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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

JEUDI 8 AVRIL 2004

UN SUJET ESSENTIELLEMENT "PASSIONNEL"

On me pardonnera j'espère de consacrer mon émission du Vendredi Saint à un registre de douleur

M’adressant dans mes chroniques quotidiennes, comme dans mes émissions radiophoniques, autant à des incroyants qu’à des chrétiens, ou à des fidèles d’autres religions, et attaché à respecter, sur ce terrain les convictions de chacun, comme plus généralement la dignité de tous les hommes, il m’est néanmoins difficile de parler de la Passion du Christ de manière vraiment "objective". Qu’il s’agisse de l’événement lui-même ou, par ailleurs, du film réalisé par Mel Gibson, sujet presque plus passionnel est-on parfois tenté de penser que le thème du Vendredi Saint.

Mon émission du Vendredi Saint, 9 avril, sera consacrée en première partie à la Passion, à la fois pour dire en compagnie de Gilbert Comte quelques mots sur le film, mais surtout pour aborder avec le Dr Maurice Clercq l’aspect disons : scientifique, médical, de ce que l’on peut savoir, aujourd'hui (1) sur les souffrances infligées il y a deux millénaires à Jésus de Nazareth.

Commençons d’ailleurs par balayer une mauvaise rumeur.

Le film serait, dit-on, "antisémite", — un mot mal construit et mal sonnant qui veut dire hostile aux Juifs.

Toute personne sensée, avant de proférer ce qui me semble une énormité, et qui constitue, de fait, une énorme accusation, devrait aller voir le film afin de s'en faire une idée objective, honnête, indépendante.

Non, un film où les personnages sympathiques sont tous des juifs et où les personnages les plus odieux sont essentiellement des Romains peut difficilement être tenu pour "antisémite".

Non, si M. Gibson était antisémite, il n’aurait pas mis les deux ou trois réflexions hostiles aux Juifs dans la bouche de personnages ignobles.

Non, pour prendre l’exemple si touchant de sainte Véronique, un réalisateur antisémite ne l’aurait pas représentée, comme elle était probablement, comme une femme de Jérusalem, etc.…

En revanche, on comprend que le succès de ce film aux États-Unis indispose certains milieux juifs. Tout simplement il est vrai qu’il véhicule le questionnement selon lequel "les Juifs" auraient voulu, il y a 2000 ans, la mort de Jésus qui était l'un des leurs, — faut-il le rappeler ? Dans le contexte actuel, on comprend que le questionnement même, quels que soient les nuances historiques de la réponse, soit considéré comme tout à fait déplacé.

Disons simplement qu’il faut voir ce film, et d’abord le sujet, sous son aspect religieux. Il s'agit d'un message universel de pardon et d'amour.

Peut-être gagnerait-on à mieux expliquer le fond de ce que les pharisiens et le parti sacerdotal (ce n’est pas la même chose) reprochaient à Jésus de Nazareth. Mais alors on aurait affaire à un autre sujet. Il n’est pas certain d’ailleurs que les fondamentalistes protestants y retrouveraient leur compte.

Le livre du Dr Clercq vient au secours d’un autre aspect, plus terrible et plus problématique pour notre époque : les souffrances atroces que l’on peut déduire à la fois du texte des Évangiles et de ce dont nous disposons comme "pièces à conviction" relatif à un supplice infligé essentiellement, faut-il le rappeler, non par "les Juifs" (en réalité : des Juifs) mais par des Romains (et non par "les Romains") sous la pression des scribes et des pharisiens.

La représentation de ces souffrances, choque le spectateur, nous dit-on, dans le film de Mel Gibson. (2) Mais le sujet s’y prête. Et le film est magnifique.

Faut-il alors céder à la tentation diabolique, au "logismos" du Jardin des Oliviers suggérant qu’un seul homme ne saurait racheter tout le péché du monde ? C’est bien surtout l’enjeu de la foi chrétienne. Et même au sein du christianisme, les sensibilités divergent. Celle des traditionalistes demeure tributaire d’une doctrine doloriste remontant à saint Anselme de Cantorbéry (1033-1109) selon qui la Rédemption serait une sorte de "satisfactio divinis", ce que l’Orient chrétien a beaucoup de mal à admettre de la part d’un Dieu "bon et ami des hommes".

La seconde partie de cette émission "spéciale Vendredi Saint" sera du reste consacrée aux divergences douloureuses, historiques et culturelles entre chrétiens par un entretien avec Mme Linda Murr-Nehmé (3), autour de la question du schisme entre l'orient et l'occident chrétiens.

C'est un sujet moins universel sans doute mais aussi dramatique pour un chrétien d'aujourd'hui. On me pardonnera j'espère de consacrer mon émission du Vendredi Saint à un registre de douleur.

JG Malliarakis

©L'Insolent
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(1) On les connaît mieux grâce notamment aux travaux relatifs au Linceul de Turin et au Suaire d’Oviedo. C'est un des mérites du livre de Maurice Clercq ("La Passion du Christ" aux éditions FX de Guibert) d'en souligner les conclusions scientifiques. L'émission sera diffusée en direct sur 95,6 MhZ en région parisienne le vendredi 26 mars 2004 de 18 h à 21 h et rediffusée le samedi 27 de 2h à 5h et de 7h30 à 10h30.
(2) J’avoue que Mel Gibson me paraît toujours trop "expressionniste" et je le trouve particulièrement irritant dans "Braveheart" que les Français adorent, et où je me sens du côté des Anglais, très peu convaincu moi-même qu’il suffise de crier pour gagner la guerre.
(3) professeur d’histoire de l’art à l’université libanaise de Beyrouth, Mme Murr-Nehmé vient de publier un beau livre sur ce sujet : "1453, Chute de Constantinople Mahomet II impose le schisme orthodoxe" (éditions FX de Guibert). Je tiens à préciser que je ne partage pas ses déductions tout en recommandant vivement, pour mieux comprendre le difficile chemin vers l'Unité des chrétiens, la lecture de son livre.

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