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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ
VENDREDI 3 SEPTEMBRE 2004

EN RÉSERVE DE LA RÉPUBLIQUE

Le ministre des Finances n'a guère eu l'occasion de faire la preuve de ses capacités réformatrices et libératrices.

L'annonce de la candidature de M. Nicolas Sarkozy à la tête de l'UMP ne surprend évidemment personne. Tout le monde a bien compris que, dans son esprit, comme dans celui de ses partisans, ce n'est pas seulement cette présidence qu'il ambitionne, mais celle de la république. Le scénario nous en est révélé, désormais, avec précision. En novembre, il quitte le ministère des Finances ; il devient président de l'UMP et il retourne au parlement, sa suppléante ayant vocation à devenir sénateur du Département des Hauts de Seine. Le rendez-vous avec les Õlecteurs semble déjà pris à l'horizon de 2007.

Il se trouve, cependant, que tout cela nous est présenté, ficelé, programmé, par les médiats et par les communicateurs, comme si la vie ne se déroulait que dans la sphère du pays légal, sans guère de considération pour le pays réel. Sauf à continuer sa tiers-mondisation, et son affaiblissement dans la compétition internationale, la France ne peut pas attendre gratuitement, encore 3 longues années, à seule fin que les échéances républicaines permettent, à messieurs les hommes de l'État de dérouler tranquillement leurs plans de carrière.

Cela risque de coûter très cher.

Il y aurait du reste une contradiction majeure, pour la campagne de M. Sarkozy, de communiquer sur une image d'homme hyperactif, super-efficace, à l'écoute des Français, comme le faisait l'éternel candidat Chirac, et de demeurer dans la pratique inerte, de s'enfermer dans une fonction purement tribunicienne, tel un vulgaire Madelin, alors que pendant les 3 années à venir, des décisions essentielles devront être prises pour mettre la France à l'heure de l'Europe des libertés.

S'il veut assurer sa crédibilité, comme chef de la majorité parlementaire, il va falloir qu'il agisse, qu'il impose certaines réformes, qu'il anime un courant d'opinion favorable aux libertés. Il devra d'autant plus le faire que son parti dispose d'une représentation surdimensionnée à l'Assemblée nationale, issue des élections pour le moins atypiques du printemps 2002. D'autre part, l'anémie de la vie parlementaire française pose un problème grave à la démocratie française. On ne peut plus se contenter d'un fonctionnement institutionnel, où les députés enregistrent les textes de lois incompréhensibles, préparés par les bureaux, votent des budgets négociés entre ministères et les sénateurs procèdent à un toilettage purement textuel, corrigeant les sottises trop manifestes de la rédaction technocratique des lois. On ne peut plus considérer qu'il existe un débat d'idées limité à la séance formelle des questions où des parlementaires disposent de 2 minutes pour ânonner souvent, et lire habituellement des interventions convenues.

Personne, ou presque, ne regarde certes les émissions de télévision parlementaires dans notre pays. Mais on n'a pas besoin de beaucoup d'attention, pour que la carence de l'institution centrale de toute démocratie y soit parfaitement visible, et comprise par tous. Au reste, les médiats parlent des projets de lois en fonction des réunions du conseil des ministres ; c'est à peine si la formalité du vote des textes est évoquée auprès de l'opinion.

Or, en droit strict, rien ne peut se faire sans l'aval d'une majorité de représentants du peuple, que précisément M. Sarkozy devrait, en théorie, faire sortir de leurs conditions de rois fainéants.

Certes, en disant cela, nous ne perdons pas de vue l'énorme travail d'assistants sociaux, que les élus du peuple et leurs collaborateurs doivent effectuer. Ce relais permanent, du pays légal et du pays réel, auquel s'attachent nos députés, représente une de faces les plus dangereuses du système. C'est elle qui, précisément, fait basculer la nation dans l'ornière de la subvention, de la redistribution, de l'intervention administrative constantes. Pour cette raison, l'actuel ministre des Finances aurait grand tort, de s'investir lui-même dans ce chemin de traverse et de tomber dans ce piège, de croire qu'on s'acquiert de la sorte une popularité constructive. Car cette habitude, fondamentalement perverse, de l'assistanat et du passe-droit, a détourné les assemblées, et particulièrement la chambre basse, de leur véritable vocation. Le devoir est par définition de réduire l'impôt expropriateur par nature, au strict nécessaire. (1)

On aurait donc tort de croire que la fin des fonctions ministérielles de M. Sarkozy lui permettrait simplement d'agir en réserve de la république : la république en effet n'a plus de "réserve", et le Palais Bourbon ne peut plus servir impunément de banc de touche.

