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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

MARDI 6 AVRIL 2004

VIVE L’ENTENTE CORDIALE ET L’ANGLETERRE EUROPÉENNE

Il faut intégrer à la politique européenne les réussites du thatchérisme...

Pour une fois qu'un drapeau ami flotte sur les Champs Élysées !

La visite de la Reine Élizabeth à Paris me donne l’occasion d’indisposer sans doute un certain nombre non négligeable d’amis, lecteurs et autres correspondants.

On est aisément populaire en France en disant du mal des Maudits-Zainglais.

Or, je tiens à dire ici, mon profond respect pour la Reine et mon admiration pour l’Angleterre.

Cette admiration, ce respect, cette sympathie n’est certainement ni inconditionnelle, ni totalement aveugle.

Parmi les qualités que je reconnais au peuple anglais, aux institutions du Royaume-Uni, aux dirigeants de Londres, c’est bien évidemment le sérieux, le civisme et la pugnacité avec lesquels ils considèrent par priorité l’intérêt de la Grande Bretagne. Et cet intérêt ne coïncide pas toujours, pas obligatoirement avec celui général des pays de l’Europe continentale et particulièrement avec celui de la France et des Français.

Or, précisément aujourd’hui, dans 9 cas sur 10, Français et Anglais ont exactement le même intérêt, de même qu’il en va pour les Italiens, les Allemands, les Espagnols, les Belges, etc.… Ceci m’amènerait donc plutôt à proférer une seule vraie critique à l’endroit des cercles dirigeants londoniens, ils sont en retard sur leur peuple quant à la volonté européenne. Et dans son remarquable discours, prononcé dans un français non moins remarquable, à l’Élysée le 5 avril, SM Élizabeth II l’a intelligemment fait comprendre, en laissant d’ailleurs le débit égal entre gouvernants respectifs des deux côtés de la Manche.

Non l’Angleterre n’est plus "une île, entourée d’eau, de toutes parts", n’en déplaise à André Siegfried.

Non, elle ne choisit plus systématiquement "le grand large", contre le continent, n’en déplaise aux mânes de Winston Churchill.

Car les quatre nations qui composent la Grande Bretagne et l’Irlande, sont un morceau du peuple européen et c’est aujourd’hui l’Europe tout entière qui doit choisir, et qui a choisi, le grand large.

Apportant cette dimension maritime qui est la sienne, non pas à la vieille Europe, mais à la jeune Europe libre, elle ne fait d’ailleurs que renforcer une vocation océanique, baltique ou méditerranéenne dont de nombreuses régions françaises, mais aussi plusieurs autres nations européennes ont témoigné tout au long de leur Histoire.

Aujourd’hui, la Grande Bretagne doit impliquer cette tradition dans tous les efforts pour sortir l’Europe de l’engluage bureaucratique et social démocratique si caractéristique de vieux États terriens, gouvernés par des capitales et des oligarchies coupées de la Mer. Entre Brest et Toulon, Barcelone ou Anvers, nombreux sont les Français mais aussi les Catalans ou les Flamands qui partagent légitimement cette préoccupation. J’imagine aussi que les marins français qui sillonnent les océans ne la désavoueraient pas (1).

Au-delà des symboles et des forces de sentiment, sachant aussi que depuis 300 ans "le Trident de Neptune est le sceptre du monde", (2) on doit bien comprendre ce que cela doit impliquer sur nombre de dossiers très concrets dans les mois à venir.

La Grande Bretagne aura, certes, le devoir de prendre un peu plus au sérieux les affaires européennes et de le prouver par des gestes concrets.

En contrepartie, Français et Allemands devront impliquer Londres dans tout leur travail de pilotage nécessaire des institutions européennes.

L’accord de Saint-Malo de 1998 doit s’élargir à l’Allemagne et les partenariats bilatéraux doivent aboutir à une véritable défense de l’Europe par les Européens, qui doivent cesser de regarder au loin, sur leur petit nuage artificiel, comme si l’attentat de Madrid n’était pas l’avertissement évident d’avoir à se préparer à une lutte commune contre les Barbaries.

Il faudra intégrer à la politique européenne les réussites économiques brillantes que l’Angleterre des 30 dernières a hérité du thatchérisme.

Si le travailliste Blair a eu le courage d’en maintenir le cap pour le bien de son pays, nous devons-nous aussi mettre la France dans la compétition, renoncer à toute funeste prétention à "harmoniser" (évidemment vers le haut) les fiscalités européennes pour au contraire entrer dans le cycle vertueux de la "désinflation sociale et fiscale compétitive". Quand on se souvient de ce qu’était la Grande Bretagne avant Thatcher et de ce qu’elle est redevenue depuis, on est un peu moins enclin au désespoir du chiraquisme déliquescent…

L’Entente Cordiale de 1904 ne doit pas seulement être saluée comme un événement du passé lointain mais comme une donnée permanente.

Jamais la France n’a été aussi heureuse et forte dans sa longue Histoire que lorsqu’elle était l’alliée de l’Angleterre.

La rivalité franco-britannique a toujours été funeste à nos deux peuples (3).

JG Malliarakis

©L'Insolent

(1) Et je salue bien sûr Olivier de Kersauzon et son équipage actuellement au voisinage du Cap Horn.

(2) On disait au XVIII siècle que c’était "le vers du siècle".

(3) Y compris, à l'apogée de la puissance française sous Louis XIV — à partir du jour où le Grand Roi, après avoir glorieusement "donné une leçon aux petits marchands de fromage" pendant la guerre de Hollande, commit l'erreur de se retourner contre son ancien allié anglais, lors de la funeste guerre de la Ligue d’Augsbourg, et celle de s'ingénier à soutenir le prétendant stuartiste, le très léger "cavalier de Saint Georges".

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