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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

MARDI 4 MAI 2004

UN PAYS AU BORD DE LA CESSATION DE PAIEMENT ?

Le peuple réel sait sans doute mieux que les clowns de la classe politique, mieux que les communicants officiels et mieux que les bureaucraties syndicales où en est vraiment le pays.

À la veille de la conférence presse de Nicolas Sarkozy, M. Jean-Marc Sylvestre, chroniqueur officieux de l'économie (1) a osé dire tout haut, ce 3 mai, mais en exagérant le trait, ce que les responsables financiers européens observent avec inquiétude tous les mois : la France est "au bord de la cessation de paiement".

La formule est assurément excessive et son aspect emphatique, probablement calculé par ce journaliste intelligent et mondain correspond à un désir pédagogique. Cessation de paiement doit être écrit au conditionnel, car l'une des données perverses de l'endettement des États réside dans la demande concrète de certains opérateurs des marchés financiers.

Mais il faudrait, quand même, que les Français comprennent la situation.

Cette situation est tout simplement niée par les militants de gauche, dont le leitmotiv a toujours été "de l'argent il y en a".

Une récente réunion d'Attac, rassemblement de 500 personnes était pompeusement dénommée "États Généraux sur la santé. Ouverte à toutes les composantes de la gauche et de l'extrême gauche, le 24 avril à Paris, elle permettait même de comprendre que notre chère gauche française, la plus intelligente du monde comme chacun sait, est perplexe même vis-à-vis des déficits sociaux que certains persistent à nier, contre toute évidence. "les débats ont été vifs, à défaut d'être toujours argumentés, écrit avec dépit le quotidien de la pensée unique (2),… entre ceux qui croyaient au déficit, et ceux qui n'y croyaient pas, comme entre ceux qui défendaient l'élargissement de la contribution sociale généralisée et ceux qui préféraient une belle et bonne augmentation des cotisations patronales."

Faute d'avoir convaincu la représentante de la CGT, Nadine Prigent, de "passer à l'offensive", l'assistance de ces États généraux s'est donné rendez-vous dans la rue, le 1er mai. Et on peut considérer que ce rendez-vous a été un échec au vu du nombre réel des manifestants : 14 000 cette année, contre 25 000 en 2003, dans le cortège parisien soi-disant unitaire autour de la CGT, renforcée de l'Unsa, de la FSU et du Groupe des 10. Un recul de 44 %. On comptait 700 piétons dans le défilé séparé de Force ouvrière.

Le peuple réel sait donc, sans doute mieux que la classe politique et les bureaucraties syndicales où en est vraiment le pays.

On en a une illustration avec le scandale des 10 millions de "cartes Vitale" en surnombre en France. M. Douste-Blazy, le ministre de la Santé et de la Protection sociale, a ainsi déclaré qu'il y avait "10 millions de cartes vitales en surnombre" (3). Ce chiffre est la conclusion du rapport Mercereau, émanant de l'inspection générale des affaires sociales. "Il y a 48 millions de Français de plus de 16 ans, chacun a droit à une carte Vitale et c'est très bien, dit le ministre, mais il y a 58 millions, en tout, de cartes Vitale, parce que le système n'est pas géré". Que va donc faire le maire démissionnaire (Ouf ! Bonne nouvelle pour la capitale occitane !) de Toulouse ? Mettre une photo sur les 58 millions de cartes Vitale en circulation soit un coût de 200 à 300 millions d'euros, cette somme extrêmement élevée étant étalée sur 2 ou 3 années, ce qui ne servira à rien. La falsification continuera de plus belle. La seule solution est de renoncer à cette carte dont le dispositif de fichage est aussi attentatoire aux libertés, pour les populations qui ne fraudent pas, qu'il est incitatif aux trafics en tous genres et aux dépenses sans limites.

Et tout le monde sait très bien ce qu'il en est, sauf les politiques.