Ministre de l'Intérieur nommé en 2002, il avait déjà reçu cette promotion comme un cadeau empoisonné. Pendant les 20 mois de sa présence place Beauvau, il a donné au grand public l'illusion d'une omniprésence, qui n'a guère convaincu ses administrés, et notamment les syndicats de police. Les promesses ont été faites, et les médiats les ont claironnées. On allait les tenir, on allait voir ce qu'on allait voir. Et hélas, à l'arrivée, on n'a pas vu grand-chose, notamment parce que le ministre ne pouvait guère changer le cours réel des choses. M. Sarkozy est sorti de son piège à rats, avant que l'opinion n'ait le temps de comprendre. On lui a donc confié une mission encore plus impossible, celle de redresser les Finances d'un État qui, s'il n'était qu'un simple particulier, serait depuis longtemps interdit de chèque.

Cette mission, il n'aura guère eu le temps que de la découvrir, à la fois dans sa profondeur comptable, dans son urgence européenne et dans son épaisseur structurelle. Son prédécesseur Arthuis a eu l'occasion de consacrer un livre, qu'évidemment personne n'a pris le soin de lire, au dernier volet de cette résistance nationale au changement, c'est-à-dire à la partie qui accuse la haute administration, ses réseaux de vanités secrètes, ses préjugés d'un autre âge, celui où l'on prenait au sérieux le titre d'Inspecteur des finances.

On a cependant eu le temps de mesurer, qu'avec son habile compère Devedjian, il a su rester dans cette ambiguïté que le maître florentin Mitterrand recommandait déjà aux ambitieux de leur espèce : "en politique, disait-il, on ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment".

Un exemple de leur démarche oblique vient encore d'être administré, avec la privatisation de France Telecom. Certes il faut, de toute manière, se féliciter de la cession de 9,8 % de la participations l'État dans l'opérateur historique des télécommunications françaises. Cela pourrait permettre une avancée sur le chemin de la liberté, de la concurrence et de la transparence. Mais nous aimerions beaucoup entendre, sur ce point, plutôt que sur le seul terrain financier, nos ministres communiquer franchement, à défaut d'agir clairement. Mais est-ce pour autant le démantèlement d'un monopole subtil, et d'une nuisance lourde, qui semble avoir définitivement condamné 25 % des habitants de la France à attendre encore de longues années ? Serait-ce une réforme de liberté que de transformer un bon vieux monopole étatique clair et net de service public en un monopole hypocrite et visqueux confié à des intérêts privés, se comportant comme tel, opérant des pressions scandaleuses sur les Conseil généraux afin de maintenir dans la dépendance des technologies périmées et des factures lourdes précisément cette France rurale qui a tant besoin d'e sortir, et au nom de laquelle font semblant de se battre les monopolistes ? Car telle est bien la situation de France Telecom, sous la présidence de l'astucieux Thierry Breton. Et ni M. Sarkozy, ni M. Devedjian, ne peuvent l'ignorer.

Qu'ont-ils fait hier, que feront-ils demain, que proposent-ils vraiment pour sortir rapidement de cette situation ?

Souvenons-nous aussi de leur intervention dans l'affaire Alstom. Elle touche au cœur du système monopoliste et technocratique français. Ce fournisseur de la SNCF est présenté comme une cause nationale majeure. Il est défendu comme tel par nos deux compères, alors que le constructeur du TGV comme l'exploitant monopoliste des chemins de fer français, l'une et l'autre sont des pompes à Finances ruineuses pour la nation.

De vraies mesures de libération fiscale auraient dû, par ailleurs, être prises. Faudra-t-il attendre le dernier jour des décrets ministériels pour en connaître la dose assumée par M. Sarkozy ?

Avant de voir en lui le grand réformateur de demain qu'il n'a pas été hier, nous demandons des preuves de son adhésion à l'Europe des libertés.

Jusqu'aux dernières nouvelles, nous avons plutôt eu l'impression qu'il cherchait avant tout à se positionner comme un continuateur de Juppé, et un successeur légitime du chef de l'État. Tel est d'ailleurs bien le sens que l'on nous suggère d'attacher à l'accord scellé à l'Élysée ce 1er septembre, et sur lequel les médiats nous prient de nous extasier.

Chat échaudé craint l'eau froide. Celle-ci nous paraît plus que tiède.

JG Malliarakis

©L'Insolent
(1) C'était, dans l'Ancienne France, le rôle des États Généraux. Et la crise historique terrible qu'ont connu l'Angleterre et l'Écosse, de 1635 à 1668, crise dont est issue la démocratie moderne, n'a pas d'autre origine institutionnelle.

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