...Pour commander le livre Sociologie du Communisme ...Pour accéder au catalogue des Éditions du Trident
BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ
MERCREDI 1er DÉCEMBRE 2004
LA MISSION DE M. GAYMARD SERA DIFFICILE
Si "gouverner c'est prévoir", la machine prévisionniste est enrayée.
La nomination de M. Gaymard comme ministre de Finances ce 29 novembre et la passation de pouvoir du 30 auront été marquées du sceau du volontarisme.
Nous n'entendons ici prendre aucun parti dans la polémique prématurée en vue de l'élection présidentielle de 2007, et nous souhaitons avant tout éviter les procès d'intention. Nous trouvons même à M. Gaymard une mine de bon aloi.
Nous voudrions seulement essayer de poser le problème de ce que pourrait être sinon le "volontarisme", du moins une véritable volonté politique, en vue, non d'ambitions partisanes ou personnelles, mais du nécessaire redressement de la France.
C'est cela qui doit préoccuper chacun d'entre nous, à l'heure où le taux officiel de chômage est de 9,9 % (1), sans parler d'autres indicateurs tout aussi négatifs, mais qui sont eux-mêmes objet de polémique. Dès lors que le chômage des jeunes est supérieur à 20 % il y a des urgences qui ne doivent pas attendre 2007.
Puisqu'on parle de volontarisme, rappelons que le président de l'UMP est à la tête d'un parti disposant à l'Assemblée nationale d'une majorité écrasante, et qui juridiquement peut censurer le gouvernement, imposer l'ordre du jour, modifier la loi de finances, abroger officiellement les monopoles et, pourquoi pas, user de son pouvoir de voter la loi.
Rappelons, aussi, qu'en droit le gouvernement n'est pas supposé faire la politique des bureaux. Anciens élèves de l'ENA, ni M. Gaymard ni M. Copé ne peuvent ignorer que, depuis les années 1920, les inspecteurs des Finances inspirateurs de l'économie dirigiste à la française se sont toujours trompés (2).
Dès aujourd'hui, par exemple, on sait que les comptes publics pour 2005 reposent sur des hypothèses de croissance entièrement fantaisistes à 2,5 %, et sur une prétendue réforme de l'assurance-maladie monopolistique plus aggravante que rassurante.
Gouverner c'est, dit-on, prévoir. Or, depuis plusieurs années, il semble que notre haute administration prévisionniste, qui sait tout, qui prévoit tout et qui souhaite si ardemment la prospérité des Français, ait même perdu entièrement le contrôle de la machine à prévoir.
Quand la conjoncture semble, provisoirement et paradoxalement bonne, l'État se plante grossièrement sur le niveau de ses propres recettes fiscales. C'est ainsi qu'en 2004, on pense à Bercy (3) que les rentrées sur les comptes du Trésor Public pouvaient excéder de 7,5 milliards d'euros les projections. Pas grave, penseront certains. Nous serions de cet avis, si on avait la sagesse de décider que cet excédent arithmétique va servir immédiatement au désendettement ou à l'allégement des charges fiscales et sociales.
Or, bien évidemment, c'est un discours inverse qui domine. Ces 7,5 milliards n'ont matériellement aucune existence ; ils ne sont en définitive qu'un moindre déficit ; ils représentent un manque à perdre en quelque sorte. Mais les gens des médiats, caisses de résonance des mots d'ordre politiciens, utilisent le mot "cagnotte", apparu à l'époque socialiste. Et dès lors qu'on découvre une chose pareille, il faut trouver un moyen de dépenser cet argent fictif.
Le débat sur le thème "comment dilapider 7,5 milliards d'euros" trouve très rapidement des intervenants empressés. Ce sont les gens qui veulent "faire un geste en faveur des fonctionnaires"; ce sont les organismes caritatifs ; ce sont les syndicats agricoles et tous les partisans du "plan Borloo", qui montent au créneau, sans complexes.
Bien évidemment, il y a moins de clients quand il s'agit de demander quels prélèvements il faut baisser.
Plus exactement, on voit les mêmes bons apôtres se précipiter, alors, pour dénigrer les impôts les moins nocifs et les charges juridiquement les moins illogiques, comme la taxe d'habitation.
