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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ
MARDI 26 OCTOBRE 2004

L'EUROPE DES PETITS COCHONS ROSES

Dirigée par les petits hommes gris elle ne veut pas craindre le grand méchant loup.

J'écris à la veille du vote d'investiture de la commission Barroso. Pour la première fois depuis 1979 cela pose problème au sein du parlement européen. Ce n'est peut-être pas mauvais signe. Et il serait intéressant de replacer le sujet en fonction des vrais problèmes de l'Europe.

En effet, au sein des institutions de l'Union Européenne, nous arrivons en ce 26 octobre à la fin du mandat de la commission Prodi. Et nous sommes en droit de juger son action. Elle avait été nommée en 1999, par le conseil européen des chefs de gouvernements, à la suite de la démission de la commission Santer.

Le retrait collectif de l'équipe précédente n'avait pas été occasionné par une carence d'ensemble des commissaires de l'époque, mais essentiellement par le scandale plus ou moins fabriqué autour des agissements de Mme Cresson. Depuis, il semblerait même que l'ancienne collaboratrice rapprochée de François Mitterrand ait été accusée un peu légèrement, c'est-à-dire… lourdement.

Autrement dit, si M. Santer avait démissionné parce que ses épaules étaient trop fragiles pour, à la fois, porter le poids du destin continental et supporter les critiques de la presse, il en va tout autrement de celui qui lui a succédé. Il n'a pas cette excuse. Il n'a pas fait preuve de cette humilité. M. Romano Prodi était, et il est encore, un homme politique italien de gauche, non dénué de certaines qualités de manœuvre à usage de la Péninsule, mais qui se sont révélées insuffisantes pour l'Europe à 15 et à 25.

Il est important de situer ici les problèmes européens, non pas seulement dans leur stricte dimension économique, mais également du point de vue de l'Europe politique. Tout le débat est là : ou bien, on imagine revenir au marché commun de 1957, révisé par l'acte unique de 1985 (c'est la thèse de nos souverainistes jacobins et des eurosceptiques anglais) ou bien on prend au sérieux le projet de l'Union européenne, scellé depuis 1991 par les traités de Maastricht, Amsterdam et Nice.

Même si l'on se cantonne à la perspective communautaire "classique", celle de la construction d'un grand marché, normalisé, unifié, on peut légitimement se demander quel est le bilan glorieux de la commission Prodi, exclusivement évalué en nombres de directives, plus ou moins pertinentes, plus ou moins chaotiques, plus ou moins technocratiques, plus ou moins appliquées. On trouvera M. Mario Monti comme ceci, Mme de Palacio comme cela, M. Bolkestein ou M. Pascal Lamy autrement. M. Prodi fut de toutes manières un piètre animateur. Certains déplorent même le fait que, jamais, depuis quelque 50 ans l'équipe dirigeante des communautés européennes n'ait été moins soudée.

C'est qu'en réalité, même la perspective apparemment seulement et strictement tournée vers l'économie, pose en Europe des problèmes d'ordre "politique". Ceux-ci commencent par des choix idéologiques : croit-on ou non en l'économie de marché, souhaite-t-on ou non la fin des subventions d'État.

De plus, de telles options s'investissent, toujours, en définitive, dans des questions d'hommes.

L'illusion des petits cochons roses c'est aussi de n'avoir pas d'ennemis. Si sublime que soit l'Hymne à la Joie de Beethoven, que j'aime à entendre comme hymne européen, cette ode à la paix ne doit pas nous faire oublier que la paix est, en général, la période séparant deux guerres.

La paix européenne actuelle a ceci de particulier qu'elle cohabite, sereinement, en toute inconscience, avec plus de 20 conflits sanglants opposant dans le monde des pays civilisés, de cultures différentes, tous confrontés à la frange terroriste de l'islamisme radical.

Cessons donc de chanter en Europe "Qui craint le grand méchant loup, c'est pas nous", alors même que le danger est à nos portes et que l'ennemi héréditaire de notre continent frappe à la porte, déguisé en grand mère, en ne reniant cependant aucun de ses crimes historiques (1).

L'Europe des petits cochons roses, conduite par les petits hommes gris croit pouvoir acheter la paix en saupoudrant de subventions les pays les plus hétéroclites et les gouvernements les plus improbables. C'est la voie classique des royaumes faibles et décadents.

Et à l'arrivée on peut mesurer aussi ce qu'aura valu, depuis 5 années, la politique étrangère et de sécurité : la PESC actuelle s'est à l'évidence montrée insuffisante et trop dispersée.

C'est, par exemple, en 1999 que les dirigeants européens se sont prêtés à la brillante solution internationale que l'on sait au Kossovo. Après 5 ans de mandat, aux principes juridiques et constitutionnels incompréhensibles, confié par les Nations Unies sur ce territoire théoriquement encore serbe, il faut reconnaître que l'Europe institutionnelle a échoué, comme après avoir pitoyablement louvoyé dans le règlement de tous les problèmes issus de l'éclatement de la Yougoslavie.

Il est donc grand temps d'admettre que l'affirmation politique de l'Europe sera indispensable demain à la prospérité des Européens et au développement de leurs libertés. Nous verrons partir sans regret M. Prodi. Nous souhaitons voir l'avènement d'une Europe moins lâche, moins veule, moins molle, moins désunie.

JG Malliarakis

©L'Insolent

(1) Y compris le plus avéré de ses crimes, celui qu'on s'est donné le ridicule d'inscrire dans une loi française. Oui : il faut reconnaître que cette loi, si elle n'est pas mal intentionnée en elle-même, se trouve ridiculisée sur notre sol, quand l'ambassadeur turc ose nier ouvertement, et en toute impunité, le génocide arménien dans les colonnes du Parisien. Les gens qui tiennent à tout prix à faire entrer la Turquie dans l'Union Européenne imagineraient-ils unir l'Europe avec une Allemagne négationniste ?

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