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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ
LUNDI 8 NOVEMBRE 2004
ZONES GRISES EN AFRIQUE NOIRE
Face à ceux qui pillent et qui tuent, nos soldats sont-ils destinés à ne boxer qu'avec une main dans le dos ?
Il n'y a pas si longtemps, c'était à l'automne 2000, M. Michel Rocard exultait, au lendemain d'une élection africaine réputée démocratique : "Notre camarade Gbagbo est président de la Côte d’Ivoire"(1).
Aujourd'hui, le "camarade" de M. Rocard, Laurent Gbagbo fait en sorte que ses hommes de mains pillent les biens français et fassent couler le sang français.
Et c'est prioritairement à lui ou à ses partisans que nos radios d'État donnent la parole pour expliquer en toute impunité qu'ils sont en guerre avec la France.
Entre-temps, les gouvernants français semblent avoir choisi de soutenir vaguement le principal opposant, écarté du scrutin d'octobre 2000 au nom de "l'ivoirité", M. Alassane Ouattara, puis d'autres rebelles aux attaches troubles, qui ont pris les armes.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Le gouvernement français et plus particulièrement M. de Villepin avaient imaginé deux dispositifs pour faire fléchir le tout puissant président de ce pays qui passait, depuis les indépendances de 1960, pour l'un des plus stables, des plus prospères et des plus francophiles d'Afrique.
Premier dispositif : les accords de Marcoussis.
Ils ont été imposés au gouvernement d'Abidjan lors de la crise de septembre 2002. Or, on doit convenir que ces accords, signés en janvier 2003 et réaffirmés avec force lors des entretiens d'Accra pendant l'été 2004 reposaient sur une logique insultante, du point de vue de la souveraineté de l'État ivoirien indépendant.
La France y met les rebelles et le gouvernement légal sur le même plan. Ceci conduisit à des palabres stériles auxquelles les rebelles, — pardon : les "ex-rebelles" — ont mis un terme fin octobre, après 24 mois d'un découpage de fait du territoire de la république, en "renonçant au processus de désarmement".
Rappelons que ces deux années d'inaction et de sécession ont été désastreuses pour l'économie de la Côte d’Ivoire, et que les dégâts faits à la production de cacao seront irréparables, notamment parce que le marché mondial a appris à se passer du fournisseur ivoirien.
Or, dès novembre 2002, nous pouvions souligner sans prétendre être un spécialiste qu'une implication active et chirurgicale de la France devenait d'une urgente, d'une évidente, nécessité.
Et quelle autre ligne de conduite possible que celle de soutenir le gouvernement légal et constitutionnel du pays ami qu'est la Côte d’Ivoire, sachant que 20 000 expatriés étaient encore présents, réduits aujourd'hui à quelque 15 000, dans un pays où l'influence française pouvait sembler indélébile ?
Deuxième
tare dans le raisonnement et l'action de M. Chirac, portée
par le brillantissime écervelé Villepin.
Cette tare, en effet, nous semble plus significative encore des impasses
idéologiques
mondialistes dans lesquelles s'enferme elle-même la diplomatie chiraquienne :
il fallait à tout prix que la France n'agisse qu'en vertu d'un mandat
de l'ONU, transformant la Côte d’Ivoire en "zone grise".
Ainsi, le dispositif militaire français Licorne de quelque 4 000 hommes se trouve enserré, de ce fait, dans un maillage onusien, la mission Onuci comprenant 6 000 hommes, comme il en existe aux quatre coins du monde, dans toutes ces zones juridiquement grises, comme au Kossovo depuis 1999, comme à Chypre depuis plus de 40 ans, comme il y en a eu au Liban, en Palestine, etc.
