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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

MERCREDI 1er SEPTEMBRE 2004

L'AUDACE soudaine du gouvernement raffarin

Le gouvernement actuel soutient tout ce qui tombe

(ci-dessus M. Raffarin pose, souriant, aux côtés de Mme Comparini ex présidente du Conseil régional Rhône Alpes)

Le gouvernement de Paris n'aura donc pas attendu longtemps, qu'on se le dise pour répondre à l'angoissante constatation d'Ernest-Antoine Seillière. En deux années, les trois équipes successives réunies, nominalement, autour de Jean-Pierre Raffarin, n'avaient déplorait-il le 30 août à Jouy-en-Josas, "rien fait pour les entreprises". Ce triste constat alimente la déception de tous ceux qui ont cru que l'UMP balayerait les nuisances héritées de 5 années d'un interminable gouvernement Jospin, relayant 2 fois 7 ans de malheur Mitterrand, sans parler de l'ère Juppé.

À la a 28e lune du deuxième règne de l'inoxydable Jacques Chirac, le Premier ministre a donc fait savoir qu'il envisageait généreusement de spprimer, sur deux exercices au lieu de trois, la surtaxe instaurée provisoirement en 1995, par son glorieux prédecesseur Juppé, sur l'impôt sur les sociétés. Elle disparaîtrait ainsi en 2006 au lieu de 2007, alors même que le ministère des finances ainsi que l'organisation patronale souhaiteraient la voir éliminée dès 2005.

Quelle audace soudaine !

Cette audace imprévue, d'ailleurs poussée par une trop évidente situation de désenchantement des chefs d'entreprises français (1), doit tout de même être ramenée à sa juste proportion. Aujourd'hui le taux de l'impôt sur les sociétés, surtaxe comprise, est en France de 35,4 %. Demain, on nous annonce qu'il sera de 34,4 %, en attendant de revenir à 33 %. Rappelons quand même que ce taux est d'ores et déjà de 30 % en Angleterre, où les charges sociales sont minimes, et qu'en Allemagne il a été porté à 25 %. 9,4 points de différence entre la France et l'Allemagne voilà qui fait réfléchir !

Il devrait être clair, sinon dans l'esprit des dirigeants parisiens et de la classe médiatique française, du moins du point de vue de ceux qui veulent une véritable Europe des libertés, que le taux de l'impôt sur les sociétés en France ne devrait pas raisonnablement être plus élevé que celui pratiqué par l'Allemagne.

Ce point mérite d'être mis en parallèle avec le fait que l'État central français prétend militer en Europe pour ce qu'il appelle une harmonisation fiscale. Comment prendre au sérieux son discours quand on mesure qu'il n'est même pas capable de prendre chez lui une mesure aussi simple et linéaire que l'application du taux de l'IS à un niveau identique au taux allemand, et ceci entre deux pays dont les fiscalités fonctionnent de manière assez largement comparable ? Cette simple distorsion du taux de l'IS montre à quel point, sous le vocable trompeur d'harmonisation fiscale, il ne s'agit dans l'esprit des fiscalistes français que de se prémunir, ou plutôt de rêver le faire, contre la concurrence. Voilà qui nous renforce dans la conviction que la compétition fiscale et sociale entre les administrations demeure une garantie et un refuge indispensables pour l'Europe des libertés.

Il est vrai que le même jour M. Larcher ministre du Travail était obligé de constater que toutes les bureaucraties syndicales s'opposent à l'idée même d'une remise en cause des "35 heures". Ceci tétanise peu ou prou nos dirigeants et nos technocrates qui craignent toujours qu'une disposition de liberté conduise à ce qu'on appelle "l'explosion sociale". Ce scénario ne peut pas être totalement mis de côté. En 1917, par exemple la Russie des Tsars a connu une telle "explosion". En 1949, un certain Mao s'est emparé de Pékin sans beaucoup de se préoccuper de procédures électorales. Mais croit-on sérieusement que les conditions sont réunies pour une telle hypothèse en France ? Mesure-t-on le fait que les 7 centrales additionnées avec lesquelles on tient absolument à négocier l'évolution de la réglementation sur la Réduction du temps de travail représentent, ensemble, moins de 7 % des salariés actifs ?

Aujourd'hui, "on" ne veut pas paralyser la négociation sur les 35 heures par une image trop lisible de concessions aux "méchants patrons". Hier c'était un autre prétexte ; demain on inventera encore une priorité.

