La provocation de M. Noël Mamère, haineux petit gauchiste agressif propulsé à la mairie de Bègles par les magouilles du parti se réclamant de lécologie, a au moins un mérite.
Elle va, évidemment, un peu au-delà du degré de moisissure auquel les Français sont accoutumés.
Les définitions légales et lexicographiques du mariage se limitent au cas universellement connu dun homme et une femme. Toute autre hypothèse est tellement absurde quen effet les articles 144 et suivants de notre bon vieux Code Civil, dont le mariage fait lobjet du Titre Cinquième, 85 articles et 54 pages dans l'édition Dalloz, ne lévoque pas.
Cest sur cette absence de référence que se fonde Mamère, contre lavis du procureur de la république, du Larousse et du bon sens.
De la sorte, M. Mamère suscite une vocation, trop rare en général chez les réactionnaires, de gens qui réagissent effectivement à la pratique décadentielle quil incarne.
Jajoute que cette protestation me semble plus nécessaire quune sanction pénale.
Car la loi française, qui punit le prêtre procédant à un mariage religieux en labsence dun mariage civil, na rien prévu pour la pantomime grotesque de lunion de deux pauvres folles.
Et cest tant mieux car ce qui est infiniment nécessaire, c'est de réveiller la conscience sociale et den finir avec lendormissement des braves gens confiants dans lintervention des gendarmes, et à défaut des Tuniques bleues de la cavalerie des États-Unis.
Dans un très remarquable article de la revue Permanences (1), M. Jacques Trémollet de Villers, qui est à la fois un grand juriste et un chrétien engagé, en appelle lucidement au réveil du courage. Il faudrait citer entièrement ce texte admirable suscité par la provocation de Bègles : c'est un véritable réquisitoire contre la lâcheté et linaction.
Un point cependant, dans le raisonnement de Jacques Trémollet me laisse perplexe.
À juste titre, il fustige le caractère antichrétien de lopération. Je serais tenté même daller plus loin. Lunion légale homosexuelle nest pas seulement contraire à tout lhéritage judéo-chrétien de lOccident : sa légalisation est une manifestation explicitement hystériquement sataniste, un retournement méphitique de linstitution sociale du mariage. De ce fait, il sapparente au "mariage simulé", lequel est juridiquement nul, "faute de consentement"(2). C'est une insulte au mariage parce que c'est, délibérément, une nouvelle agression contre la famille.
Sans aller plus loin, mon interrogation porte donc sur la question posée par Jacques Trémollet à ses coreligionnaires chrétiens : "Ne sommes nous pas la majorité ?"
Si lon entend par chrétiens le nombre des baptisés, certes, en France, la majorité des citoyens a reçu le baptême et je commettrais une grave transgression de mes propres convictions en considérant comme insignifiant ce sacrement.
En revanche, si jobserve la pratique religieuse, jinvite Jacques Trémollet à considérer les statistiques froides de lUnion européenne. En retenant pour critère le nombre dEuropéens qui assistent à un culte chrétien au moins une fois par mois, la France est un des pays où les pratiquants sont les moins nombreux : 12 % contre 9 % en Suède, mais une majorité dans divers pays catholiques comme lItalie (53 %), la Pologne (78 %), lIrlande (67 %), la Slovaquie (50 %), le Portugal (51 %), etc. (3)
Le concept de "fille aînée de lÉglise" ne peut être invoqué quà titre de courtoisie, sagissant de la France. Il y longtemps d'ailleurs que Jean-Paul II apostrophait ce pays en disant : Quas-tu fait des promesses de ton baptême ? Jacques Trémollet ne lignore pas (4).
De la sorte, il nest pas possible aujourdhui de mener une bataille pour lordre civil en faisant appel à une "majorité" chrétienne, tout simplement parce que cette majorité nexiste plus.
Elle nexistait pas, faut-il le rappeler, il y a exactement un siècle au moment de la grave crise qui eut pour aboutissement la Loi de Séparation.
Rappelons en effet que les élections successives de 1898, 1902, 1906, 1910 et 1914 virent toutes la victoire des coalitions de gauche et la consolidation des radicaux (5).
À linverse, dailleurs, les nationalistes (6) virent leur nombre décliner : ils sont 48 en 1902, 30 en 1906, 19 en 1910 sous le nom de groupe des droites, 15 en 1914, sur une Chambre comptant entre 585 et 601 députés.
De même, lAction libérale, le petit parti catholique, hostile au laïcisme mais "rallié" aux institutions républicaines, comptera 32 députés en 1910 et 23 en 1914 (7). Lhistoire de la IIIe république montre clairement que la France a cessé dêtre majoritairement chrétienne, en gros à partir de 1877 (8).
Cela est si vrai que Charles Maurras, à partir de 1899 imaginera de lancer son uvre de restauration nationale sur la base de ce quil appelle le "compromis nationaliste" (9) et dune épistémologie sociale quil appelle "empirisme organisateur". Malgré ses convergences très fortes avec une partie des chrétiens, avec bon nombre de jésuites ou de thomistes, il demeurera très longtemps lui-même un agnostique saluant "lÉglise de lOrdre" (10). On prendra prétexte des relents de nostalgie pour le paganisme antique pour le faire mettre à l'Index par le Vatican de 1926 à 1939 (11).
Jai bien peur quaujourdhui les choses ne soient encore plus "radicales". La défense de la liberté et du droit des familles françaises est une cause sociale. Certes les chrétiens ont le devoir de sy investir. Les catholiques devraient le rappeler fortement à leurs évêques.
Mais en fait, tous les Français doivent y concourir, en dehors de toute considération religieuse.