Mais ces derniers sont avides de créations démagogiques. Ainsi l'astucieux avocat Borloo, ministre de l'Emploi et de la "Cohésion sociale", a-t-il imaginé un nouveau dispositif pour pouvoir annoncer la réintégration des chômeurs "recalculés". Ceci repose sur un aménagement de la créance de 1,2 milliard d'euros de l'État sur l'Unedic mais sans hausse de cotisation, refusée par le Medef. Autrement dit c'est l'État qui payera, pour ne pas laisser se multiplier les décisions de justice inaugurées par celle du tribunal de grande instance de Marseille, le 15 avril, de rétablir dans leurs droits 35 chômeurs exclus de l'indemnisation à la suite de l'entrée en vigueur de la nouvelle convention d'assurance chômage le 1er janvier 2004. Ce ne seront pas 35 personnes mais 600 000 qui bénéficieront de cette "réintégration des recalculés", saluée comme une grande victoire par la CGT.

Et on évalue que cela coûtera 2 milliards d'euros.

Avant même la première conférence de presse à Bercy du ministre français des Finances, ce 4 mai à 12 h 30, suivant son audition — à huis clos — par la Commission des Finances de l'Assemblée nationale à 11 heures, on sait donc qu'il ne s'agit pour l'instant que d'une guerre discrète de pure communication entre les pôles rivaux au sein du gouvernement.

M. Sarkozy a pu porter à 24 le nombre des officiers de police assurant sa sécurité personnelle à Bercy, son jeu est aussi transparent que sa liberté de manœuvre demeure limitée. Même s'il annonce la liberté d'ouverture des magasins le dimanche, il aura beaucoup de mal à revenir sur les annonces faites 5 jours plus tôt par le chef de l'État reniant officiellement sa propre promesse de baisser l'impôt sur le revenu. M. Chirac avait promis 30 %, étalés sur 5 ans. Après - 5 % en 2002, - 1 % en 2003 et - 3 % en 2004, la tranche marginale de l'impôt sur le revenu demeure supérieure à 50 % auxquels s'ajoutent les 10 % de la CSG ce qui détermine un impôt sur revenu individuel marginal supérieur à 60 % soit presque le double de l'impôt sur les sociétés.

Aucun de nos politiciens actuels n'étant, ou n'ayant été, ni de près ni de loin entrepreneur (4), aucun ne semble avoir vraiment compris la démarche créatrice d'un nouveau potentiel d'initiatives résultant d'une diminution significative de l'impôt marginal sur le revenu.

Que M. Sarkozy prenne donc l'habitude de communiquer directement en tant que ministre des finances n'aura de sens que quand il prendra des décisions de rupture avec le socialisme, c'est un point important, mais aussi avec les déclarations du chef de l'État, ce qui est plus délicat.

Pour l'instant il ne le peut guère.

En matière de collecte fiscale, on nous dit que "Bercy souhaite adosser la redevance audiovisuelle à la taxe d'habitation" (5). C'est bien le cas ordinaire du ministre arrivant dans une administration dont il reprend les plus vieux projets. La seule mesure de "réforme" vraie consisterait à supprimer cette redevance et toutes les subventions à l'audiovisuel dit "public" contrôlé pratiquement par la gauche et appartenant théoriquement à l'État central français.

Quant aux privatisations, on nous dit qu'il veut les accélérer pour alléger la dette publique. Les détails pratiques confirmeront sans doute bien tôt qu'il s'agit de créer de nouveaux "clients boursiers", pour le secteur monopoliste des autoroutes ou pour EDF bastion cégétiste où l'État n'envisage pas de perdre sa majorité de contrôle.

On ne saurait dire que cela soit de nature à créer vraiment de nouvelles libertés pour l'entreprise individuelle ni d'encouragements à l'initiative.

C'est ce qui nous fait penser que si l'on veut que la France s'en sorte, il faut songer à mettre résolument "Borloo au zoo", et vraiment "Sarko au boulot".

JG Malliarakis

©L'Insolent

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1. sur France Inter tous les matins à 7 h 25

2. Le Monde du 27 avril.

3. Ce 3 mai sur TF1

4. Rappelons ici, à nos lecteurs, étrangers qu'en dehors de quelques rares avocats (Sarkozy, Devedjian) ou médecins (Douste-Blazy), les hommes politiques du système français se recrutent parmi les hauts fonctionnaires ("énarques") et les enseignants. C'est ce que nous appelons ordinairement la "technocratie" française, non parce que nous aurions affaire à des "techniciens" (de quelle "technique" ?) mais parce que ce mot évacue la fiction selon laquelle la France serait vraiment, de par sa constitution de 1958, une démocratie.

5. Le Parisien du 3 mai.

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