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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ
VENDREDI 14 MAI 2004
FAUT-IL EN RIRE OU EN PLEURER ?
Lorage constitutionnel qui sannonce
Ce 13 mai, à un mois du scrutin européen du 13 juin, se réunissait le 3e conseil des ministres franco-allemand, nouvelle formule de la coopération entre Paris et Berlin. Après des hauts et des bas, malgré un recul dintensité consécutif à lélection de M. Chirac en 1995 et à la défaite de Helmut Kohl en 1998, lapparence semble à nouveau celle dune entente intergouvernementale très forte entre nos deux pays. On peut même penser, maintenant, quil en sera ainsi tant que Herr Schroeder sera chancelier fédéral Outre-Rhin.
Cest, en réalité, contraints et forcés, que ces deux gouvernements sentendent. Des deux côtés du Rhin on a opéré les mêmes choix, non seulement sur la scène internationale (où le cas le plus spectaculaire a été leur condamnation convergente de lopération des USA en Irak) mais aussi sur le terrain de la politique industrielle et, surtout, vis-à-vis de lEurope des 25, où le couple franco-allemand voudrait bien conserver la suprématie exercée depuis les années 1960.
On doit tout dabord remarquer, malgré les déclarations démocratiques formelles, que les dirigeants européens se préoccupent fort peu des élections et des courants réels de lopinion populaire.
Léchéance électorale du 13 juin leur pose, à chacun, avant tout des problèmes de crédibilité interne : par exemple, un gouvernement de Paris qui a perdu 21 régions métropolitaines sur 22 en avril a besoin de se refaire une santé, etc.
Mais la question de savoir sil existera au parlement de Strasbourg une majorité composite (1) de centre-droit ou un fourre-tout vaguement social-démocrate demeure assez secondaire dans lesprit des gouvernants, dans la prose médiatique, et plus encore dans lâme de nos peuples.
Certes, des questions essentielles vont être évoquées. Essentielles parce quelles touchent à lessence, à lidentité, de lEurope : faut-il invoquer ou non les racines chrétiennes de lEurope ? Faut-il laisser ouverte lhypothèse dune adhésion turque à l'Union européenne ? Au moins sur ce terrain il existe de vraies passions. Mais lhonnêteté commande de remarquer quil ne se manifeste aucune urgence tout en considérant, de notre point de vue, que le plus tôt il sera dit un Non définitif à lentrée dun État asiatique, le meilleur ce sera (2).
Une urgence discrète existe en matière dharmonisation fiscale, cest vrai. Si à la date butoir du 30 juin, laccord pénible imposé à la Suisse (3) nest pas finalisé, on repart à zéro. Et tout, léchafaudage subtil monté avec pour résultat de favoriser la place de Londres dans la gestion des capitaux flottants, sous prétexte de sauvegarder lenfer fiscal français, sévanouira au profit dune vraie compétition où les banquiers hongrois, baltes, chypriotes ou slovaques viendront, heureusement, renforcer les rangs des concurrents de leurs correspondants londoniens ou luxembourgeois, et ceux des pays radicalement hostiles à la fiscalité de lépargne. Mais, de cette affaire, on ninformera le grand public quavec beaucoup de pudeur.
On est en revanche beaucoup plus coincé entre la publicité du débat, lurgence dune décision et limportance du sujet sagissant du projet de Constitution européenne.
Le problème comporte tellement dinconnues et déquations quon entend, de bonne foi et souvent intelligemment, en proférer les solutions les plus contradictoires.
Nous lavons écrit en son temps : le projet présenté en juin 2003 à Thessalonique par M. Giscard dEstaing, quoiqu'il soit présenté par certains comme un "moindre mal", nous paraît quand même entaché de quelques vices rédhibitoires.
En particulier laffirmation du Conseil européen comme instance souveraine enferme lEurope dans sa réalité dite intergouvernementale : cest lEurope des États que lon cherche à faire passer, très frauduleusement, pour celle des nations. Ce nest certainement pas lEurope des peuples, ni même celles des (véritables) élites. De plus, ce dispositif, hérité des pires travers de la construction imaginée dans les années 1950 par les technocrates, demeurera très infirme dans certains des domaines essentiels (selon nous) qui permettraient dassumer une plus grande émancipation européenne : diplomatie, défense, recherche, armement, etc. On continuera à gérer le calibrage des bananes et le prix des poireaux. On persistera à entretenir 25 représentations diplomatiques distinctes dans les républiques bananières dAmérique centrale et à assister, impuissants mais goguenards, à la marche du monde. Comme sil était besoin d'une contradiction supplémentaire, ce projet constitutionnel institue une vraie rivalité entre un "président de lUnion", nommé pour deux ans et demi et un président de la Commission, cependant quun fantomatique "ministre des Affaires étrangères" y fera figure délectron libre, succédant à lectoplasme Solana ancien secrétaire général de lOTAN devenu, dans lindifférence générale, "Monsieur PESC". Du beau travail constituant
Les deux gros États se sont donné une échéance très brève, le 30 juin au plus tard, pour faire avaliser ce projet par le Conseil européen.
Resterait alors à le faire entériner par les peuples ou, à défaut, à en imposer la ratification aux États.
Cest là que la grande affaire commence.
JG Malliarakis
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