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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

JEUDI 21 OCTOBRE 2004

AU-DELÀ DU PROCÈS DE M. JUPPÉ

C'est à l'accaparement dictatorial technocratique qu'il faut faire échec

En ce 20 octobre, le procès de M. Juppé entrait dans sa deuxième semaine devant la cour d'appel de Versailles. Celle-ci s'apprête à réexaminer les faits de "prise illégale d'intérêt" qui lui ont valu d'être condamné le 30 janvier, en première instance, par le tribunal correctionnel de Nanterre.

On se souvient que ce tribunal avait estimé que M. Juppé avait "trompé la confiance du peuple souverain" et que "la nature des faits commis est insupportable au corps social comme à la volonté générale exprimée par la loi".

Tout le monde considère que ce fut un jugement sévère, que d'avoir condamné à 18 mois de prison, — mais avec sursis !— l'ancien secrétaire général du RPR (1988-1995), ancien adjoint aux finances de la mairie de Paris (1983-1995), ancien ministre des Affaires étrangères du gouvernement Balladur (1993-1995), ancien Premier ministre du président Chirac (1995-1997), ci-devant président fondateur de l'UMP (2002-2004), et toujours maire de Bordeaux.

Certes, cette condamnation entraînera, si elle devient définitive en appel, une inéligibilité automatique de 10 ans. Celui qui fut son directeur de cabinet de 1992 à 1995, M. Patrick Stéfanini, ayant écopé de 14 mois, également avec sursis, comparaît à ses côtés.

Pour des professionnels de la république, l'inéligibilité est une peine ressentie comme plus grave que le chômage pour un cadre père de famille ayant dépassé la cinquantaine.

Ce n'est pas tant le déshonneur qui frappe. On est habitué. Ce qui étonne le public, c'est l'élimination de la vie politique.

M. Alain Juppé doit précisément rendre compte, pourtant, de l'emploi par la ville, sous la mandature de M. Chirac, alors maire de Paris, de 7 personnes qui travaillaient en réalité pour le parti de ce même Chirac — aujourd'hui chef de l'État, que ses hautes fonctions dispensent pour le moment d'en répondre (1).

En première instance à Nanterre, Juppé avait adopté comme système de défense la version selon laquelle "c'était des emplois réels" car "toutes ces personnes travaillaient à la ville de Paris".

Ainsi, son ancien directeur de cabinet Patrick Stéfanini, avait affirmé ne se rendre au siège du parti que pour des "petits-déjeuners", "à l'heure du déjeuner", puis "le soir".

Le 20 octobre à Versailles Juppé non seulement a persisté dans ce système, mais il l'a érigé en modèle de militantisme et de citoyenneté.

Bien évidemment, le parquet de Nanterre avait écarté ces arguties, estimant Juppé était coupable, écartant cependant l'inéligibilité (2). Mais le 30 janvier les juges de première instance étaient allés au-delà de ces réquisitions, leur sentence entraînant une mise à l'écart de la vie politique pour 10 ans.

Lors de la première semaine du procès d'appel, la présidente Martine Ract-Madoux a fait notamment apparaître, à partir des déclarations maladroites de M. Juppé que sa culpabilité allait sans doute au-delà des emplois fictifs de la Ville de Paris. Il est clairement apparu qu'il n'ignorait pas que le recel, par son parti, d'emplois fictifs, extorqués aux entreprises privées, relevait du Code pénal. C'est seulement à titre ironique que nous disions il y a quelques mois que "M. Je-sais-tout ne savait rien" : il savait certainement…

"En conscience, a-t-il cru cependant pouvoir déclarer, je n'ai jamais eu l'intention de violer les lois de la République".

En juin dernier cependant, à la surprise générale, ses avocats avaient proposé à la ville de Paris le remboursement de 1,2 million d'euros représentant le coût des emplois fictifs pour la mairie. Il en espérait un retrait de la constitution de partie civile de la ville de Paris. Cette étrange transaction fut refusée par l'équipe municipale parisienne. Mais la proposition donne un intéressant éclairage quant au sentiment réel de son innocence que M. Juppé éprouve "en conscience".

Cette contradiction révèle le peu d'estime que portent les gens comme M. Juppé non seulement à la perspicacité des magistrats, mais au droit lui-même.

Certes, il ne faut surtout pas prendre ce procès à la légère.

Mais, au-delà du dossier personnel du gris et patibulaire M. Juppé, presque pitoyable dans ses dénégations ridicules, et quel que soit le jugement d'appel dans cette affaire précise, nous devons souhaiter la fin de ce cynisme des technocrates. Le suffrage universel devrait, une fois pour toutes, cesser de se porter sur des gens qui n'hésitent pas à cannibaliser les structures publiques et privées dont ils accaparent la gestion.

Car les déclarations et l'attitude générale d'un Juppé semblent bien démontrer que, presque sincèrement, les gens comme lui n'ont pas conscience, non seulement de l'illégalité dans laquelle ils pataugent mais du tort qu'ils font à leur pays.

De même, les énarques qui dirigent tant de grandes sociétés, sans les avoir jamais créées, les tirant vers l'abîme, comme hier la Générale des Eaux rebaptisée pompeusement Vivendi, ou comme Carrefour aujourd'hui, ne semblent même pas comprendre qu'une entreprise ce n'est pas uniquement une manière d'alimenter des stocks options.

L'Histoire européenne a très longtemps flétri le souvenir des systèmes de pillages stériles mis en place par les occupations omeyyade en Espagne, tatare en Russie, ottomane dans les Balkans.

Il est grand temps que les Français comprennent les désastres auxquels les conduisent tous ces petits arrivistes, accapareurs inconscients, imbus de leur fausse science administrative, incapables d'écouter autre chose que la voix de leur propre autosatisfaction politiquement correcte de petits hommes gris.

JG Malliarakis
©L'Insolent

(1) Cette protection s'appuie sur une décision du Conseil constitutionnel prise sous la présidence de l'honorable M. Roland Dumas.

(2) On a prétendu reprocher au procureur d'avoir déclaré que la carrière politique de M. Juppé devait demeurer à la discrétion du sentiment des électeurs. Le Canard enchaîné, en bon revendeur de tuyaux crevés, fourgués par le brillant état-major d'un rival de M. Juppé, prétendit voir "la patte" (ou la griffe ?) de "l'extrême droite". Une telle logique nous semble au contraire constituer une marque éminente de confiance dans la démocratie.

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