Quiconque connaît un peu la réalité de tel ou tel dossier où se trouve impliquée une force de l'Onu, sait pertinemment que dans la pratique ce système ne produit rien de bon. Le Kossovo est un champ de tir où les activistes albanais musulmans chassent le Serbe chrétien, etc. Ah ! Nous dit-on, mais ils n'ont pas le droit. Ils prennent donc le gauche, et que brûlent les sanctuaires chrétiens, que crèvent les villageois serbes et que disparaissent toutes les populations dites "non albanaises", les quelque 18 "autorités" se partageant le pouvoir dans ce territoire (encore juridiquement serbe !) ne prendront aucune vraie sanction.
Certes, dans l'affaire irakienne, on a échappé au pire, grâce à la défaite électorale de Kerry.
Immanquablement, si les démocrates l'avaient emporté, la diplomatie américaine aurait construit un nouveau scénario.
Celui-ci eût été fondé, en droit, sur le multilatéralisme, et, du fait de ce changement politique, qui serait intervenu à la joie de Michaël Moore et du jury du festival de Cannes, la France éternelle aurait, alors, été amenée à fournir un contingent, certainement modeste. Mais comme, quoique modeste en effet, il eût probablement été supérieur en nombre à celui de l'ancienne république yougoslave de Macédoine, représentée par 32 hommes, ce serait un ou deux régiments de soldats français qui se seraient vus, une fois de plus, "sous des draps étrangers, jetés aux quatre vents".
On
remarquera cependant que c'est l'électeur
américain qui nous
a sauvés, dans cette affaire, en donnant quitus au gouvernement Bush
que le gouvernement français dénigre si soigneusement.
S'il n'avait tenu qu'au surdoué de l'Élysée voilà une
nouvelle pierre, que cet auguste forcené, assisté désormais
du clown blanc Barnier, aurait joyeusement rapportée du désert
mésopotamien pour la mettre dans sa chaussette corrézienne.
Mais, à défaut de pouvoir faire tuer du monde en Irak, le pouvoir chiraquien dispose encore du loisir, permis et même encouragé par l'ONU, d'intervenir en Afrique noire. Un sang français bien rouge risque alors d'y couler sans que le citoyen, pour ne rien dire du contribuable, sache vraiment ce qu'on va faire et dans quel but nous intervenons dans cette guerre.
Secret du prince ? Raison d'État ? Mais tant vaut le prince tant vaut son secret.
De l'État dénué de raison, l'arbitraire est irrecevable.
Nos soldats seront-ils donc perpétuellement destinés à ne boxer, sous l'égide du Conseil de sécurité de l'ONU, qu'avec une main dans le dos ?
Sommes-nous,
et c'est cela qui, dans cette affaire, "interpelle
notre questionnement au niveau du vécu existentiel", perpétuellement
contraints de subir, en France, ce gouvernement des têtes de linottes,
conduite par les requins au profit des faisans, ce gouvernement que l'Antiquité grecque
appelait, je crois, la konocratie (2).
9 soldats français l'ont encore payé de leur vie en cette fin
de semaine.
Rendons hommage et respectons le sacrifice de ces jeunes Français qui quoiqu'il advienne, se mettent encore au service de ce drapeau, même s'il est impunément bafoué par l'intellocratie parisienne. Ce drapeau est toujours piétiné au nom de ce mot d'ordre, jamais démenti, lancé par Jacques Duclos et qui consiste, aujourd'hui encore, à "combattre l'armée française partout où elle se bat".
Préférons au contraire avoir à cœur de défendre l'armée française partout où elle est engagée.
Et prions pour que le sacrifice de nos soldats serve enfin à éclairer nos dirigeants.
JG Malliarakis
(1) Le 25 octobre 2000, au colloque sur "Les nouvelles frontières du socialisme".
(2) J'ai soigneusement vérifié dans "La Constitution d'Athènes" d'Aristote (Classique Budé Éditions Belles-Lettres). Ce livre est fondé sur l'étude des institutions de plus de 150 gouvernements de l'Antiquité. Aucune cité grecque n'avait fait de la konocratie le principe directeur de sa loi fondamentale. "C'était des primitifs" aurait dit Henri Salvador, ils n'avaient pas encore l'École nationale d'administration.