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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ
LUNDI 29 NOVEMBRE 2004
DÉMAGOGIE DE PROXIMITÉ
Le discours du gouvernement se veut en accord avec celui des partis de gauche
Le 26 novembre en Haute-Marne, le chef du gouvernement a commis des annonces, à faire pâlir le chef de l'État et son concurrent, le nouveau président de l'UMP.
"Il est hors de question, a-t-il été promis à quelque 320 élus du département, de remettre en cause l'autonomie financière des collectivités locales (...) et il n'y aura pas d'impôt affecté sans que les communes aient à voter le taux"
"Le service public, énonce ainsi désormais l'idéologie officielle, en accord avec un mouvement parti de la Creuse, est indispensable à la vie rurale. Je ne souhaite pas affaiblir la ruralité de notre pays".
Dans cette affaire de services publics, ce qui frappe le plus, c'est la convergence du discours entre le gouvernement et les partis de gauche, ce discours étant en contradiction avec les évolutions techniques les plus évidentes des services eux-mêmes.
De quels "services publics" parle-t-on en effet ?
Dans la Creuse, la protestation était partie, cocassement, de la fermeture de certaines perceptions. Quel drame en effet que de devoir adresser par courrier son règlement au Trésor Public.
Le discours du gouvernement est en accord avec celui des partis de gauche. Les appareils communistes, socialistes et radicaux se trouvent à la pointe de la mobilisation en faveur du maillage rural par des fonctionnaires à l'ancienne mode. Ils ne se mobilisent guère pour l'accès des campagnes au haut débit, accès que diffère volontairement France Telecom.
Le gouvernement et les partis de gauche font ainsi de la lutte à retardement pour les petits bureaux de poste leur cheval de bataille.
Chacun promet donc le "maintien des 17 000 points de présence postale dans le pays". "Je me bats, (1) dit le Premier ministre, pour garder tous nos facteurs".
Peu importe si par ailleurs, l'économie de la France rurale crève.
La taxe professionnelle ? On nous promet "un dispositif gagnant qui ne pénalise personne". Personne, sauf les entrepreneurs.
Car c'est une sorte de règle bien connue du jeu politique français. Quand la gauche est au pouvoir, elle mène, sinon toute sa politique, du moins une politique inspirée de ses utopies égalitaires, étatistes et redistributrices. Puis, au bout de quelques années, le désastre, qui s'ensuit inéluctablement, ramène au pouvoir des gens, qualifiés de droite (2).
Alors, la "droite" commence à gérer, raisonnablement croit-elle, les institutions redistributrices, égalitaires et étatistes dont elle avait dénoncé la création et qu'elle n'a pratiquement jamais le courage d'abolir purement et simplement.
Ainsi en est-il des réformes des finances locales instaurées par le très long gouvernement de M. Jospin entre 1997 et 2002. Deux séries de législations et de réglementations mises en place par M. Chevènement puis par Gayssot (loi dite SRU) ont abouti, au nom de la solidarité urbaine à mettre en place des mécanismes de redistribution entre communes "riches" et banlieues réputées "pauvres". Il s'en est notamment ensuivi le développement d'un monstre le FSRIF, Fonds de Solidarité des Communes de la Région Île de France remontant à 1991.
Au lieu de dire franchement que la loi SRU est une somme d'absurdités et donc de l'abroger (3), la droite, enfin : l'UMP et le gouvernement Raffarin, se sont employés à en rogner méticuleusement, mais honteusement, certains excès. En 2004, les 122 communes qui "bénéficiaient" des subventions du FSRIF à hauteur de 152 millions d'euros ont vu cette manne diminuer de 6,5 % : scandale.
Lors de la séance de nuit du 22 au 23 novembre à l'Assemblée Nationale, le gouvernement a cherché à user d'un subterfuge bien connu. Le ministre des Finances, M. Sarkozy n'était pas en séance. Il n'était représenté que par la pâle Bussereau, autant dire par un individu très compétent à servir les cafés. Il était minuit quand un député de qualité, M. Balkany maire de Levallois est venu déposer un amendement auquel le représentant du gouvernement "ne s'est pas opposé". Cet amendement visait, subrepticement, à reformer très légèrement — oh ! Juste un mot — un modeste article du code général des collectivités locales. Cette petite modification subreptice tendait à dispenser de contribution les communes dotées au plus fort potentiel fiscal et notamment Neuilly et Levallois.
Cette aimable proposition fut, hélas, accompagnée des commentaires les plus maladroits de M. Balkany, et elle fut rejetée, sans que M. Bussereau n'ose rien dire.
Par lâcheté, le gouvernement a donc, une fois de plus, capitulé.
Or, le temps presse et la question des finances locales s'aggrave. Pour des raisons de présentation budgétaire, l'État central français a choisi de se défausser d'une part importante de ses charges sur les collectivités locales. Présentant son action comme décentralisation, il transfère en réalité ses dépenses sur les communes. Ceci ne serait pas grave, si l'autonomie financière avait un sens. Mais dans notre système, les 2/3 des ressources proviennent de la DGF, dotation globale de fonctionnement, versée par l'État central.
La boucle est bouclée par le principe, désormais constitutionnel, de péréquation financière. Celle-ci a été introduite par la 17e révision de la Constitution de 1958, pour compenser l'introduction du mot de "décentralisation". Ce principe de péréquation financière nous semble la plus authentiquement expression du jacobinisme (4). Appliqué aux collectivités locales, s'il était logique avec lui-même, il tendrait à supprimer purement et simplement le caractère local de la fiscalité foncière. Les taxes professionnelles ou d'habitations seraient perçues par l'État central qui refinancerait alors les collectivités décentralisées par 100 % de DGF. Cette belle logique laisserait alors aux exécutifs locaux le seul loisir de programmer leurs dépenses. Elle ferait entrer la France dans ce modèle entièrement jacobin, dont rêvent certains cercles philosophiques et appareils syndicaux, qui pensent pour nous.
Il est simplement dommage que tout cela soit accompli par la droite, et au nom de la "décentralisation".
JG Malliarakis
(1) Contre qui ?
(2) Mais qui, en général se défendent de cette appellation "salissante" (sauf pour les électeurs).
(3) Y compris dans ses dispositions, contraires à la liberté contractuelle, relatives aux promesses de ventes immobilières, devenues ridiculement compliquées.
(4) Le principe de péréquation financière, appliqué aux individus, peut même être légitimement qualifié de communiste. Il postulerait comme loi de la République un salaire égal pour chaque Français.