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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

MERCREDI 12 MAI 2004

CRÉDIBILITÉ DE LA GOUVERNANCE FRANÇAISE ?

Un test simple : la carte vitale !

Ce n'est pas nous qui le disons c'est le ministre de la Santé, M. Douste-Blazy qui le déclare : la sécurité sociale est un "système menacé de faillite".

Ne soyons donc pas toujours négatifs, et encore moins sectaires. Tout n’est pas insignifiant ni dénué de pertinence dans le programme de réforme de l’assurance-maladie énoncé par M. Douste-Blazy (1). Hélas : ce qui est pertinent ne semble déboucher sur aucune mesure significative. Et ce qui paraît signifiant est entaché d’un vice fondamental de conception. En un mot comme en cent : il y a du bon et du nouveau mais ce qui est bon a déjà été dit, sans succès par le passé, et ce qui est nouveau se révèle très discutable.

"Notre objectif, dit-il, n’est pas de soigner le système mais de le guérir." Cette phase superbe devient même le titre de l’article. Mais aucun moyen sérieux ne vient au secours de cette noble ambition.

Indécrottablement poursuivi par sa pesanteur dialectique, M. Douste-Blazy préconise la création de "trois unions". On se propose de fondre les trois caisses nationales, — CNAM, Canam et MSA — en une seule. Ce sera : l’Union Nationale de l’Assurance-maladie, un peu plus monopoliste. Et celle-ci discutera avec deux corporations : l’Union des professions de santé et l’Union des "complémentaires". Comment se résoudront les conflits, d’intérêts et de conceptions, infracorporatifs et intracorporatifs, entre médecins, généralistes et spécialistes, pharmaciens, kinés, chirurgiens dentistes, infirmières libérales ? Qui arbitrera puisqu'ils seront supposés représentés par une même union ? Mystère.

On retiendra quand même un courageux diagnostic : "Ce qui nourrit le déficit, c’est la non-responsabilité globale du système et notre comportement collectif."

À l’appui de la démarche et annonçant la campagne de "responsabilisation" on saluera donc la prise de position inattendue de la Conférence des Évêques de France, en date du 8 mai, sur la nécessaire sauvegarde de l’assurance-maladie. Nous ne voudrions pas avoir l’air de vouloir faire du secrétaire général de la Commission sociale, le Père Turck, notre tête du même nom.

Aussi, ne soulignons-nous pas la platitude et l’apparente inutilité de ce document. La Commission sociale de l’épiscopat ne saurait nous décevoir. En revanche, le caractère inopiné de cette intervention correspond probablement à une convergence qui ne doit rien ni au miracle, ni à la qualité d’ancien maire de Lourdes de notre ministre. (2)

Or, depuis le 23 avril (3), nos gouvernants savent qu’il existe environ 10 millions de cartes Vitale surnuméraires. Parmi celles-ci, ce sont probablement 3 millions qui circulent au titre du "régime étudiant". Et on ne compte pas les utilisations abusives de cartes authentiques : c’est l’exemple donné par le ministre devant les écrans de télévision, celui d’un homme de 55 ans, atteint d’un cancer, et dont la carte servait à d’autres. Et on ne comptabilise "que" 250 000 cas d’utilisation frauduleuse "après opposition".

Cette faculté énorme de fraude était prévisible dès 1996. Et parmi ceux qui s’en rendaient alors compte figuraient les saboteurs habituels, gauchistes et cégétistes. Parmi leurs préoccupations que l’on connaissait alors figurait le souci de ne pas permettre le très dangereux fichage informatique des pathologies.

Vu du point de vue du salarié, et pas seulement du syndiqué à la CGT, mais aussi du travailleur indépendant, comment ne pas s’inquiéter de la possibilité d’identifier et de ficher, aussi bien le cas d’alcoolisme, de SIDA, de dépressions nerveuses, d’incarcération, d’hospitalisation, d'IVG, de MST, de TS, etc. et de pouvoir physiquement transmettre ces informations aux employeurs, aux organismes de crédits, aux propriétaires de logements, etc. avec les effets redoutables d’exclusion que l’on imagine.

N’oublions pas que la carte Vitale poursuit cette finalité, tout en prétendant restreindre l’information au seul médecin, et aussi, bien sûr, au "fonctionnaire insermenté". Le sabotage du système a enrayé le mécanisme mais le projet n’est pas encore à l’eau.

Reste donc à évaluer dans cette affaire précise la capacité de "gouvernance" du pouvoir français.

Ou bien la "gouvernance" est un mot totalement creux ou bien le concept doit s’exercer ici.

Nous ne pensons pas qu’il soit possible ni de réformer par l’apposition (grotesque) d’une photo dans les 2 ans, ni même de restreindre vraiment, durablement, la fraude à la carte Vitale. Au contraire, maintenant que tout le monde sait ce qu’il en est, et que tout le monde a compris que la fraude ne connaît guère de frein, ses effets quantitatifs vont s’accroître.

Pierre Mendès-France le disait : "plus les problèmes sont compliqués, plus les solutions sont simples."

La première réforme qui montrera éventuellement que M. Douste-Blazy est, ou serait, "crédible" (4) serait donc de couper court à cette fraude en supprimant la carte Vitale.

Une proposition amusante du Dr Douste-Blazy est aussi à retenir : "il faudra probablement associer usagers et malades à ces réflexions". Cela nous changerait en effet des échanges de vues, purement conventionnelles, entre bureaucraties syndicales, hauts fonctionnaires et responsables politiques, représentants théoriques de ces cochons de payants.

JG Malliarakis

©L'Insolent

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1. Dans son entretien au Monde au 30 avril

2. Nous invitons donc très ardemment nos lecteurs à prendre connaissance du texte, et pourquoi pas, à y répondre en participant au débat comme le suggère le site de l’épiscopat.

3. Date de la remise au ministre du rapport de l'IGAS

4. il emploie le mot crédibilité dans la déclaration suivante "La gravité de la situation impose un plan global de l'assurance-maladie, même s'il comporte plusieurs volets. Il doit apporter cohérence, cohésion et crédibilité à un système menacé de faillite." (Cf. Le Monde 30.4.04)

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