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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

LUNDI 5 JUILLET 2004

TOURNANTS EUROPÉENS OU ORNIÈRES SOCIALES FRANCO-FRANÇAISES ?

Ne les multiplions pas inutilement, sous peine de tourner en rond tels les deux Dupondt dans le désert… Veut-on revenir à la case Jospin ?

Dans Le Figaro, ce 30 juin, Mme Béatrice Taupin nous assurait que nous assistons au "tournant social du gouvernement Raffarin III" et on ne saurait trop dire, en effet combien la dangereuse rhétorique du plan Borloo dit de cohésion sociale annonce d'ambiguïtés.

Qu’exprime donc cette idée, ce slogan, de cohésion sociale dans un contexte européen sinon une nostalgie égalitaire d’origine jacobine, dans l’image utopique de laquelle les Français seraient tous réputés égaux entre eux, quitte à sombrer, en fait, tous ensemble dans la compétition internationale ?

Nous nous situons sans doute à un tournant et le dossier des diverses réformes qui se dessinent, avec deux ans de retard, montre en effet combien cruciaux seront les choix idéologiques dans lequel le gouvernement va devoir se situer clairement dans un camp ou dans un autre : celui de la diversité créatrice et de l’initiative individuelle ou bien celui de l’uniformité réputée républicaine, de la réglementation administrative et de la programmation étatique. Qu’on baptise cela libéralisme, d’un côté, ou socialisme de l’autre, est une question de vocabulaire. Le fait est qu’il n’y a pas, ici, de moyen terme (1) entre les deux cheminements. Il est des circonstances dans lesquelles il faut savoir faire abstraction des orientations purement idéologiques, mais il en est d’autres où la vérité ne peut pas cohabiter avec l’erreur.

M. Raffarin s’est dit désireux d’affronter la gauche 2007, sur la base d’un bilan. Après 25 mois de présence au gouvernement, il serait temps d’y songer.

Nous avons grand peur que l’accumulation d’un calendrier de réformes qui n’ont été ni vraiment préparées ni vraiment pesées, encore moins radicalement envisagées du point de vue de la liberté, ne conduise en fait à des désastres.

Prenons par exemple la transformation du statut d’EDF : n’est-il pas un peu surprenant de la voir mise en place à la veille d’une hausse de tarifs dont même la SNCF se plaint, elle qui va devoir supporter une augmentation de sa facture à hauteur de 49 %. Le président de la SNCF, M. Gallois gère cette mauvaise nouvelle comme un chef d’entreprise normal. Il va faire appel à la concurrence, diversifier son approvisionnement, etc. Mais le grand public, lui, va recevoir cette information de la hausse des tarifs comme une conséquence du changement de statut. À force de ne fréquenter que des Sellière et des Devedjian, M. Sarkozy perd de vue que l’information économique des Français et leur culture d’entreprise se résument pour les "élites"à la lecture du monde et pour les autres, notamment les jeunes et les étudiants, à ce que véhiculent des publications comme Alternatives Économiques, unique journal économique recommandé aux lycéens qui apprennent ce qu’ils croient être l’économie. La dernière livraison (3) titre, comme par hasard : "Téléphone, électricité, assurance-maladie : Pourquoi la Concurrence coûte cher ". Et ils auront ainsi le sentiment rassurant d’avoir compris avant les autres tout le mal que contient l’idée de privatisation, ou même de changement de statut à EDF et Gaz de France.

Il y a donc bien un tournant, par conséquent, mais encore faut-il ne pas les multiplier inutilement sous peine de tourner en rond comme les deux Dupondt dans le désert, et l'aborder de manière correcte, afin de ne pas sombrer dans l'ornière de notre inadaptation au monde qui change. Le pays ne veut pas revenir à la case Jospin !

Car le monde change autour de ce pays qui fait du surplace.

Que nous soyons, par ailleurs, à un tournant de la vie des institutions européennes, il est vraiment difficile d’en douter.

La nomination in extremis de M. Barroso par le Conseil européen sous présidence irlandaise n’est pas seulement une sorte de victoire pour les États plus petits. Après tout, le grand-duché de Luxembourg a déjà exercé la présidence de la Commission européenne et M. Santer a préféré conserver son rôle de Premier ministre chez lui plutôt que de rempiler dans une fonction qu’un scandale artificiel (4) avait interrompue.

