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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

JEUDI 4 NOVEMBRE 2004

QUAND LA GAUCHE PERD

Elle ne s'avoue pas vaincue bien longtemps.

Quand la Gauche perd, il serait tout à fait déraisonnable d'avoir l'air d'exprimer le moindre regret.

La seule réserve que l'on puisse émettre concernerait l'ampleur, éventuellement trop mince, de sa déroute.

Il en va évidemment de même dans tous les pays, et pour la gauche française, et, aux États-Unis, s'agissant de l'ampleur des diverses batailles remportées et gagnées, ce mardi 2 novembre, par la droite américaine.

Ce jour-là, c'est sur toute la ligne, sur tous les terrains, que la gauche américaine a perdu, y compris dans les referendums locaux sur les choix dits de société. Gagnant 4 sièges de sénateurs et 4 sièges de représentants, la droite conservatrice du parti républicain dispose d'une suprématie indiscutable au Congrès. Or, c'est le Congrès qui détient le pouvoir de faire les lois et de voter le Budget, et, dans la démocratie américaine, il en dispose pleinement. Qu'on se souvienne de la crise de 1995, où Bill Clinton s'est trouvé obligé de s'incliner devant la volonté ferme de diminuer la dépense publique exprimée par les deux chambres, reconquises par les républicains en novembre 1994, .

Le grand public international, particulièrement en France, intoxiqué par les médiats, a surtout voulu voir le scrutin présidentiel et l'affrontement Bush-Kerry. Pour donner un seul exemple, le commentaire de France Inter ce 4 novembre au matin, enregistrant la victoire du président sortant, présentait l'avancée républicaine et conservatrice au Congrès comme simple "cerise sur le gâteau".

Ne nions pas l'importance, au regard des relations internationales, et particulièrement transatlantiques, de cet enjeu que représente la nomination du président des États-Unis : en effet, la politique extérieure apparente de Washington est en cause. Les Européens craignent par-dessus tout d'être mis en face de leurs responsabilités militaires. C'est classiquement la situation découlant des présidences républicaines. Elles étaient hier isolationnistes, elles sont aujourd'hui "unilatéralistes"; on les voit moins complaisantes vis-à-vis des faux-semblants mondialistes, moins avides d'acquérir à tout prix le soutien moral du Luxembourg et du Costa-Rica. Ah ! Ces bonnes présidences démocrates, où un Bill Clinton intervenait comme en 1999, à la demande expresse de Jacques Chirac, pour bombarder Belgrade ! Comme c'était le bon temps !

On ne doit pas non plus oublier que le scrutin présidentiel américain est, ordinairement, marqué par des préoccupations intérieures.

À titre de comparaison, ni Roosevelt en 1940, ni Wilson en 1916, n'avaient été réélus sur une ligne interventionniste. Il est tout à fait exceptionnel, et c'est la conséquence du 11 septembre que le président Bush ait mis l'accent comme il l'a fait sur sa politique extérieure (1).

Les deux plates-formes, celle du président américain sortant, comme celle du sénateur candidat du parti démocrate, comportaient bien d'autres aspects.

Certes, des différents points de vue, économiques, sociaux, éducatifs, familiaux, constitutifs de la politique intérieure, le choix entre le programme de Bush et le programme Kerry ne comportait aucune ambiguïté.

L'un était de droite, l'autre de gauche.

C'est plutôt sur la politique extérieure qu'ils étaient moins différenciés. Kerry, ayant alternativement soufflé le chaud et le froid, relativement à la guerre d'Irak, pouvait passer pour une planche pourrie auprès de l'électeur de gauche. Et il était effectivement peu fiable. On nous dit, aujourd'hui, que 65 % des Français seraient déçus de sa défaite. C'est bien peu si on regarde le pourcentage de la propagande faite en France en sa faveur. Mais s'il avait été élu, il y a gros à parier que le pourcentage des déçus aurait été bien supérieur encore au bout de quelques mois.

En revanche on doit bien se représenter que la droite américaine avait, elle aussi, de très fortes raisons de suspecter un écart entre les promesses de Bush et ses réalisations.

Ainsi, le déficit budgétaire des USA, que les majorités parlementaires républicaines avaient réussi à éliminer, entre 1994 et 2000, sous la présidence de Clinton, c'est un comble, bat aujourd'hui tous les records sous la présidence d'un républicain. Nous avons démontré que ce déficit tenait moins aux dépenses militaires qu'à la persistance des nuisibles systèmes étatiques de protection sociale, qui, aux États-Unis, cohabitent avec les systèmes privés, toutes choses que l'on fait semblant d'ignorer aussi bien chez les américanolâtres naïfs que chez les américanophobes hystériques.

De la sorte, il existe une sorte de malaise de la droite américaine la plus dure vis-à-vis de ce déficit et de certains décisions prises par le gouvernement de George W. Bush.

Cela n'a pas empêché celui-ci de gagner en 2004 beaucoup plus nettement qu'en novembre 2000, où il était minoritaire en suffrages nationaux, alors qu'il l'emporte cette fois-ci avec 3,6 millions de voix d'avance et 3 points d'écart, 51 % contre 48 %, devant le faux Kennedy du Massachussets.

Il est à remarquer, en raisonnant sur les suffrages nationaux, que le scrutin a été marqué par une mobilisation plus forte et par une bipolarisation plus marquée que durant les 20 dernières années : pas de Ross Perrot, pas de Pat Buchanan, même l'increvable Ralph Nader, aujourd'hui âgé de 70 ans ne fait que 395 000 voix, 0,4 %, à égalité ou presque avec le candidat libertarien Michaël Badnarik, opposé à la guerre et au déficit, qui en fait 378 000.

Il est non moins intéressant de constater, qu'au bout du compte, l'une des rares découvertes de la science politique française des 50 dernières années, à savoir l'indifférence ordinaire du taux d'abstention sur les résultats d'un scrutin, démontrée par les travaux de M. Alain Lancelot, s'observe une fois de plus. Et cependant, les commentateurs agréés et les journalistes français parlent toujours comme si la démocratie américaine était caractérisée par le nombre élevé des abstentions, elles-mêmes supposées militer en faveur des "White Anglo Saxon Protestants", des riches, de la droite, etc. donc des républicains.

Quand la gauche perd, elle ne s'avoue pratiquement jamais vaincue.

Elle repart impavide quelques heures après sa défaite.

La gauche internationale oubliera Kerry. Celui-ci, comme tout politicien américain, même réputé "à gauche", est d'ailleurs beaucoup plus à droite que la plupart des soi-disant politiciens français, élus par la droite, mais intoxiqués par les idées de gauche.

La gauche internationale se relèvera très vite, oublieuse de ses erreurs, comme elle s'est relevée impunie de ses crimes au lendemain de l'effondrement de l'Union soviétique.

Savourons ces quelques jours, ces quelques heures, de répit et d'ironie, tout en mémorisant, quand même, le déferlement de mensonges, et encore plus de bêtises, déversés en Europe, et tout particulièrement en France, par les grands moyens de désinformation monopolistes.

JG Malliarakis

©L'Insolent

(1) En 1992, son père avait perdu pour cette raison.