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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

JEUDI 4 MARS 2004

LE PROCESSUS CONSTITUTIONNEL EUROPÉEN TOUJOURS EN SUSPENS

Quand le chancelier Schroeder (à dr. avec Erdoghan, à g. avec Tony Blair) soutient la candidature de la Turquie… mieux vaut attendre qu'il s'en aille.

Il y a exactement un an, à l’occasion de la crise irakienne, on se gargarisait dans les cercles dirigeants parisiens d’un retour au noyau dur franco-allemand. Très distendue depuis 1998 et l’arrivée au pouvoir de Gérard Schroeder, la solidarité diplomatique entre les deux pays paraissait se reconstituer. Certains mêmes osaient penser, et allaient jusqu’à écrire, qu’un véritable axe Paris-Berlin-Moscou était en marche.

Rien de tel ne s’est concrétisé 12 mois plus tard.

Au contraire, M. Chirac, adepte verbal des concepts les plus conventionnels ("moteur franco-allemand de la construction européenne", "noyaux durs", "coopération renforcée", etc…) a été amené, au mois de février à Budapest à en reconnaître l’impasse et l’absurdité : "Nous n'avons aucune intention, dit-il désormais, de couper l'Europe en deux ou de faire deux Europe, ce serait absurde". Dont acte.

La raison profonde de ce changement de perspective se situe d’abord dans la politique intérieure allemande.

Outre l’affaiblissement électoral du SPD, dont le scrutin de Hambourg le 29 février a confirmé le recul spectaculaire, et dont le chancelier a renoncé à la direction du parti, il se trouve aussi que les chrétiens-démocrates ont mis à profit la crise irakienne pour remettre en cause l’alignement de la diplomatie allemande sur le Quai d’Orsay.

Il ne manquera sans doute pas de commentateurs germanophobes en France pour dénoncer ce qu’ils appelleront une attitude "antifrançaise" de la droite allemande. Et le quotidien de la pensée unique parisienne (1) n’a pas manqué de le suggérer, en parlant d’une "campagne agressive pour faire passer le chancelier comme le caniche des Français."

Mettons quand même les choses au point.

La fameuse lettre des 8 dirigeants européens dénonçait l’attitude antiaméricaine du président Chirac et du chancelier Schroeder dans l’affaire irakienne. Elle les accusait de diviser l’alliance atlantique. En se ralliant en mars 2003 à cette lettre des 8, ce n’est pas "les Français" que la CDU-CSU "agressait", mais c’était une certaine ligne diplomatique, couramment considérée comme illusoire dans la plupart des pays d’Europe centrale (1). L’outrecuidance de notre p. de la r. exaspère un nombre considérable de responsables politiques à l’Étranger : cela n’a rien à voir avec une attitude hostile à "la France". Wolfgang Schäuble, ancien dirigeant de la CDU, exprime ouvertement ce sentiment en disant : "À partir du moment où le président français affirmait qu’on ne pourrait pas glisser une feuille de papier entre ses positions et celles du chancelier, cela devenait inacceptable pour nous".

Comment ne pas le comprendre ? Comment ne pas voir que Joschka Fischer, sans le soutien duquel Herr Schroeder n’aurait pas été réélu chancelier, a définitivement rompu avec l’héritage des conceptions de la Petite Europe et l’a réaffirmé explicitement fin février ?

D'autre part, Herr Schroeder soutient activement depuis plusieurs mois la candidature de la Turquie. Cette position rompt avec la conception de Helmut Kohl et elle représente un grand danger pour l'identité européenne.

Aujourd’hui, les désaccords quant aux perspectives institutionnelles de l’Europe portent sur plus de 20 points. C’est considérable. De plus, la présidence irlandaise est pressée par des échéances qui se situeront ce printemps.

Citons :

Tout cela rend critique le retard pris dans la mise en ordre des Traités échelonnés sur 40 ans de Rome (1957) à Nice (2000) posant le problème d’une Constitution de l’Union européenne. "S'il n'y a pas d'accord d'ici à l'été, c'est foutu", déclare ainsi un homme politique français particulièrement présent dans les débats européens M. Alain Lamassoure.

Sur tous ces points, seul un rapprochement des 3 principaux pays (France, Angleterre, Allemagne) peut résoudre la crise.

Et le président de la commission européenne, Romano Prodi, l’a nettement soutenu le 22 février dans son entretien à El Pais : "Je me sentirais plus heureux, déclarait-il alors, si les 3 grands donnaient une grande impulsion pour conclure le processus constitutionnel et lançaient une invitation à achever le long processus".

Reste évidemment à savoir ce que contiendra la fameuse Constitution, qui ne pourra pas, qui ne devra pas, être le texte très dangereux de Valéry Giscard d'Estaing, inacceptable pour la plupart des peuples européens.

Puisque le chancelier Schroeder soutient la candidature de la Turquie… mieux vaut attendre, au besoin, qu'il s'en aille et renoncer au chantage des dates butoirs. Depuis la Bulle d'Or du XIVe siècle, la Constitution européenne se fait désirer depuis sept siècles, nous pourrons donc encore patienter quelques années.

JG Malliarakis

(1) Ceci inclut la République fédérale d'Allemagne. Jamais le gouvernement de Bonn, jusqu'à la chute du mur en 1989, n'a considéré que sa sécurité reposât sérieusement sur autre chose que sur l'Otan.

(2) Le Monde en ligne le 3 mars à 14 h 02, édition papier datée du 4 mars…

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