Il est assez remarquable d'ailleurs que l'on donne à la citadelle "Bercy" le beau rôle : elle proposait, nous dit-on, de réduire cette irritante surtaxe plus rapidement, et ce seraient une fois de plus les vilains "politiques" qui, en vertu de leurs (fausses) habiletés bien connues et repérables s'y opposeraient. C'est comique. Les volontés, les velléités, les désirs de "Bercy" ne devraient en démocratie avoir aucune véritable importance. Elles ne reposent sur aucune légitimité. En l'occurrence cela souligne surtout le désarroi et la division d'un pouvoir incapable de changer de vision.

Non moins remarquable est le simple fait qu'au moment où le pouvoir cherche à donner une toute petite satisfaction aux entreprises, il va reprendre de la main gauche plus que ce qu'il annonce vouloir restituer de la main droite : ainsi est-il sérieusement en projet de faire passer le taux de la Taxe dite d'apprentissage de 0,5 % de la masse salariale à 0,7 %. Cet argent n'est pas collecté au profit de l'État mais au profit de structures habilitées à le collecter. C'est littéralement une parafiscalité. Ce n'en est pas moins un prélèvement obligatoire supplémentaire destiné à corriger les dysfonctionnements et les carences de l'Éducation nationale monopolistique hostile à toute forme d'apprentissage en entreprise, et qui accapare la part du lion des budgets de l'enseignement pour un rendement que l'on n'a même pas le droit de chercher à évaluer. (2) Mais c'est à l'Entreprise et non à l'Éducation nationale, que l'on imagine de faire appel pour financer une douteuse politique en augmentant de 40 % cette "petite" parafiscalité, au moment où, en théorie les finances publiques françaises prétendent renoncer au parafiscalisme.

Autre aspect des misérables consolations que l'État envisage pour soulager les entreprises : on annonce l'élaboration d'un programme d'urgence destiné à dissuader le courant de délocalisations. Celui-ci a concerné officiellement 22 000 sociétés françaises en 2002. Mais il a par ailleurs touché un nombre 10, 20 ou 30 fois plus important d'offreurs d'ouvrages, de travailleurs indépendants ou très petites entreprises ainsi qu'une masse considérable de particuliers détenteurs de capitaux. Pour enrayer cette tendance on envisage dans certaines zones "sensibles" d'alléger la taxe professionnelle des entreprises payant plus de 100 000 euros de TP. Or, outre que cet allégement, décidé par l'État central, frapperait les recettes des collectivités locales bénéficiant de ces taxes, et serait donc compensé par un nouveau flux de dotations, on remarque qu'il introduit une nouvelle distorsion entre petites et grandes entreprises.

Tout le monde s'accorde pourtant à considérer que l'avenir de l'emploi et de l'activité passe plutôt par la dynamisation des petites et moyennes entreprises et par la création d'entreprises individuelles plutôt que par les grosses structures en perte de vitesse.

Si par exemple le gouvernement entend faire un véritable et légitime effort en faveur de l'entreprise, créatrice de richesse, d'activité et d'emploi, il serait logique qu'il envisage ceux sans lesquels le mot "entreprise" n'a pas de sens, à savoir les entrepreneurs. Il doit donc prendre en considération cette revendication que nous avons toujours soutenue dans cette chronique tendant à ramener le taux marginal de la fiscalité personnelle des indépendants à égalité avec celle des sociétés : pas plus de 35 % par conséquent en l'état actuel de l'impôt sur les sociétés et pas plus de 25 % demain si le gouvernement de Paris veut bien s'aligner sur la fiscalité comparable allemande.

Mais, comme Chateaubriand rendant hommage, après la révolution de 1830, au roi Charles X en exil à Prague, et à sa vieille maîtresse, le gouvernement actuel de la France a ceci de romantique qu'il salue et qu'il soutient tout ce qui tombe.

JG Malliarakis

©L'Insolent

(1) En première page des Échos du 31 août : "Les relations se tendent entre le Medef et le gouvernement".

(2) En 1962, les fonctionnaires de l'Éducation nationale étaient au nombre de 560 000. En 40 ans le nombre est passé à plus de 1 200 000. Il s'agit du plus grand employeur du monde. La mesure de son efficacité serait sans doute considéré comme politiquement incorrecte. Nous disons : sans doute, parce que personne ne semble vraiment prêt à lancer une telle évaluation qui relève, ou plutôt relèverait, de la provocation. On consultera avec intérêt les Dernières Nouvelles du Mammouth livre écrit il y a 2 ans par Olivier Pichon et dont pas une ligne ne nous semble avoir vieilli, en dehors du fait que Luc Ferry n'est plus ministre de l'Éducation.

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