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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

LUNDI 5 AVRIL 2004

LE PRÉSIDENT CHIRAC ET SA MYSTÉRIEUSE "JUSTICE SOCIALE"

M. Chirac n'a rien lu ni rien vu depuis 50 ans

Certains s'étonneront peut-être nous voir attacher ici de l'importance aux plus récents propos de M. Chirac. Le chef de l'État n'a répondu, dans l'indifférence générale, ce 1er avril qu'aux questions conventionnelles de Mme Arlette Chabot et de M. Patrick Poivre d'Arvor, posées dans le cadre au Journal de 20 heures. Pour mieux rendre hommage au monopolisme, cet entretien élyséen était diffusé, à la fois, sur Tf1 et France 2.

Faut-il donc encore y faire attention ? Largement désavoué par la grande majorité des Français, le président mal élu du printemps 2002 s'accroche. Dans le vocabulaire du fiasco sentimental, nous dirions volontiers qu'il rame.

On relève plusieurs expressions problématiques.

Par exemple, le chef de l'État que, dans notre pays, "chacun est prêt à avancer, mais à condition que ce ne soit pas au détriment de la solidarité". Et, de fait, quoique "prêt à avancer" le pays n'avance pas.

Également le p. de la r. a fait sienne, tout en la triturant, la fameuse phrase "je vous ai compris", prononcée devant le forum d'Alger en 1958 par le fondateur de la V république. M. Chirac arrive difficilement à la cheville de son lointain prédécesseur pour ce qui est des formules. Il paraphrase, il annone : "J'ai écouté attentivement, dit-il, et j'ai entendu le message de nos compatriotes." N'épiloguons pas.

Mais une phrase appelle notre réflexion :

M. Chirac estime en effet que "la justice sociale" doit être le "point de passage obligé" de l'action du "nouveau" gouvernement.

Le texte exact, officiellement et solennellement transcrit sur deux paragraphes, figure en ligne sur le site internet de la présidence…

1. "… Le gouvernement doit tenir compte de ce message. Il doit en tenir compte d'abord, en étant, plus encore que par le passé, en offensive sur deux domaines essentiels à la vie de la nation : l'emploi et la croissance."

2. "Ensuite, en ayant plus que jamais présent à l'esprit, une exigence fondamentale qui est la justice sociale et qui doit être, en quelque sorte, le point de passage obligé de toutes les réflexions concernant l'action, l'évolution des choses."

Tout d'abord pourquoi cette formule ampoulée sur la "justice sociale" se trouve-t-elle référencée à une sorte de parcours initiatique comportant, pour ses ministres, un hypothétique "point de passage obligé" ? Cette question subsidiaire demeure sans réponse, ou plus exactement on la tiendra provisoirement pour anecdotique.

La question décisive est de savoir quelle définition le p. de la r. lui-même donne de ce qu'il appelle la "justice sociale" ?

Ce septuagénaire n'a probablement guère lu, même pas les livres de Jean Guitton, dans les 50 dernières années, en dehors (des titres) du quotidien Le Monde.

De la sorte, en l'absence d'aucunes influences intellectuelles moins que plausibles, l'herméneutique de son discours nous pose un problème.

Quel est le degré de sincérité du propos ? Eh bien n'hésitons pas à surprendre certains lecteurs de l'Insolent : nous croyons, hélas, à la part de sincérité chiraquienne, sincérité réversible bien sûr, sincérité de style très personnel évidemment, sincérité utilitaire le plus souvent, mais sincérité qui dessine tout de même une équation assez complexe de cohérence, que les 40 années de son parcours public permettent malgré tout de déchiffrer.

On doit rappeler en effet que jamais, de mémoire de citoyen on ne l'a entendu prendre position contre l'injustice, la perversité intrinsèque et les crimes du communisme et du marxisme.

Le "point de passage obligé de la justice sociale" constitue une sorte de landmarck, de borne commune à la CGT et au chef de l'État.

La réponse à la question de ce que M. Chirac entend par "justice sociale" permet de donner une double réponse

1° à la question que se posent encore nombre de nos amis (1) "Les Réformes c'est pour quand" ? S'il s'agit de Réformes de libertés, ce ne sera, de toute façon, qu'après le départ de l'Élysée de l'actuel p. de la r., autoproclamé "garant personnel de la sécurité sociale" en septembre 1995.

2° à la question de "la croissance et de l'emploi", en effet, M. Chirac a répondu dans sa tête qu'il n'y parviendra que par une plus lourde réglementation dirigiste et par une plus grande rigidité du Code du Travail. Peut-être même redonnera-t-on "des moyens" au Commissariat général au plan.

Dans la nov'langue chiraco-cégétiste on entend par "justice sociale" le contraire du droit, des libertés et de l'équité.

Cette nov'langue n'est pas tout à fait nouvelle. Elle remonte à un certain Manifeste communiste de 1848, financé par un groupe intitulé originellement Ligue des Justes, rebaptisé Ligue des communistes.

Depuis cette date on doit considérer que l'usage du mot "justice", dans le langage de ces "justes", consiste à détruire les rapports de droit. Il ne s'agit plus de l'équité contractuelle entre l'industriel et l'ouvrier, entre l'entrepreneur et le salarié, entre le propriétaire foncier et le fermier, entre l'emprunteur et le banquier, entre le bailleur et le locataire. Il s'agit d'établir, dans un premier temps, une modélisation des rapports juridiques, tendant à délégitimer la propriété et à culpabiliser le propriétaire, l'affreux capitaliste.

Certes, l'Union soviétique s'est effondrée dans sa grisaille, sa médiocrité, son horreur sanglante.

Mais comme M. Chirac n'a rien lu ni rien vu depuis 50 ans, sinon les gros titres du Monde, il semble l'ignorer et il croit toujours que l'idéal communiste est "la jeunesse du monde". Il croit encore, comme Jean-Paul Sartre, que "tout anticommuniste est un chien", et que tout défenseur de l'économie de liberté est le contraire d'un "juste".

JG Malliarakis

©L'Insolent
(1) Par exemple ceux qui se rendront à la très opportune réunion du Club Courbet et d’Héritage et Progrès organisée sur ce thème "Les Réformes c'est pour quand", ce 5 avril, Salle Albert de Lapparent, à 20 heures (Métro: Ségur).
 

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