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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

VENDREDI 16 AVRIL 2004

LE RETOUR DU PÈRE DE FAMILLE

L’idéologie du déficit existe : M. Sarkozy a marché dedans

Dans le PIF, Paysage Intellectuel Français, la moindre petite phrase en rupture de pensée unique fait aujourd'hui figure de manifeste iconoclaste.

Ainsi, lors de son arrivée au ministère des Finances, M. Nicolas Sarkozy a-t-il déclaré vouloir désormais tourner le dos à l’idéologie pour s’employer à gérer le budget de l’État en bon père de famille. Quelle audace !

Dans les Échos (16 avril), M. Paul Fabra, en observateur lucide et averti, approuve, bien évidemment, ce propos, non sans remarquer son caractère apparemment anodin. Mais, dit-il en spécialiste des questions monétaires, les finances des grands pays occidentaux se trouvent systématiquement délabrées depuis la fin du Gold Exchange Standard résultant de la décision de Nixon en 1971 de mettre fin à la parité or du dollar. Les désordres monétaires qui s’en sont suivis, encouragés par la crise pétrolière de 1973, ont entraîné une véritable subversion dont on avait à peine conscience sur le moment.

Pour ce qui est de la France par exemple le grand bouleversement remontait cependant quelques années plus tôt, à la formidable hausse des salaires résultant des accords de Grenelle de 1968, entraînant l'habitude perverse d'une inflation à deux chiffres pour quelque 15 ans.

Dans d’autres pays, au contraire, le déboussolement remontant bien avant, le coup d’arrêt intervint bien plus tôt. Ainsi, en Grande Bretagne, l’arrivée des travaillistes au pouvoir, à la suite des élections perdues par Winston Churchill en 1945, entraîna pour plus de 30 ans un déclin économique et une destruction juridique, dont seule l’arrivée de Margaret Thatcher au pouvoir en 1979 permit le redressement.

Là aussi, en France, on peut considérer que le retour d’Antoine Pinay aux Finances en 1958 s'était déjà traduit par un assainissement budgétaire, monétaire et juridique qui dura positivement 10 ans. Car l’association du déficit budgétaire, du délabrement financier et de l’idéologie étatiste est un point majeur que M. Fabra souligne à juste titre.

Si l’on veut s’en persuader, il suffit de se reporter à la chronique de Mme Geneviève Fraisse sur France Culture, radio d'État, le 14 avril à 8 heures 30.

Cette chronique, en effet, était consacrée à la déclaration de M. Sarkozy, qui, répétons-le, nous semble pourtant relever du simple bon sens. Elle en fait une sorte de moulin à vent philosophique contre lequel, moderne et féminine Don Quichotte, Mme Fraisse part en croisade.

Tout d’abord, pour mieux accabler son adversaire, Mme Fraisse assimile ce concept de "bon père de famille" à l’idéologie d’Ancien Régime.

Chacun sait en effet que le 21 janvier 1793 les jacobins ont coupé, à la fois, la tête du Roi et celle du Père. Pas de quartier pour le Retour du Père (1).

Et si Mme Fraisse ne veut pas plus du Père qu’elle ne veut du Roi, elle n’hésite pas à en appeler à "Notre Père Fondateur", Jean-Jacques Rousseau.

Triste père fondateur que cet autodidacte totalement dénué d'humour. On sait que celui-ci, dans son Contrat Social, qui date de 1762, dénonce le sophisme consistant à assimiler le fonctionnement de l’État à celui de la Famille. Et comment ne pas le suivre un instant, sur ce terrain, puisque l’utopie étatique ne cesse effectivement de détruire ce que le pragmatisme familial a construit.

Or, non seulement le rousseauisme "fondateur" n’a fondé que la Terreur de 1793, mais surtout le propos de M. Sarkozy ne semblait pas, a priori, effleurer le domaine de l’idéalisme impénitent qui l’inspire.

Ce n’est pas de l’organisation de l’État que M. Sarkozy traite, dans sa courte phrase, mais de la gestion des Finances…

Bien entendu, nous savons tous que Mme Fraisse déraille et se trompe sur ce point.

Dommage pour cette "radio de service public" qu’est supposée être Gauche Culture, mais le thème du "bon père de famille" est précisément caractéristique de la révolution bourgeoise de 1789 et du code civil de 1804. Si "pères fondateurs" il y a, ce sont les constituants et les rédacteurs du code Napoléon. Passons.

Reste que cet effarouchement même est significatif. Mme Fraisse et tous ses semblables voient dans la notion même d’un ordre financier une agression contre notre merveilleuse protection sociale, contre nos irremplaçables services publics à la française et, bien entendu, contre notre irréprochable exception culturelle – au nom de laquelle les braves gens qui envoient un chèque par retour de courrier aux Services de la Redevance, financent, que cela leur plaise ou non, Gauche Culture, Gauche Info, Gauche Inter, Gauche Musique, Gauche 2, Gauche 3, et aussi ces monuments de la culture française que sont le Mouv’ et Arte.

Si vous ne croyez pas à la présence des crapauds dans la mare ou des crocodiles dans le marigot, envoyez à tout hasard un pavé.

Le petit caillou de M. Sarkozy a d’ailleurs suffi.

L’idéologie du déficit et de la subvention existe bel et bien. Nous avons encore vu un ministre marcher dedans. Bienvenue au club.

JG Malliarakis

©L'Insolent

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  1. Les terribles récits du Lao-gaï, le Goulag chinois, publiés sous ce titre ("Le Retour du Père et autres récits, 11 samizdats du Goulag chinois" Belfond 1981) n’ont décidément toujours pas la cote.

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