Plus significatif nous semble le fait que pour la première fois depuis 1957 la commission sera présidée par un ressortissant extérieur aux Six pays fondateurs de ce qu’on appelait alors la Petite Europe.

Pour la première fois ce n’est pas le candidat du couple franco-allemand qui s’est imposé mais plutôt celui de l’Angleterre (déjà la nomination de Romano Prodi et même celle de Santer résultaient d’un compromis).

Le gouvernement français esquisse un rapprochement avec Berlusconi. Ne boudons pas notre satisfaction sur le principe. Nous devons le saluer aussi bien du point de vue des indispensables coopérations franco-italiennes et que vis-à-vis d’une coalition gouvernementale transalpine, très décriée par la gauche française, et dont nous avons pu observer depuis 2001 qu’elle a rendu d’incontestables services (5). Mais une fois de plus, le revirement de M. Chirac, jusqu’alors très réticent à l’égard des droites italiennes, intervient au plus mauvais moment. Nous en sommes au stade où l’alliance des quatre partis de droite et de centre droit, apparaît en pleine crise. Cela se produit après quelque 30 questions de confiance au parlement italien et 36 mois de fonctionnement. Une telle durée constitue certes un record depuis 1946. Toujours est-il que le conseil des ministres européens de l’Économie et des Finances de ce 5 juillet se déroulant en l’absence de M. Tremonti démissionnaire s’apprête à sanctionner l’Italie et 7 autres pays dont les taux de déficits sont très inférieurs, soulignons-le en passant, de ceux de la France et de l’Allemagne.

On n’en tirera pas de conclusions trop hâtives : en réalité le vrai changement d’orientation de l’Europe est plutôt à attendre après les élections allemandes. Si, comme on peut le présumer aujourd’hui, Herr Schröder se trouve renvoyé à ses chères études et la coalition de droite qui lui succédera trouvera vite le moyen de contrebalancer la relation franco-allemande par une entente équivalente germano-britannique. Alors, les Français mesureront les conséquences de l’arrogance, de la frivolité et de l’inconstance chiraquiennes.

Nous n’en sommes pas encore tout à fait là.

Le changement qui va intervenir en Europe, pas seulement du fait de la Constitution, mais aussi du fait de la modification des rapports d'influence risque fort de se traduire par une plus forte compétition entre les pays, au détriment ceux dont le tribut administratif, social et fiscal est le plus lourd. C'est la conséquence directe de la victoire de la thèse anglaise sur la compétitivité en matière fiscale sur la thèse technocratique et sociale démocrate franco-allemande de "l'harmonisation".

Tout change visiblement dans le monde, sauf hélas l'impéritie de nos dirigeants.

JG Malliarakis

©L'Insolent

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  1. On peut et l’on doit accepter dans certaines circonstances l’idée de Troisième Voie, à laquelle j’ai consacré plusieurs années d’engagements. Ce n’est pas la même chose que l’idée de convergence entre le libéralisme et le socialisme, ou encore moins la notion d’un "moyen terme"négocié au sommet entre managers de l’économie capitaliste vaguement privée et souvent monopoliste, et technocrates d’une économie réputée de service public où s’engouffrent les représentants d’une nouvelle économie accaparée. Je tiens à redire que cette "Troisième voie"n’a jamais été qu’une modalité de la libre entreprise. Elle se révèle même à certains égards la modalité la plus radicalement attachée à la cause des petites unités de production : de ce point de vue, et de ce point de vue seulement, l’idée demeure pertinente, et elle l’est même plus que jamais.
  2. Ce 29 juin 2004 sur Europe N° 1.
  3. N° 227 juillet-août 2004.
  4. L’affaire Cresson, aujourd’hui réduite à sa dimension cancanière, avait provoqué en 1999 la démission collective de la Commission Santer, équipe qui était considérée comme de centre droit, et qui fut remplacée par la Commission Prodi, de centre gauche et dont le mandat vient de se terminer.
  5. Tout en étant très critiquable, notamment du fait de l’attitude très désinvolte du président du Conseil italien vis-à-vis de l’Europe qu’il propose d’étendre à des pays non-candidats comme la Russie ou Israël, et "bien entendu" à la Turquie.

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