À défaut de satisfactions du point de vue de la libre entreprise, on aimerait se consoler en pensant aux avancées de la sécurité intérieure en France.
Ainsi, pendant 2 ou 3 jours, entre le 19 et le 23 avril la nouvelle centrale diffusée par lAFP, avait été lexpulsion le 20 avril de limam extrémiste de la mosquée "Urssaf" de Vénissieux, le sieur Bouziane.
La base de cette rare décision administrative avait été un simple entretien accordé par Abdelkader Bouziane au journal Lyon Mag. Le maire communiste de Vénissieux avait protesté contre ses propos. Et la république, forte de la caution morale des derniers staliniens du PCF, l'avait renvoyé dans son Algérie natale. Abdelkader sort.
La salle applaudit. Fin du premier acte.
Ses déclarations jugées incendiaires nétaient pourtant que maladroites. On pouvait les tenir comme lexpression dopinions religieuses puisque, finalement, sur la condition des femmes, il sagissait, grossièrement exposées, de celles que beaucoup de lecteurs tirent du Coran.
Le droit à la polygamie, par exemple, est pratiquement reconnu par la sécurité sociale et par une convention franco-marocaine, indépendamment du fait que le Code Pénal français en fait, anachroniquement, un délit.
M. Bouziane, nous dit-on, nest pas français. Il serait donc, pense-t-on un peu rapidement, légalement expulsable. On la mis, sans incident, dans un avion à destination de lAlgérie, où il est né en 1952 (1). Jusquà lâge de 10 ans, Bouziane était français en Algérie. Depuis 20 ans, il était algérien en Métropole. Est-il actuellement plus heureux dans son paradis indépendant ? Bonne question, merci de lavoir posée.
Or, il y a précisément une suite. La république laïque et obligatoire ne recule jamais, cest bien connu. Mais elle évolue.
La réalité juridique, connue de certains depuis assez longtemps (2), c'est que l'expulsion de cet imam n'est pas légale et que ceci explique peut-être la facilité avec laquelle l'intéressé est monté dans un avion pour ce qu'il pensait n'être qu'un aller simple.
Odieux contretemps : le pouvoir judiciaire, pouvoir dailleurs exceptionnellement muselé dans le cadre des tribunaux administratifs, a semblé sémouvoir des bases sur lesquelles cet étranger a été prié de quitter lhexagone. Et dès le 23 avril le Tribunal administratif de Lyon cassait en première instance l'arrêté d'expulsion.
À la fin de l'acte deux, le compte à rebours du retour de l'imam commence.
Matériellement, en effet, il ne sagit que de "déclarations". Pis encore : un article fait par un journaliste qui, comme toutes les interviews, nest pas luvre de la personnalité incriminée. Dans certaines circonstances, on va jusquà considérer que le principal auteur est le journal, le journaliste nétant que le complice de léditeur Quant à linterviewé, on le dira, "provoqué", "encouragé". Ouais.
Autre aspect du problème. Si les actes auxquels il incite tombent éventuellement sous le coup du Code Pénal français (3) les propos du sieur Bouziane, qui autorise le mari à battre sa femme, relèvent grosso modo de ce que pensent beaucoup de musulmans.
On est donc en droit dinvoquer lun des droits reconnus, ou plutôt affirmés, par la Déclaration de 1789 : la liberté dopinion "même religieuse". Certes ce droit est plus ou moins limité par les bonnes murs, la bienséance, les usages.
Tout cela semble constituer une collection de nuds gordiens. À trancher le plus rapidement possible. On demande un Alexandre de Macédoine à la réception, SVP.
Car nous nous trouvons précisément à un carrefour.
En 1954, dans les premières semaines de linsurrection algérienne, la justice de la république avait entrepris douvrir une procédure pour chaque incident. Le recours aux armes collectives était-il justifié ? Les officiers français devaient sexpliquer. Il a bien fallu mettre un terme à ces mascarades et retirer à la magistrature (4), le droit de venir avec ses critères hors de saison. Les égorgeurs du FLN nétaient même pas convoqués comme témoins.
Mais, dira-t-on : sommes-nous en guerre avec lislam ?
Stricto sensu, le bruit que cette guerre aurait déjà commencé s'est répandu aux alentours de lan 630 après Jésus-Christ. Il continue de se propager.
Du point de vue de l'opinion musulmane, Mahomet est "le Sceau de la Prophétie". Et, là encore, puisque Mahomet est le sceau de la prophétie, nous, chrétiens, juifs ou autres, navons plus quà nous incliner : cest probablement un peu de ce que pense le cheikh Bouziane, et avec lui beaucoup de musulmans.
On se situe toujours, de manière ambiguë, sur le terrain de l'opinion religieuse d'une opinion qui ne tolère pas qu'on la tienne pour intolérante.
Et puis un autre aspect, vient tout balayer.
Le cheikh Bouziane est père de 16 enfants et le mari de 2 femmes. Délit ? Peut-être. Voir plus haut.
En tout cas, la seconde épouse doit recevoir des allocations familiales supérieures à la première puisquelle est mère célibataire.
Elle bénéficie, à ce titre, de divers suppléments d'aides dont l'API, allocation de parent isolé.
Et M. Bouziane a très probablement une délégation pour faire virer lintégralité de ces allocations sur son compte bancaire.
Quel métier exerce-t-il ? On ne le saura pas.
Pour lessentiel, nous sommes en présence de 16 + 2 = 1 = 19 personnes plus ou moins entretenues par le système social d'une république qui, depuis 1905, "ne salarie ni ne reconnaît" aucun culte. Sauf celui-là.
Minute (5) se livre à un intéressant calcul de ce que touche le groupe familial Bouziane, probablement représenté par le cheikh et lui seul. Au total le journal arrive à une somme mensuelle de 3 812 (ménage légal) + 5 463 (deuxième "épouse") = 9 275 euros soit plus de 61 000 francs par mois. Et encore, le journal reconnaît que l'existence de certaines aides a pu échapper à sa documentation. M. Marsaud, député, a déposé une question au gouvernement : on attend la réponse pour connaître le coût exact de la famille Bouziane.
Bien évidemment, tous ces gens, venus en Métropole grâce à la Loi du Regroupement familial, ou nés en France, sont presque tous des ressortissants français. Sauf M. Bouziane qui ny a probablement jamais songé. Ils sont français à 95 %.
Mais alors démographiquement ce qui compte ce sont les 18 autres membres de la famille Bouziane qui demeurent sur le territoire républicain, laïc et obligatoire et que nous allons chouchouter bien tranquillement en attendant le retour du père. Retour inéluctable, semble-t-il, à moins que, sur place, la police et/ou larmée de lhumaniste Bouteflika commette une regrettable bavure. En tout cas, le 3 mai, on apprenait que M. Bouziane attendait patiemment son visa de retour en France.
Ne devrait-on pas alors, pour éviter tous ces tracas et ces inutiles allers-retours songer à prévoir un regroupement familial réciproque ?
Tout expulsé aurait ainsi le droit de voir ses femmes, ses enfants, et même dautres, le suivre sur la route de Memphis ou sur la route de leur très chère patrie dorigine.
Ce serait, au fond, plus humain. Et moins cher.
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