Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ... Accéder au Courrier précédent ... Utiliser le Moteur de recherche...

•...Pour commander le livre la Conquête de l'Espagne par les Arabes

BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

VENDREDI 28 MAI 2004

L’AVENIR D’UNE ILLUSION

Après sa reculade du 27 mai, M. Sarkozy est-il fini ?

En 1927, Sigmund Freud (1) père de la psychanalyse consacrait sous ce titre un livre à la critique de la religion judéo-chrétienne. Il s’attaquait ainsi à une tradition spirituelle et morale vieille de plus de 3 000 ans. Au sortir du XX siècle, il faut être bien myope pour ne pas se rendre compte des ravages accomplis par le reflux de cet héritage en Occident.

En dénonçant l’illusion récurrente de l’homme providentiel dans la vie politique française, depuis Bonaparte, nous ne pensons pas contribuer à une démolition de pareille ampleur.

Toutefois, comme on ne détruit que ce qu’on remplace, même s'agissant de nos chers dirigeants, on s’expose à toujours trouver pire. Depuis 30 ans, depuis Giscard, chaque président, chaque Premier ministre, successivement, est parvenu à faire regretter son prédécesseur. On est tombé de plus en plus bas. Les effets de cette pente sont terribles : ils peuvent encore s'aggraver

Depuis 2002, deux personnages venaient compenser, dans le gouvernement, actuel la piètre image que, manifestement (2), les Français se font du chef de l’État : ce fut d’emblée, pendant plusieurs mois, le chef du gouvernement, M. Jean-Pierre Raffarin, et, de manière plus durable, le ministre de l’Intérieur, M. Nicolas Sarkozy.

Au lendemain du scrutin régional des 21 et 28 mars, on a voulu considérer que la défaite de la droite était celle de Raffarin. L’astre de son numéro 2 l’avait définitivement distancé dans la course à la présidentiabilité en vue de la bataille de 2007.

Alors, la vieille murène de l’Élysée, pour une fois bien conseillée (3), sut tendre un vrai piège au vizir Iznogoud.

Il le nomma ministre des Finances (4).

Il y a certes beaucoup à dire sur cette nomination d’un homme présenté comme le sauveur de la droite. Ce n’est pas le premier guet-apens dans lequel les intrigues chiraquiennes l’ont attrait. La place Beauvau était déjà supposée l’engloutir, dans les diverses chausse-trapes de cet étrange tènement immobilier ramifiant vers la rue Cambacérès, la rue de Penthièvre et tous leurs vieux hôtels annexés, hérissés de tricolore. On allait bien voir ce qu’il allait faire dans les banlieues, dans l’organisation des cités ou même, flanqué de son astucieux complice Devedjian, aux collectivités locales.

Dans cette partie d’échecs, le Sarko a su sauver la mise. Il n'y est pas parvenu impunément, sacrifiant quelques pièces de sa réputation, instituant au profit de l’islamisme un statut fort dangereux d’État dans l’État, promettant plus qu’il ne pouvait tenir en matière de maintien de l'ordre, mais partant à temps. L'équipe Sarko, renflouée par toutes les brillantes individualités de son fief des Hauts-de-Seine, y compris M. Balkany, a su finalement renforcer sa position face à un chiraquisme déshonoré, face à son chef vieillissant et surtout, au sein d’une droite aux abois.

Aux Finances, la partie s’annonçait, dès le départ, plus complexe.

Toujours assisté du même sergent, voilà notre chevalier du Temple (5) en charge de l’économie française.

Cette terrible mission saisit le petit homme comme le mort saisit le vif.

La citadelle de Bercy n’a cessé de considérer ses ministres, en effet, seulement comme de vagues exécutants de la volonté des bureaux. Les vrais patrons y sont les quelques maîtres d’arrogantes Directions. Les inspecteurs des Finances parisiens s’y entradmirent en contemplant collectivement leurs nombrils. Le locataire en titre de la fonction gouvernementale a certes le droit d’occuper la loge du concierge, et le petit Nicolas ne s’est pas fait faute d’attribuer celle-ci à une alliée de sa tribu, dans le but évident de faire parler de lui dans le Canard Enchaîné.