Le président de la république n'est pas le plus mauvais indice de la démagogie quand il fait semblent de vouloir et de pouvoir abolir l'impôt sur le foncier non bâti. Il s'agit là, certes, d'une nuisance lourde pour l'agriculture française ; c'est une charge qui la pénalise par rapport à ses concurrentes européennes ; de ce point de vue, on ne pourrait qu'applaudir l'hypothèse de sa disparition. Mais on doit convenir que, si elle pénalise l'exploitation agricole, elle la pénalise moins que la Dette paysanne (globalement supérieure à la valeur de la terre) ou que le système monopoliste de la MSA, auxquels on se garde bien de toucher.
Or le vrai débat pour la compétitivité française se situe d'abord à ce stade :
Si l'on acceptait de se situer sur ce terrain on aurait déjà franchi un grand pas.
Le problème se pose en effet dans les termes suivants : si l'on inclut les déficits dans le compte des prélèvements publics pénalisant l'économie générale du pays, la France prélève sur la création des richesses plus de 50 %, pas loin de 55 % contre 40 % aux pays les plus fiscalisés d'Europe occidentale et moins de 30 % aux pays tels que les États-Unis et le Japon (4).
Il est donc loisible de dire que, pour redresser ce pays il faut agit certainement avant 2007 ; par exemple il faudrait en 5 ans rattraper le niveau des pays européens concurrents, et qu'en 10 ans, l'Europe entière en arrive aux taux de prélèvements des États-Unis et du Japon.
Il est donc urgent de poser comme principe qu'un gouvernement soucieux de l'avenir de la France, devrait se fixer des objectifs comptables tels que
On
nous objectera peut-être que nous nous situons ici
- dans une perspective française
- et que nous ne nous préoccupons pas de savoir qui est "libéral" et
qui est "socialiste".
En fait, si n'importe quelle force politique pouvait réaliser ce programme de décrue fiscale, nous nous ferions un devoir d'applaudir.
Mais diront certains : et la croissance ? Et la relance de la consommation ?
Eh bien il faut reconnaître que ce sont ou bien de faux concepts, ou bien le reflet de fausses doctrines.
En particulier la préoccupation du niveau de consommation repose sur une idée fausse (5).
Le niveau de ce qu'on appelle la "consommation des ménages" est certes important pour les sociétés d'hypermarchés.
Mais un pays ne consomme durablement que la masse de moyens de paiements qu'il a retiré des biens et services, produits et échangés par ses habitants. C'est cela que reflètent, avec plus ou moins de précisions les statistiques apparentes du produit intérieur dont nous appelons "croissance" l'évolution officielle.
Donner du pouvoir d'achat à un chômeur et un 13e mois à Noël c'est généreux mais cela ne produit aucun effet positif pour la prospérité du pays si ce dispositif n'incite pas ce chômeur à travailler etc.
La relance générale de l'activité suppose que tous soient considérés comme entrepreneurs, que tous soient incités à produire des biens et des services et à les échanger, et probablement à opérer le plus honnêtement et légalement possible.
Il est peut-être à redouter qu'une telle philosophie de l'action publique dépasse encore largement les moyens intellectuels des technocrates qui nous gouvernent.
Ils se disent tous "volontaristes" ? C'est au pied du mur qu'on verra le maçon !
JG Malliarakis
(1) il était de 9,1 % au printemps 2002. Ce chômage est supérieur à 20 % (20,8 % pour les garçons, 22,9 % pour les filles) chez les moins de 25 ans.
(2) Ils se trompent dans leurs prévisions comme dans les projets de décisions, qu'ils préparent dans des cartons à l'usage de chaque nouveau ministre arrivant plein d'enthousiasme à l'idée d'associer leur nom à des "réformes".
(3) On me pardonnera, j'espère, ce pléonasme : car où pense-t-on sinon à Bercy ?
(4) Ajoutons aussi la Corée du Sud et la République de Chine à Taïwan où, rappelons-le quand même, le niveau de vie de la population active et de ce que les marxistes appelaient autrefois "la classe ouvrière", parti de très bas, est en train de dépasser celui de la France.
(5) Ne parlons même pas de la gesticulation étatiste en faveur de la baisse artificielle des prix.