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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ
LUNDI 20 SEPTEMBRE 2004
PERRIER C'EST DE PLUS EN PLUS FOU
L'idéologie ringarde du parti communiste et de la CGT peut être bel et bien tenue pour responsable du chômage et des délocalisations
Dans sa chronique économique du 16 septembre 2004 à 7 h 22, sur France Inter, M. Jean-Marc Sylvestre a franchi une de ces petites lignes jaunes, au-delà desquelles tout dialogue, même habituel entre compères complaisants, s'envenime. Il n'est de si bonne ambiance qu'on ne puisse gâcher. Sylvestre y est parvenu.
Il avait osé dire, en effet, ce matin-là, à propos de l'affaire Perrier-Nestlé, que la CGT portait une grande part de responsabilité dans la crise. Or, celle-ci pourrait bien aboutir au retrait pur et simple de l'investisseur international et à la fermeture du célèbre établissement de Vergèze, autrefois prospère et prestigieux.
Une telle audace de ce talentueux chroniqueur, sur une radio d'État, légitimait immédiatement un questionnement. Dans les 10 ou 12 dernières années en effet, probablement depuis l'arrivée au pouvoir en 1993 du gouvernement Balladur, les chroniques, autrefois impertinentes et brillantes, de M. Jean-Marc Sylvestre, dégageaient un fort parfum de brosse à reluire. Nous étions portés à y discerner une manière de péché contre l'esprit, consistant à savoir la vérité et à dire exactement le contraire. Pour le sortir de son attitude mondaine, probablement occasionnée par une fréquentation trop assidue de l'intelligentsia parisienne et des sponsors publicitaires hexagonaux, il faut que la situation fût grave. Elle l'est. Il faut qu'on le sache en haut lieu : cela est moins assuré. Et on imagine sans peine qu'on lui en aura fait passer le mot d'ordre de le faire comprendre à une partie du public. "Je n'en sais rien mais j'en suis sûr" disait joliment La Bruyère.
On n'allait pas en rester là.
Le lendemain vendredi, jour en principe consacré au débat, M. Jean-Marc Sylvestre devait rendre des comptes dans une sorte de tribunal populaire feutré, ayant à répondre de ses propos de la veille, face à son interlocuteur institutionnel M. Bernard Maris professeur d'économie à Paris-VIII. Celui-ci, faisant fonction de procureur de la pensée unique, ne voulait entendre aucun argument, même d'évidence. Ce professeur Diafoirus de l'antiéconomique à la française, prenant sans doute à témoins ses étudiants de Paris-VIII, débitait des dogmes livresques, là où les réalités devraient être suffisamment parlantes, pour peu qu'on daigne les observer et les considérer.
Les faits sont les suivants : Nestlé Waters, la branche eau du grand groupe suisse, a annoncé le 15 septembre qu'elle pourrait vendre Perrier et la filiation de tous ses sites français.
Telle est l'hypothèse qui se trouve actuellement privilégiée.
Les syndicats doivent se prononcer mi-octobre sur ce qu'on appelle un "plan social"l. Dans un tel mécanisme une récente réforme a été concoctée par les services de M. Fillon, à l'époque où il était aux Affaires sociales. Elle a renversé les données des négociations collectives, rendant nécessaire dans la pratique l'accord de la CGT, pour que ce genre de dispositif ait une valeur contractuelle dans les entreprises où elle est implantée. Voilà un grand progrès, n'est-il pas vrai ? Détail pittoresque (1) : la CGT elle-même, qui aime bien sa position d'irréductible irresponsable, juge que cette nouvelle disposition la met au pied du mur et l'amène à devoir assumer les conséquences de son intransigeance.
Et la CGT, soutenue par le parti communiste, se braquant devant les perspectives proposées par la direction en vue de redresser l'entreprise Perrier, a, dans la pratique, toutes les chances de conduire au désastre. Le scénario est hélas effroyablement banal et même répétitif dans son principe. Exceptionnellement implantée au sein de l'entreprise et du département, la centrale communiste s'oppose au départ en préretraite de 1 047 salariés, dont 356 à l'usine historique de Vergèze. Perrier employant actuellement 4 100 personnes, cette attitude des staliniens entraînera plusieurs milliers de familles, dans les conséquences d'un chômage, certes indemnisé, mais sans guère de perspective d'une réembauche, notamment dans un bassin d'emploi tel que le Gard.
Le Parti communiste adopte un point de vue jusqu'au-boutiste : "le chantage de Nestlé ne saurait être toléré" affirment tranquillement ses apparatchiks. Ils demandent de la sorte au gouvernement de "réunir en urgence une table ronde avec les représentants des salariés, les élus concernés, les représentants de l'État, ceux de l'employeur, des distributeurs et des banquiers".
