BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ
Dans son édition des 10 et 11 juillet, Le Figaro Économie sert à ses lecteurs sur fond orange une bonne ration de péril jaune.
Il y a 30 ans, on se préoccupait ainsi de lascension industrielle du Japon. Aujourdhui la mode est aux importations chinoises.
En page II de ce cahier saumon, cest la "chevauchée européenne des fabricants chinois de moto". Car, nous dit-on : "les constructeurs de lempire du Milieu réalisent déjà 47 % de la production mondiale. Est-ce à dire, alors, que le péril en deviendrait redoutable pour lindustrie française ? On en mesurera le poids en sachant, à la fois le nombre des immatriculations en France en 2003 : en tout 176 000, avec encore une toute petite part de marques chinoises (Jialing, Chunlan et Zhongshen), dont le principal importateur pour objectif de passer de 741 deux-roues vendus en 2003 à 1 600 en 2004 (1). On remarquera en comparaison, dans le seul secteur des 80 à 120 cm3, que la marque française Peugeot est passée de 3 600 en 2002 à 3 800 en 2003. Est-ce là un recul ? La menace semble plutôt viser les gros fabricants japonais (Yamaha, Honda, Suzuki, Kawazaki) dont les immatriculations représentent plus de 50 % du marché français. Il est dailleurs à noter que la doctrine japonaise semble être de répondre à la concurrence chinoise par des gains de productivité, plutôt que par des mesures protectionnistes.
En réalité, la grande préoccupation du protectionnisme industriel français fait mine de se concentrer sur le remarquable essor du textile chinois, essor à la fois quantitatif et qualitatif. Cette évolution est soulignée en première page du cahier "éco" par un beau graphique de couleur bleue, tranchant harmonieusement sur le fond orangé. Il est supposé retracer lexplosion "irrésistible" des importations dhabillement de lUnion Européenne en provenance de Chine, qui sont passées de 6,5 milliards deuros en lan 2000, à 9 milliards deuros en 2003.
Un gros titre de première page vient commenter ce graphique : "Un tiers des emplois du textile français, dit le journal, sont menacés". Ce serait évidemment terrible si lindustrie de la fabrication textile était encore en France une activité fondamentale. Mais en fait elle utilise aujourd'hui les services de seulement 184 000 salariés.
Depuis des années, la production textile française ne cesse de se délocaliser. Mais lUnion des industries textiles continue de disposer dune influence considérable dans les préoccupations de lÉtat. Par exemple, cest le représentant de lUIT, M. Jollès qui fut pendant les années 1990, et singulièrement à lépoque du plan Juppé, le porte-parole du patronat dans les instances de lassurance-maladie. La grande idée de transfert des charges, afin de soulager les "industries de main-duvre", correspondait à une doctrine triplement protectionniste. On imaginait alors, on imagine encore, protéger simultanément nos industries, protéger notre merveilleux système social, lui aussi "protecteur" et enfin protéger les emplois (2).
Aujourdhui, la grande figure de lUIT est celle de M. Guillaume Sarkozy. Il répond, à fleurets mouchetés, dans un débat, publié en page III du même cahier saumon, au camarade Christian Larose, représentant nommé par la CGT au Conseil économique et social. Le lecteur attentif du Figaro pourra certes remarquer certaines divergences entre les positions patronales et cégétistes.
Et larticle laisse même dire à M. Guillaume Sarkozy deux ou trois choses justes.
Mais, sur le fond, la question est posée en termes identiques de "chute des emplois" en France dans le secteur textile et habillement, et "invasion des vêtements chinois". Quand le cégétiste de service déclare : "il faut arrêter ce marché de dupes où lon vend des Airbus et où lon accepte dêtre payé en vêtements", labsurdité de son propos nest pas relevée.
M. Guillaume Sarkozy lâche cette phrase inquiétante et révélatrice : "Nous avons besoin du Maghreb comme lAllemagne a besoin des pays de lEst. Bruxelles doit le comprendre, ajoute-t-il" et "lalliance du patronat et des syndicats est un atout considérable pour IMPOSER cette idée."
Vous avez dit IMPOSER ?
Quelle idée M. Guillaume Sarkozy entend-il IMPOSER en accord avec la CGT ?
(1) Cet objectif représente donc presque 1 % du marché
(2) Dans la poliorcétique française, cette stratégie purement statique a donné les résultats que lon sait sur la Ligne Maginot en 1940 et dans le camp retranché de Diên Biên Phu en 1954.
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