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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

MERCREDI 19 MAI 2004

INSTITUTIONS EUROPÉENNES : UNE DANGEREUSE PARTIE D'ÉCHECS

Pour M. Straw l'intérêt de la Grande Bretagne passe avant celui de l'Europe

Pour M. Barnier l'urgence est d'adopter un Constitution…

Au moment où ces lignes étaient écrites, le conseil des ministres européen des Affaires étrangères se réunissait à Bruxelles, les 17 et 18 mai. Devant l'impasse des positions respectives, la présidence irlandaise a convoqué une nouvelle réunion pour le 24 mai. Le propos est de faire avancer le dossier d’un Traité constitutionnel destiné à mettre en ordre les institutions européennes. Celles-ci comme chacun le sait résultent aujourd’hui d’un empilement d’accords, échelonnés de 1957 à 2000, et qui ont vu "l’Europe" passer du Marché commun à l’Union européenne, venant même de la communauté européenne du charbon et de l’acier, et s’élargissant progressivement de 6 pays fondateurs à 25 États-Membres.

Tout cela pour dire que

À l’ouverture de la réunion, le 17 mai au matin, on recensait environ 40 points – en litige, dont 90 % sont considérés comme mineurs – cependant que 4 points importants sont objet de confrontation. Et ceci après 6 mois de travail de la présidence italienne, soldée par le constat négatif de décembre 2003.

La présidence irlandaise va s’achever le 30 juin. D’ici là, on [1] met une pression considérable pour convaincre les ministres des Affaires étrangères de préparer leurs chefs de gouvernements respectifs à conclure lors de la réunion qui se tiendra le 18 juin.

Lors du remaniement ministériel consécutif au désastreux scrutin des 21 et 28 avril, le chef de l’État français a pris soin de rappeler de son poste de commissaire européen M. Barnier [2] pour en faire un Ministre des Affaires étrangères. Il semble bien que la mission improbable – pour ne pas dire : impossible – qui lui est confiée serait de faire accepter :

On remarquera aussi que, depuis 3 ans, les instances de débats tendant à élaborer puis à ratifier ce projet de constitution se sont multipliées pour ne pas dire : égarées.

  1. On est d’abord parti de l’idée d’une Convention. À défaut de la mettre en place démocratiquement, on l’a construite de manière technocratique, "synarchique", à base de personnalités supposées représenter les pays, les institutions, la partitocratie, etc…
  2. Aussi, cette Convention s’est-elle heurtée au concept de CIG, Conférence Intergouvernementale, être hybride entre le Congrès de Vienne de 1814 et l’assemblée de Strasbourg d’avant 1979 – date clef qui décidé de son élection (funeste utopie) au suffrage universel – la CIG a échoué en novembre 2003 à Naples.
  3. Puis on a passé le relais à ce conseil des ministres européens, dédoublement à l’échelon ministériel du Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement inventé par Giscard (toujours lui) en 1974 et institutionnalisé par l’accord signé à Maastricht en 1991 [3].
  4. Mais depuis le constat d’échec de décembre 2003, c’est le Conseil européen qui manifestement est redevenu l’instance de décision : la future Constitution, typiquement "constructiviste", ne sera ni un produit de l’histoire, ni l’expression de la volonté des peuples européens – encore moins celle d’un hypothétique peuple européen unique. Ce sera donc un accord d’États, un Maastricht-bis, un traité supplémentaire provisoirement définitif.

Étrangement pourtant les enquêtes d’opinion prouvent que dans tous ces pays européens le désir d’une Constitution est fort : 77 % en moyenne sur l’ensemble de l’Europe, les taux les plus bas sont en Suède avec 59 % et en Grande Bretagne avec 51 % [4]. Les adversaires de la Constitution ne dépassent pas 15 % des Européens. Et, par ailleurs, sur les 25 pays, seule l’opinion publique de la Slovénie rejette majoritairement l’idée que pour aboutir à une Constitution européenne chaque pays doit accepter de faire des concessions nationales.

L’opinion populaire des Européens est donc plus raisonnable que la classe politique.

Par exemple, le ministre anglais des Affaires étrangères, M. Jack Straw, accusé par Joschka Fischer de pratiquer "la tactique du salami" pour faire avancer le point de vue de l’État qu’il représente a déclaré à la BBC le 18 mai que "le projet de Constitution était examiné dans ses moindres détails, jusqu’au moindre point sur les i et les barres de t" car "moi et mes collègues nous nous battons pour le bien de la Grande Bretagne". Et d’ailleurs, ajoute-t-il, "si la Grande Bretagne n’obtenait pas gain de cause sur les lignes rouges qu’elle a fixées, elle ne signera pas le Traité constitutionnel".

Les exigences anglaises portent sur la fiscalité, sur la politique étrangère, la justice et la défense et, si nous comprenons M. Straw, ou bien les conceptions de Londres l’emportent ou bien il n’y aura pas d’accord le 18 juin.

À Parme, le 14 mai, M. Romano Prodi, président de la Commission, a cru pouvoir faire un discours sur le "Printemps de l’Europe", et ceci malgré les désaccords qu’on lui connaît aussi bien vis-à-vis du projet Giscard que sur les lignes de forces de la politique britannique.

En ce jour ensoleillé, sur Paris et sur toute la France, on peut quand même se demander si la formulation emphatique de M. Prodi n'est pas un peu décalée.

JG Malliarakis

©L'Insolent

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  1. Le 28 janvier 2004, Michel Barnier, alors Commissaire européen responsable de la réforme des institutions avait cité, à ce sujet, devant le Parlement européen un proverbe disant que "par la rue de plus tard, on arrive à la place de jamais".
  2. Il a été remplacé à Bruxelles par "l’ectoplasme" Jacques Barrot, qui présidait le groupe parlementaire UMP
  3. Rappelons qu’il existe toujours un décalage entre la date de signature réelle d'un traité et celle de sa ratification officielle : nous préférons faire référence à la première date. Nous parlons alors de "l'accord signé à" Maastricht en 1991, le traité datant officiellement de sa ratification en 1992. Ainsi le traité de Rome a-t-il été signé, pour la France, par Maurice Faure en 1957. Sa ratification n'a été effective qu'après la prise du pouvoir par le général De Gaulle en 1958.
  4. Ce sondage d'opinion a été réalisé dans les 25 pays, entre le 14 et le 23 janvier 2004, dans le cadre de l'Eurobaromètre. "Plus des deux tiers des personnes interrogées s'attendent à une paralysie des institutions européennes en l'absence de constitution. Elles sont 62 % à souhaiter que leur pays fasse des concessions pour parvenir à un accord. Et 59 % sont d'accord pour que les États membres qui souhaitent approfondir leur coopération puissent le faire sans attendre tous les autres." Référence site officiel de la Commission Europa IP/04/216 du 17 février.

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