On juge en ce moment à Paris 11 militants de l’Armée Révolutionnaire Bretonne, groupuscule d’extrême gauche ayant à son actif 17 attentats répertoriés, d’importance inégale.

Ils comptent, hélas, à leur brillant tableau de chasse un mort, une jeune femme travaillant au restaurant Mac Donald’s de Quévert tuée par une charge explosive le 19 avril 2000.

N’étant ni juge, ni procureur, ni partie civile, je m’abstiendrai de qualifier ce qui dans le Droit français comme dans la conscience de chacun s’appelle un crime et dont les auteurs encourent la réclusion criminelle à perpétuité.

D’autres détailleront sur ces visages, les uns hagards, les autres un peu ahuris, certains reflétant parfois une sorte de bonhomie idéaliste, d’autres enfin transpirant la haine ou la bêtise, la dose de dangerosité de ce réseau. On verra même s’apitoyer sur la personnalité du petit communiste de 31 ans, Roblin, présenté pour un chef charismatique, expression légèrement galvaudée depuis les travaux de Max Weber sur la légitimité en politique.

Non, malgré l’aversion qu’ils m’inspirent, ce n’est pas mon rôle que de les accabler plus avant.

Simplement on remarque que ces gens sont parvenus à salir une cause qui jusque-là était demeurée presque propre.

Contrairement à la violence corse qui recense quelque 220 morts (1) depuis l’affaire d’Aléria, il n’y avait eu aucune victime de sang pratiquement en Bretagne depuis l’aube du mouvement autonomiste. En 1976, en 1984 et en 1985, ce sont 3 poseurs de bombes qui sont frappés par leurs propres engins. L’un meurt près de Chateaulin, l’autre sera gravement blessé à Arzon dans le Morbihan et il sera condamné, le troisième est tué à Guingamp en tenant de plastiquer le Palais de justice.

On pouvait tenir les séparatistes bretons pour des branquignols, des rêveurs, des bras cassés, pas pour des assassins.

Pris en main par de véritables terroristes d’extrême gauche, ils sont passés au stade que l'on osera dire "supérieur" : ils ont tué, sans peut-être le vouloir. Mais quand on s’appelle soi-même "Armée", révolutionnaire de surcroît, il ne faut pas s’étonner des conséquences de la manipulation des armes à feu.

Or, ce procès, qui durera jusqu’au 26 mars, s’étalera pendant toute la campagne des élections régionales et cantonales.

Cette juxtaposition chronologique n’a probablement pas été calculée.

De toutes manières, 61 % des Français se moquent éperdument des scrutins des 21 et 28 mars. Et je ne suis pas sûr qu’ils aient entièrement tort.

La difficile élaboration, depuis 30 ans, de pouvoir régionaux, les contresens sur la décentralisation ratée par les lois Defferre de 1982, le délicat transfert de compétences trop souvent accompagné de chausse-trappes financières, tout cela rend l'idée de la Région aussi peu attractive à l’opinion publique que la construction européenne.

La régionalisation du cadre français, d’une part, l’Europe, d’autre part, sont cependant des nécessités conformes à l’intérêt même, à la survie, à l’identité de la France.

Ceux qui combattent la Région et l’Europe s’expriment par exemple

Pour toutes ces vieilles nuisances, il ne faut pas d’Europe, pas de réforme régionale non plus, parce qu’il ne faut pas de réforme tout court.

C’est un discours que l’on retrouve au parti communiste, à la LCR, à la CGT, à la FSU.

En salissant l’idée régionale, le petit réseau terroriste Roblin-ARB fait donc coup double. C’est son véritable crime, et il est prémédité.