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BULLETIN QUOTIDIEN EN TOUTE LIBERTÉ

MERCREDI 11 FÉVRIER 2004

FAUT-IL ENCORE SE PRÉOCCUPER DE L'HÉRITAGE DE YALTA ?

L'Europe n'est toujours pas affranchie des idées et des contraintes remontant aux accords de Yalta.

Selon le point de vue que l'on adopte, on peut, ces derniers temps, avoir attaché plus d’importance aux négociations onusiennes autour du plan Kofi Annan sur Chypre qu’aux marchandages franco-allemands autour du taux de TVA applicable à la restauration, à Bruxelles.

Pour l’identité européenne et pour la sécurité en Méditerranée ce qui a trait à la candidature de la Turquie à l’Union européenne aura probablement plus de retentissements.

Mais, d'autre part, les deux plus gros États d’Europe sont respectivement gouvernés l’un à Paris, l’autre à Berlin. Et tout ce qui représente un point de désaccord entre eux est une mauvaise nouvelle pour l'ensemble de l’Europe, surtout lorsqu'ils ne parviennent plus, même sur un plan technique apparemment secondaire à cette entente scellée, il y a quelque 40 ans…

On a atteint, dans l'indifférence générale, le 59 anniversaire des accords qui ont scellé le destin des peuples européens, le 11 février 1945. Les négociations de la "conférence de Crimée" (1) se sont tenues en l’absence de la France théoriquement victorieuse et de l’Allemagne qui n’était pas encore tout à fait vaincue (2).

Ayant consacré à la naissance du système, alors caractérisé par deux "blocs" un livre publié la première fois il y a 20 ans, je crois entrevoir le chemin parcouru depuis.

L’un des deux piliers de cet ordre s’est misérablement effondré en 1991, avec la disparition de l’Union soviétique, après la réunification de l’Allemagne et la fin du pacte de Varsovie, en même temps que la dictature du parti communiste se trouvait elle-même abolie à Moscou.

Les Européens auraient tort de croire que tout est résolu pour autant.

Même délivrée de l’oppression stalinienne, la Russie demeure une puissance encore extérieure et une société convalescente. Si sympathique que puisse être (ou paraître) son gouvernement, il est illusoire de le croire entièrement exempt d’arrière-pensées vis-à-vis de l’espace de consommation représenté par l’Europe occidentale. Et surtout on doit souligner qu’il préfère toujours s’entendre directement avec son ancien adversaire, devenu seul hyperpuissant, plutôt que de se rapprocher du concert européen.

En ce sens, Yalta subsiste.

Également persiste, et prospère l'illusion onusienne de la Golden Peace, rêvée par les signataires de Yalta (3).

Par conséquent, l’Europe a le devoir de penser et de mettre en place son système de défense de manière durablement plus forte qu’elle ne le fait à l’heure actuelle, où 3 pays seulement, sur 25, consentent un effort militaire supérieur à 4 % de leur PIB.

L’évolution institutionnelle de ce qui s’appelle, depuis l’accord de Maastricht, "l’Union Européenne" est donc une question préoccupante. Sans l’établissement d’une véritable Confédération — prenant en charge les domaines qu’on ne saurait imaginer de résoudre aujourd’hui dans le cadre hexagonal, — le principe de subsidiarité se trouve entièrement contredit.

En ne confiant, au contraire, à la Commission comme au Conseil des États, que les fonctions de "normalisation du marché" on pousse l’Europe sur la voie suicidaire du régime technocratique — de la redistribution et de la sociale démocratie.

Aujourd’hui, en effet, les dirigeants français et allemands ne sont même plus capables de résoudre leur différend bilatéral sur le taux réduit de la TVA…

Comment imaginer que ce vieux couple soit à même de conduire, seul, contre la plupart des autres pays "petits" et "moyens", le projet d’une mise en ordre des relations institutionnelles.

Ces relations sont dans un fouillis, programmé par le fameux "couple", du fait de l’addition des traités précédents, de Rome 1957 à l’Acte unique en 1985 en passant par Maastricht 1991, Amsterdam 1997 et surtout Nice (4), lamentablement préparé par la présidence française en 2000, et péniblement ratifié en 2001.

Les idées dont les dirigeants français et allemands sont, désormais, capables, ont montré leurs limites avec le misérable projet présenté par l’ex-président Giscard en juin 2003 à Thessalonique.

Il est temps qu’un souffle nouveau fasse donc évoluer l’Europe vers un véritable espace de liberté et d’identité !

Car, au bout du compte, l'Europe n'est toujours pas affranchie des idées et des contraintes remontant aux accords de Yalta.

JG Malliarakis

    © L'Insolent

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    1. Appellation officielle de la réunion interalliée organisée dans la station estivale Yalta, en Crimée, en février 1945…
    2. La thèse excessive de certains auteurs (notamment Arthur Conte) a longtemps prévalu en France. Elle consiste à présenter Yalta comme le lieu d'un pur et simple traité de "partage du monde entre Russes et Américains". La nouvelle thèse, non moins outrancière consiste à dire qu'il "ne s’est rien passé, rien décidé à Yalta". La réalité est plus complexe. Ces accords plus ou moins informels, matérialisés par un simple communiqué du 11 février 1945, allaient conduire à des évolutions considérables dans les différents pays de l'Europe libérée, et à la mainmise soviétique sanglante sur les pays conquis par l'Armée rouge, y compris dans les territoires acquis par l'URSS entre 1939 et 1941 dans le cadre de son alliance avec l'Allemagne hitlérienne. C'est ce que nous montrons dans Yalta et la naissance des blocs.
    3. Cette illusion n'était pas innocente dès 1945. Elle a beaucoup servi Joseph Staline. Elle paraît beaucoup moins excusable avec l'expérience que nous avons des réalités onusiennes. Il est pour le moins surprenant que des gens se réclamant de l'héritage du général De Gaulle se fassent au jourd'hui des défenseurs du "Machin".
    4. Les principales difficultés, actuellement rencontrées dans la codification "constitutionnelle" de l'acquit européen existant, tournent autour des accords négociés à Nice.

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