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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

LUNDI 12 JUILLET 2004

UNE CAMPAGNE PROTECTIONNISTE AU FIGARO

Une bonne ration de péril jaune et d'industrie textile…

Dans son édition des 10 et 11 juillet, Le Figaro Économie sert à ses lecteurs sur fond orange une bonne ration de péril jaune.

Il y a 30 ans, on se préoccupait ainsi de l’ascension industrielle du Japon. Aujourd’hui la mode est aux importations chinoises.

En page II de ce cahier saumon, c’est la "chevauchée européenne des fabricants chinois de moto". Car, nous dit-on : "les constructeurs de l’empire du Milieu réalisent déjà 47 % de la production mondiale. Est-ce à dire, alors, que le péril en deviendrait redoutable pour l’industrie française ? On en mesurera le poids en sachant, à la fois le nombre des immatriculations en France en 2003 : en tout 176 000, avec encore une toute petite part de marques chinoises (Jialing, Chunlan et Zhongshen), dont le principal importateur pour objectif de passer de 741 deux-roues vendus en 2003 à 1 600 en 2004 (1). On remarquera en comparaison, dans le seul secteur des 80 à 120 cm3, que la marque française Peugeot est passée de 3 600 en 2002 à 3 800 en 2003. Est-ce là un recul ? La menace semble plutôt viser les gros fabricants japonais (Yamaha, Honda, Suzuki, Kawazaki) dont les immatriculations représentent plus de 50 % du marché français. Il est d’ailleurs à noter que la doctrine japonaise semble être de répondre à la concurrence chinoise par des gains de productivité, plutôt que par des mesures protectionnistes.

En réalité, la grande préoccupation du protectionnisme industriel français fait mine de se concentrer sur le remarquable essor du textile chinois, essor à la fois quantitatif et qualitatif. Cette évolution est soulignée en première page du cahier "éco" par un beau graphique de couleur bleue, tranchant harmonieusement sur le fond orangé. Il est supposé retracer l’explosion "irrésistible" des importations d’habillement de l’Union Européenne en provenance de Chine, qui sont passées de 6,5 milliards d’euros en l’an 2000, à 9 milliards d’euros en 2003.

Un gros titre de première page vient commenter ce graphique : "Un tiers des emplois du textile français, dit le journal, sont menacés". Ce serait évidemment terrible si l’industrie de la fabrication textile était encore en France une activité fondamentale. Mais en fait elle utilise aujourd'hui les services de seulement 184 000 salariés.

Depuis des années, la production textile française ne cesse de se délocaliser. Mais l’Union des industries textiles continue de disposer d’une influence considérable dans les préoccupations de l’État. Par exemple, c’est le représentant de l’UIT, M. Jollès qui fut pendant les années 1990, et singulièrement à l’époque du plan Juppé, le porte-parole du patronat dans les instances de l’assurance-maladie. La grande idée de transfert des charges, afin de soulager les "industries de main-d’œuvre", correspondait à une doctrine triplement protectionniste. On imaginait alors, on imagine encore, protéger simultanément nos industries, protéger notre merveilleux système social, — lui aussi "protecteur" — et enfin protéger les emplois (2).

Aujourd’hui, la grande figure de l’UIT est celle de M. Guillaume Sarkozy. Il répond, à fleurets mouchetés, dans un débat, publié en page III du même cahier saumon, au camarade Christian Larose, représentant nommé par la CGT au Conseil économique et social. Le lecteur attentif du Figaro pourra certes remarquer certaines divergences entre les positions patronales et cégétistes.

Et l’article laisse même dire à M. Guillaume Sarkozy deux ou trois choses justes.

Mais, sur le fond, la question est posée en termes identiques de "chute des emplois" en France dans le secteur textile et habillement, et "invasion des vêtements chinois". Quand le cégétiste de service déclare : "il faut arrêter ce marché de dupes où l’on vend des Airbus et où l’on accepte d’être payé en vêtements", l’absurdité de son propos n’est pas relevée.

M. Guillaume Sarkozy lâche cette phrase inquiétante et révélatrice : "Nous avons besoin du Maghreb comme l’Allemagne a besoin des pays de l’Est. Bruxelles doit le comprendre, ajoute-t-il" et "l’alliance du patronat et des syndicats est un atout considérable pour IMPOSER cette idée."

Vous avez dit IMPOSER ?

Quelle idée M. Guillaume Sarkozy entend-il IMPOSER en accord avec la CGT ?

JG Malliarakis
©L'Insolent

(1) Cet objectif représente donc presque 1 % du marché…

(2) Dans la poliorcétique française, cette stratégie purement statique a donné les résultats que l’on sait sur la Ligne Maginot en 1940 et dans le camp retranché de Diên Biên Phu en 1954.

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