. Mais en même temps elle s’est trouvée économiquement, financièrement et politiquement muselée. La France n’était pas seulement amoindrie par les dommages que le conflit avait engendrés sur son territoire et par le coût humain des morts et des blessés mais également par le bilan financier de la guerre sur les comptes publics et sur sa monnaie.

La faute en revient finalement au mode de financement de la "victoire à crédit", par le déficit et la dette. (1)

Aujourd’hui, la guerre d’Irak est critiquée, certes, par une gauche américaine et européenne toujours prompte à prendre le parti de l’ennemi. Sur ce terrain, l’extrême gauche française a toujours été bien placée pour donner des leçons au monde entier et il est un peu navrant de voir une partie de la bourgeoisie et de la droite institutionnelle emboucher si complaisamment les trompettes d’un José Bové.

Mais la critique la plus intéressante vient plutôt des milieux, fort hétéroclites penseront certains, qui se disent aux États-Unis "Libertariens" (2).

Les Libertariens américains critiquent donc la guerre menée par leur gouvernement tant en Afghanistan qu’en Irak pour des raisons frot différentes qui sont notamment d'ordre économiques.

Ainsi le bulletin quotidien du Mises Institute (3 février) souligne que "la guerre victorieuse ou non, retarde l’accumulation du capital productif". Ce point de vue étroitement économique aux yeux de certains tend à répondre à une idée beaucoup plus répandue, notamment sous la plume des Keynésiens que la guerre serait bénéfique à l’économie. Parmi les idées fausses propagées par les faux lettrés, on retiendra le vieux mythe selon lequel la crise de 1929 aux États-Unis n’aurait vraiment été résorbée qu’après Pearl Harbour. Enseignée couramment dans les universités, cette idée aurait au moins le mérite de remettre à sa place un autre mythe dirigiste attaché au "miracle" du New Deal de Roosevelt.

Mais si on veut bien suivre l’analyse du Mises Institute, on se préoccupera plutôt du problème du financement de la guerre. Calcul atroce, penseront certains moralistes : "On croit mourir pour la patrie. On meurt pour des industriels." Tel était le cri (de guerre) des pacifistes d’autrefois qui oublient que les industriels sont une composante de la nation, composante qui n’est ni négligeable, ni méprisable.

Les historiens sérieux, (3) savent que les vrais bénéficiaires des guerres sont éventuellement parmi les munitionnaires, fournisseurs des armées, mais souvent aussi parmi les prêteurs lorsqu’ils ont en face d’eux des débiteurs demeurés solvables. On ne pouvait pas à la fois propager après 1918 le mot d’ordre "L’Allemagne paiera" (4) et se préoccuper de diviser ce pays. On se retrouve avec un problème analogue avec la dette irakienne.

On comprend donc pourquoi de leur côté les conservateurs américains et les Libertariens critiquent fortement le déficit budgétaire américain. Ils craignent de voir le gouvernement de Washington financer la guerre à crédit, ce qui est ordinairement une catastrophe.

On peut objecter trois choses à ce raisonnement :

1° Que la guerre que les États-Unis mènent en Afghanistan comme en Irak non seulement n’a pas été déclenchée par eux. Elle se veut (à tort ou à raison) une réponse au 11 septembre.

2° Mais surtout elle a pour perspective un contrôle probablement plus étroit du marché pétrolier mondial en mettant la main sur l’épicentre des grandes réserves s’étendant de l’Asie centrale au Golfe persique. Et ce contrôle a vocation à entraîner des conséquences économiques plutôt positives pour celui qui l'exercera.

3° Le déficit américain n’est qu’en partie seulement occasionné par les dépenses militaires. Celles-ci représentent une part presque moins grande dans le Budget américain que dans le Budget français (5).

Or, ce déficit américain, dans une période de guerre, est proportionnellement du même niveau d'importance, de l'ordre de 20 % du Budget, finalement, que le déficit français dont nous faisons une "grande cause nationale" dans les débats européens.

Mais au fait sommes-nous en guerre ?

Et, si oui, à qui profite la guerre franco-française ?

Pas aux Français en tout cas.

JG Malliarakis
© L'Insolent
Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ... Courrier précédent ... Moteur de recherche...

(1) cf. les tomes III et IV des Responsabilités des Dynasties bourgeoises.

(2) Le mot, en américain ne veut strictement rien dire de plus que le mot "libéral" en français – mais il se démarque des libéraux anglo-saxons en raison du contre sens politique attaché tant au parti libéral britannique qu’aux gens réputés "libéraux" en Amérique du nord et qui sont politiquement des progressistes et des redistributeurs. Quand le même terme désignera définitivement en France MM. Strauss-Kahn et Juppé, on connaîtra un besoin de démarque du même ordre.

(3) et (4) cf. comme toujours Beau de Loménie

(5) La comparaison est à faire entre 432 milliards de dollars aux États-Unis pour 2400 de budget, 41,2 milliards d’euros pour 270 de dépenses et … beaucoup moins de recettes en France.

    Vous pouvez aider l'Insolent ! : en faisant connaître notre site à vos amis • en souscrivant un abonnement payant