Sans s'aligner entièrement sur la forme proposée par les communistes, dénonçant même leur attitude psychorigide, le ministre des Finances M. Nicolas Sarkozy s'y rallie dans la pratique. Il affirme une fois de plus sa volonté personnelle d'intervention étatique. Il se situe dans la grande tradition héritée du bonapartisme, comme il l'avait fait soutenant le projet de fusion entre Sanofi et Aventis, en faisant l'apologie des subventions pour sauver Alstom, etc. Ceci résulte aussi de sa tactique politique, laquelle pourrait avoir pour devise "Je suis partout".
Alors en déplacement en Russie, il annonçait son désir de recevoir le président de Nestlé-Waters France pour le 21 septembre, etc.
La vraie question qu'il convient de se poser est donc la suivante : ce n'est pas seulement la source Perrier, dont la petite bouteille verte est, sans doute irrémédiablement passée de mode.
Ce sont les entreprises françaises dans leur ensemble qui souffrent du même problème.
Leur handicap global et national ne provient pas des qualités ou des défauts propres aux diverses composantes du peuple français. Il est aujourd'hui la conséquence de la réglementation française, du climat politico-syndical hexagonal et de l'idéologie dominante dans notre pays.
Tout cela se retrouve, finalement, dans les orientations franco-françaises que les pouvoirs publics, les médiats, l'enseignement, etc. donnent et donneront à l'évolution de tous ces paramètres. La France officielle se situe à rebours non seulement des directives européennes, mais tout simplement du bon sens et de la marche naturelle du monde. Elle met ainsi en péril la vitalité de la France active et productive.
En ce moment, toute la gauche et toute la bien-pensance ont la prétention de lutter contre les délocalisations. On en est au point d'en faire, avec M. Fabius, un des arguments contre le projet de Traité constitutionnel européen. La question qui se pose est alors de savoir si ce sont les affreux capitalistes ou les gentils marxistes qui portent la responsabilité du recul de l'investissement international en France (2).
On doit remarquer, en effet, et c'est probablement l'essentiel, que Nestlé ne met pas seulement en cause Perrier mais l'ensemble de ses filiales françaises…
Ceci ne peut pas, et ne doit pas, être tenu pour un effet du hasard : c'est bel et bien la conséquence de l'impunité idéologique et du primat dialectique, malgré l'effondrement du bloc soviétique, des nostalgiques français du communisme, si démonétisés soient-ils dans l'électorat populaire, et singulièrement dans les couches ouvrières. Cette situation est quasi omniprésente dans notre pays. La Sociologie du communisme n'est donc absolument pas rétrospective, s'agissant de la France, qui fonctionne comme l'un des derniers pays de l'Est. (3)
Ne nous y trompons pas : la grande question aujourd'hui est celle de la délocalisation des activités, et aussi celle des jeunes actifs français, des ingénieurs français, des chirurgiens français, des entrepreneurs français et de nombreux chômeurs français désireux de trouver du travail.
La France de M. Chirac est en train de produire autant d'exilés économiques que la situation, alors retardataire, des pays de l'Europe du sud en produisaient hier. (4) Les jeunes Français préfèrent dès maintenant être serveurs de restaurants à Londres plutôt que chômeurs à Paris. Bientôt, ils pourront être gardiens d'immeubles à Barcelone ou balayeurs en Andalousie. On n'arrête pas le progrès.
Comme on dit à la CGT "l'action syndicale ça paye". Merci la CGT.
JG Malliarakis
(1) Ce sont les propos du gentil théoricien chef de la CGT, le camarade M. Le Duigou, tels que rapportés par Les Échos du 17 septembre.
(2) En dépit d'efforts et de subventions des pouvoirs publics destinés à utiliser les très grosses implantations étrangères pour leurs affichages politiques de "création (ou de sauvegarde) d'emplois". La création et la survie de petites entreprises familiales françaises les intéressent beaucoup moins.
(3) Il n'est pas indifférent de remarquer que le seul pays qui n'ait pas associé son reliquat de communisme à un surcroît de misère, soit la Chine, où la dictature politique du parti communiste n'a survécu qu'en renonçant à toute forme de socialisme économique. Or, bien avant l'ère Deng Xiao-ping, l'expérience chinoise était précisément mise de côté, dès la préface de son édition de 1963, par Jules Monnerot dans sa Sociologie du communisme. Les principaux survivants du communisme sont donc aujourd'hui, en fait, certes le Vietnam, Cuba, la Corée du nord, l'Angola, le Zimbabwé etc. — mais aussi et peut-être d'abord les 50 ou 55 % de l'économie française, part alimentée par les subventions, l'économie mixte, la protection sociale et la redistribution.
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