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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ
LUNDI 10 MAI 2004
VERS UN DIÊN BIÊN PHU ÉCONOMIQUE ET SOCIAL
Sous Chirac comme sous Laniel, la paralysie mène au désastre et à la crise de Régime
Le cinquantenaire de Diên Biên Phu peut paraître une commémoration déplacée dans une chronique économique et sociale. Lannée 1954 na pas seulement été marquée pour notre pays, par le drame du camp retranché mais également, à la fois, par la brève expérience du gouvernement de Mendès-France [1] , par les accords de Genève mettant fin aux combats de la guerre dIndochine et à la présence française en Extrême orient [2] en même temps que par les débuts sanglants de linsurrection algérienne.
Ce fut aussi un tournant institutionnel pour la IVe république, notamment du fait que les réformes mendésistes ne purent aboutir et que ce grand président du Conseil dut sen aller, après 7 mois de pouvoir, le 5 février 1955, laissant la place à une combinaison présidée par Edgar Faure [3].
On se souvient parfois de la législature élue le 2 janvier 1956 et on rappelle à son sujet lapparition éphémère du groupe poujadiste fort de 11,5 % des suffrages. On oublie le plus souvent que les gaullistes, qui prendront le pouvoir en 1958 n'avaient obtenu, deux ans avant le retour du général que 4,4 % des voix (contre 20,4 % en 1951). Mais en deux années, les humiliations successives et limpuissance à réformer, malgré la majorité dite de Front républicain, étaient parvenues à liquider la IVe république.
Or, après Diên Biên Phu et bien plus encore autour de lautomne 1956 commença à poindre le sentiment dun isolement terrible de la France après léchec de lopération franco-anglo-israëlienne de Suez et surtout après le bombardement de Sakkiet en février 1958. Le mot dordre devenait : "nous allons vers un Diên Biên Phu diplomatique". Cest ce sentiment de la situation qui amena le retour au pouvoir dun homme qui avait démissionné en janvier 1946 et quon croyait, peu de temps auparavant, définitivement installé au Musée Grévin.
On ignore aujourdhui si la crainte dun Diên Biên Phu économique et social se propagera. Et on peut encore moins prévoir quelles en seraient les conséquences institutionnelles.
Ce que lon peut dire assurément, en revanche, cest que les éléments objectifs en sont parfaitement réunis.
Inutile de rappeler trop longtemps les ingrédients du désastre économique et financier. Soulignons simplement aujourdhui la logique de toutes les décisions que le gouvernement de Paris va chercher, tant bien que mal, à faire rentrer dans les faits. Il sagit en effet dappliquer, malgré leurs imperfections, de nécessaires règles de gestions découlant des accords européens, et notamment du pacte de stabilité signé en 1997. Avec un déficit supérieur à 4 % de son PIB, les dirigeants actuels de lÉtat central français ont cessé de représenter une des nations pilotes de lEurope pour n'être plus considérés que comme une équipe de deuxième division. Le phare semble devenu lanterne rouge.
Or, toutes les réformes qui sont envisagées, sans panache certes, se trouvent enrayées par des forces syndicales conservatrices, dans la fonction publique, dans les personnels à statut privilégié, parmi les exécutants même de ce qui devrait être la "puissance publique".
M. Raffarin peut sans doute faire semblant de remettre à leur place, du moins à leur place imaginaire de la virtualité constitutionnelle, ses propres 43 ministres. Fictivement, sur le papier (article 20 de la Constitution de 1958), il "détermine et conduit la politique de la Nation". De même le chef de lÉtat est "le chef des armées" (article 15), etc.
Mais comme il ny a plus darmée, il ny a plus de chef, de même quand il ny a plus de politique et guère de nation, quimporte celui qui la conduit théoriquement ?
Rappelons à notre excellent Premier ministre en exercice, que jamais le rôle du chef de gouvernement na été aussi important que sous la IIIe république alors que la Constitution de 1875 ne prévoyait même pas lexistence dun président du Conseil. Quant à la Constitution de 1946, elle se proposait de renforcer le pouvoir exécutif : les textes furent impuissants devant le désordre des partis.
Aujourdhui, si lon doit essayer un parallèle on reconnaîtra que le désordre, la prolifération et la stérilité des bureaucraties syndicales vaut bien la nuisance des formations ingouvernables de la IVe république.
La IVe république était devenue ingouvernable après le vote de la Loi des 3B daide à lenseignement privé parce que le MRP (11,1 % des voix en 1956) et les laïcs radicaux, UDSR, etc. (13,5 %) ne pouvaient plus gouverner ensemble avec 25,9 % de voix communistes et 11,5 % de voix poujadistes. Le mode de scrutin de 1959 "gomma" durablement ce problème comme on cherche à "gommer" aujourd'hui la réalité du vote contestataire du 21 avril 2002.
La IVe république était paralysée dans ses dernières années par l'impossibilité de faire figurer dans une même équipe gouvernementale le MRP et la SFIO.
La situation actuelle se caractérise par l'impossibilité d'un consensus entre FO, évincée de l'assurance-maladie par le plan Juppé de 1996, et la CFDT interlocutrice privilégiée des réformes gouvernementales.
Et aujourdhui les vrais blocages et les vrais sabotages viennent essentiellement de la CGT.
Comme à lépoque de Diên Biên Phu, où les stalino-cégétistes sabotaient effectivement leffort de guerre français en Indochine, les cégétistes daujourdhui sabotent "socialement" la participation de léconomie française à la compétition mondiale.
La lutte a changé de visage, mais la trahison na pas changé de camp.
JG Malliarakis
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1. Rappel chronologique : Le gouvernement Laniel tombe le 12 juin, plus d'un mois après Diên Biên Phu. La chute du camp retranché le 7 mai n'est même pas la cause de la chute du gouvernement. Pierre Mendès-France est investi le 18 juin 1954. La conférence de Genève, ouverte depuis le 26 avril, aboutit à un accord d'armistice livrant Hanoï au Viet Minh le 21 juillet. Entre temps, le 10 juillet, les islamo-marxistes du CRUA (futur FLN) avaient décidé l'insurrection algérienne qui se déclenchera le 1er novembre.
2. qui remontait à Louis XIV.
3. investi le 23, après 18 jours de crise ministérielle.
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