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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

MERCREDI 7 AVRIL 2004

LA CRISE D’EUROTUNNEL

révélatrice des carences du capitalisme français

N’étant pas actionnaire d’Eurotunnel, mon opinion sur la valeur du projet industriel de Jacques Maillot, candidat au contrôle de l’entreprise est, par définition, gratuite.

Mais il me semble assez triste, sinon pittoresque, que l’assemblée générale de cette société en quasi-déconfiture financière se déroule ce 7 avril, 48 heures après la démonstration par la Reine d’Angleterre de sa réussite technique.

Cet imbroglio juridique montre bien une fois de plus le drame intellectuel du capitalisme français géré par des technocrates, contrôlé par l’État, complètement infirme quant au respect du droit de propriété.

Car une entreprise appartient à ses actionnaires et les "petits" épargnants représentent dans celle-ci 65% du capital.

Le titre des Échos de ce 7 avril en première page montre bien la carence, la faille dans l’esprit des lecteurs et des rédacteurs de ce journal, pourtant le moins mauvais de la grosse presse française. "La direction d’Eurotunnel menacée d’un coup de force". (1)

Non, si les petits actionnaires individuels regroupés en diverses associations, celle de Nicolas Miguet (en main 17,7 % des mandats), l’Association de Défense des actionnaires (2,3 %) et M. Maillot (lui-même 0,36 %) l’emportent sur les 8,3 % de l’actuelle direction, ne sera pas un "putsch", ce ne sera pas un "coup de force", ce sera la sanction démocratique d’un échec technocratique et financier.

Les chiffres sont assez clairs :

La spéculation sur le titre d’Eurotunnel est elle aussi sans doute à la limite du scandale.

Depuis près de 10 ans (1996), sa valeur a constamment oscillé entre 0,50 et 1,50 euros.

Depuis 1988, on sait parfaitement que l’entreprise a été, dès le départ, financièrement torpillée par la décision des politiques de réaliser, coûte que coûte, les travaux et par conséquent de faire l’impasse sur le financement.

Parallèlement, on faisait appel à l’épargne publique pour un projet d’État tout en dissimulant aux épargnants la structure de l’endettement rapportée aux fonds propres de l’entreprise et SURTOUT on ne savait pas quelle redevance payeraient les trois utilisateurs que sont les British Railways, la SNCF française et la SNCB belge des ingrédients de l’escroquerie ressemblent fort à celles du canal de Panama. (2)

On a appellé au secours M. Philippe Bourguignon, illusionniste qui avait déjà sévi pour Eurodisney. Mauvais signe. Il a déclaré forfait au dernier moment. Tant pis ou peut-être tant mieux.

La vraie question qui se pose est de savoir quel est le droit des actionnaires individuels dans l’entreprise et si la démocratie financière existe. Si l'équipe sortante est minoritaire, elle est doublement illégitime puisqu'elle a échoué économiquement.

Bien entendu, les spéculateurs et les agitateurs seront mis en accusation par les "gens sérieux".

Seulement il se trouve que ces gens prétendument "sérieux", ne le sont pas.

Ils sont en réalité mauvais : ce sont eux qui portent la responsabilité des manipulations spéculatrices, évidentes dans cette affaire, mais qui font partie de la règle du jeu.

Ne pas accepter qu’une majorité, parce qu'elle est qualifiée de "spéculatrice", puisse faire valoir ses droits dans une assemblée générale d’actionnaires, ce n’est pas s’opposer à la "spéculation", c’est nier le rôle de l’épargne.

Que tout cela repose la question du libre développement en France d’authentiques fonds de pensions et de fonds mutuels d’épargne, c'est pour moi une évidence.

Ces fonds joueront leur rôle responsable et indispensable dans la démocratie financière, au moins autant qu’ils permettront à l’économie française de cesser d’être