Dans l'esprit des technocrates de Bercy, il échoit simplement au politicien de service le droit et l'obligation de communiquer sur les oukases de l'administration.

Mais pour ce qui est d’imposer une volonté politique, notre homme a encore beaucoup de chemin à parcourir, à supposer qu’il le désire.

Tous les grands dossiers traités en quelques semaines ont en effet dénoté un retour de la France aux pires époques de sa désastreuse et arrogante technocratie.

On a assisté d’abord à un moment d’affolement face à des impératifs, une fois de plus trop mollement rappelés hélas, par la Commission de Bruxelles. Le désastreux déficit français, s’amplifiant tendanciellement, comme inexorablement, depuis 10 ans, alors que les pays les plus inattendus ont rétabli leurs finances publiques, dépasse désormais les 4 % du PIB.

Cette aberration est la conséquence des dépenses sociales, de la redistribution et des subventions : c’est cependant au budget de la défense nationale, parent pauvre des arbitrages gouvernementaux depuis quelque 40 ans, que l’on décidait de s’en prendre.

Tout est donc fait pour flatter la gauche.

Vaincus et discrédités par les sabotages des festivals de l’été 2003, les gens de la CGT Spectacle, prétendant parler au nom des "intermittents", ont repris du poil de la bête à l’occasion du festival de Cannes.

Les comptes de l’UNEDIC sont déficitaires de plusieurs milliards d’euros ? Qu’importe ! La "justice", c'est-à-dire la magistrature syndiquée, fait obligation de réintégrer les "recalculés" dans des droits collectifs. Or, ces droits sociaux sont autant de créances, proportionnelles certes, à calculer sur un déficit. Ils ont donc, en toute logique solidaire, une valeur négative.

On objectera, avec quelque raison, que tout cela échappe à la responsabilité personnelle de M. Sarkozy. Les ministres en charge de ces affaires s'appellent M. Donnedieu de Vabres, de passage à la Culture, ou un M. Borloo annonçant que l’on cesserait désormais d’expulser les "locataires de bonne foi". Quant aux folies de la magistrature, il serait injuste d’en tenir le garde des Sceaux lui-même pour responsable.

On n'a pas entendu dire cependant que l'homme providentiel, le sauveur promis à la droite, ait manifesté, dans ces diverses affaires, sinon une velléité salvatrice, du moins une analyse prophétique de la catastrophe qui se prépare pour la France.

Dans ces conditions, on jugera plus légitimement M. Sarkozy sur ses interventions.

Dans l’ordre budgétaire, c’est un mauvais point que de n’avoir pas réaffirmé la priorité aux tâches régaliennes.

La première des "cohésions sociales" c’est l’intégrité des frontières, la sécurité intérieure, l’efficacité des alliances.

La plus convaincante des "éducations nationales" c’est la cohérence, pédagogique par l’exemple, de l’action publique.

Dépenser 104 milliards d’euros dans un système éducatif en faillite, c’est investir à fonds perdus dans un avenir qui ne peut, de la sorte, que s’assombrir. Mais là encore, le ministre s’appelle Fillon, pas Sarkozy.

Or, deux séries de dossiers en deux mois ont donné au ministre Sarkozy et à son acolyte de l’Industrie l’occasion de donner leur mesure.

Il y a d’abord eu ces deux affaires : la fusion projetée de Sanofi-Aventis et le sauvetage d’Alsthom.

Dans les deux cas, on a vu le retour de ce qu’on appelle le volontarisme industriel et de la pernicieuse théorie des "champions". Cette mégalomanie de la technocratie française perd de vue un critère essentiel de toute entreprise, grande ou petite, qui s’appelle la rentabilité. M. Sarkozy a fait le choix du mécano gigantiste : c’est une régression considérable dont le contribuable payera l’addition et dont la compétitivité de la France, déjà largement entamée, fera les frais.

Deuxième mauvais point : le dossier EDF-GDF. En annonçant sur France 2, qu’il passerait de 51 à 70 %, la part de l’État dans l’entreprise statutairement normalisée, mais aucunement privatisée, M. Sarkozy capitulait au soir du 27 devant ce qui est présenté abusivement comme une protestation populaire (6).

Plus grave d’ailleurs était la concession initiale de limiter à 49 % dans la première mouture du projet la part du capital privé dans EDF et GDF. C’était faire une concession majeure à l’idéologie étatiste. C’était accepter l’idée que le courant électrique et le gaz sont meilleurs et moins chers quand ils appartiennent à l’État et qu’ils sont gérés par ce monopole historique.

Soyons honnêtes avec MM. Sarkozy et Devedjian. Ce n’est pas eux, c’est le Premier ministre, qui a "communiqué" sur l’affreuse démagogie du "tarif social de l’électricité" (7). Comme si ce gadget redistributif trompait l’opinion ! Il y aurait à redéfinir le concept de "solidarité gouvernementale".

Croire en la libre entreprise, ce n’est pas vendre par petits morceaux des monopoles publics à des investisseurs institutionnels.

Croire en la liberté, ce n’est pas capituler devant quelques milliers de privilégiés du droit du travail rameutés par la CGT.

Croire en l’avenir du pays ce n’est pas ressortir les vieux dossiers des bureaux de Bercy.

"L’illusion" a encore plusieurs années devant elle, ce n’est que trop clair.

Mais une certaine loi naturelle découverte par Newton fait que la pomme ne reste pas éternellement sur le pommier. On la cueille à temps et elle est utile. Ou bien elle tombe, et elle pourrit. Inutilement.

JG Malliarakis

©L'Insolent

Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ...Accéder au Courrier précédent ... Utiliser le Moteur de recherche

  1. Nous nous situons aux antipodes de l'athéisme, dont ce livre est un brillant manifeste ("Le fondement rationnel de l’interdit du meurtre, écrit-il, nous ne le communiquons pas, mais nous affirmons que c’est Dieu qui a édicté l’interdit.")... Dostoïevski nous semble y avoir répondu à l'avance : "Si Dieu n’existe pas, tout est permis".
  2. Le sondage à balles réelles du 21 avril 2002 nous semble, à cet égard, sans appel.
  3. On remarquera que, depuis 40 ans, M. Chirac n’est habile que dans le métier de destructeur de la droite.
  4. Sa fonction officielle est d'être ministre "de l'Économie et des Finances". On a inventé, par ailleurs, un concept protocolaire de gens qui sont appelés "Ministre d'État". De tels ministres sont d'une essence certainement supérieure à celle des autres. Mais ce titre ronflant peut être donné au titulaire des maroquins les plus variés. Dans le gouvernement précédent, M. Sarkozy était le numéro 2 (ex aequo avec François Fillon) sans être affublé de cette mention dérisoire.
  5. Certaines méchantes langues pensent que, chassant Francis Mer, ce sont les chevaliers d'industrie qui ont, de la sorte, succédé aux capitaines d'industrie.
  6. Il y a eu, ce jour-là, 40 % de grévistes, taux en recul de 6 points par rapport aux 46 % du 8 avril, et on a constaté une mobilisation beaucoup moins forte qu’on a bien voulu le dire. Toute la journée du 26, on avait annoncé "80 000" manifestants pour le lendemain. Ce chiffre de 80 000 a été diffusé, maintenu constant par la CGT, toute la journée. Pourtant le 27 mai, à 13 h 33, l’AFP parlait de 40 000 à 50 000 personnes place de la Bastille. Et sauf erreur, il n’y avait que 300 cars de manifestants loués par les organisateurs. Un car cela transporte 55 personnes. Pas une de plus, sinon le chauffeur. Je laisse aux inspecteurs des Finances le soin de faire le calcul.
  7. M. Raffarin a signé le 8 avril un décret instaurant un "tarif social d'électricité" en faveur de 1,6 million de foyers modestes. Et il a cru bon d'en faire un argument de propagande lors de la séance des questions à l'Assemblée nationale. Cette opération correspond exactement à la revendication dialectique de la CGT pour enrayer la privatisation. Jamais un gouvernement de gauche n'était tombé dans un tel panneau, typiquement communiste.

Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ... Accéder au Courrier précédent ... Utiliser le Moteur de recherche

• Vous pouvez aider l'Insolent ! : en faisant connaître notre site à vos amis • en souscrivant un abonnement payant