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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ
JEUDI 9 DÉCEMBRE 2004
LA DOUBLE FAUTE DE M. DE VILLEPIN
Un État laïc n'a pas le droit d'intervenir dans les affaires religieuses. Et pour commencer pourquoi doit-il y avoir "un" islam de France ? Pourquoi, par exemple, imposer aux chiites la cohabitation avec les sunnites ?
Que penser aujourd'hui de cette nouvelle, diffusée par l'AFP le 7 décembre, sous le titre "la France veut accélérer l'organisation de l'islam sur son territoire"?
Cette phrase, une fois de plus, identifie "la France" à son gouvernement. Voilà, déjà, une habitude de pensée, et une manière de s'exprimer, qui joue des tours considérables, précisément à l'idée que les Français se font, s'agissant de politique extérieure.
Comme on va le voir plus bas, cette dépêche AFP reflète surtout l'impulsion étatique donnée par le ministre de l'Intérieur M. de Villepin.
Pour commencer soulignons que cette identité de vues et d'expression a, en elle-même, quelque chose d'inquiétant. Quand il s'agit du moindre incident social, du plus banal fait divers ou du coutumier jet de pierres, les journalistes se considéreraient comme déshonorés d'avoir l'air de prendre position en faveur des policiers ou des forces de l'ordre. Ce sont toujours les "jeunes", les syndicalistes de la CGT ou de Sud, les éléments du désordre qui ont raison. La "colère" est toujours supposée légitime, seule ce que les médiats appellent la "grogne" est parfois contestable quand elle vient, par exemple, des classes moyennes, des usagers des transports publics, des contribuables ou, en règle générale des cochons de payants.
Or, ici, ce ne sont pas de simples gardiens de la paix de base, de pauvres flicards en bleu, qui sont en cause. Ce sont les consignes de l'Intérieur, devant lesquelles il convient de dérouler un tapis rouge.
Et le mot d'ordre lancé par les services de Villepin se trouve relayé par l'agence quasi-monopoliste, l'AFP, dirigée par le très laïc M. Miot (1) qui alimente en informations tous les médiats français (2).
Au ministère de l'Intérieur, il semblerait qu'on développe désormais le "complexe de Jack Lang" qui sévissait autrefois, et qui règne encore au ministère de la Culture ; tout ministre en titre fait figure d'usurpateur, d'intérimaire remplaçant le titulaire de droit divin. Et aujourd'hui, M. Pasqua étant bien oublié, on dirait que l'ombre du prédécesseur de M. de Villepin plane au-dessus de tous ses faits et gestes, l'empêchant même visiblement de penser. Sarkozy avait fait une grosse bêtise en organisant le culte musulman comme il l'a fait, sur la base d'une intervention étatique arbitraire, et d'ailleurs contraire à la loi de 1905. Il n'y a dit-on que ceux qui ne font rien qui ne commettent pas d'erreur. En matière politique, cette proposition, entendue au second degré, devrait peut-être se voir proposée comme sujet de réflexion aux princes qui nous gouvernent. En tout état de cause, il est dans la nature de "l'Homme qui en fait trop" d'en commettre pas mal.
Mais, pour un homme de l'échec comme Villepin, et quand on est un chiraquien il faut savoir reconnaître sa condition "d'homme de l'échec", la plus petite crotte oubliée sur le tapis par le teckel de Sarko devient objet de contemplation jalouse. On la dissèque comme un secret d'éternelle jouvenceÈ Et on imagine de faire mieux encore.
L'ambition nationale des chiraquiens a donc été ingénument expliquée ce 7 décembre au ministère de l'Intérieur et pieusement communiquée au monde par l'AFP : "La France ambitionne d'accélérer l'organisation de l'islam sur son territoire pour devenir un modèle en Europe, notamment avec la mise en place de cursus de formation pour les imams."
Voilà qui mérite donc bien un joyeux cocorico.
Le Second empire avait eu l'idée étrange d'habiller en zouaves les soldats du pape.
La Cinquième république fait mieux. Elle invente une laïcité subventionnant un culte. Et cette religion n'a dans l'histoire de France, aucune base française, aucun théologien, aucun philosophe, aucun "marabout", aucune úuvre sociale ou éducatrice n'y venant contribuer à ce que Maurice Barrès appelait les "familles spirituelles de la France". Le général De Gaulle doit se retourner dans sa tombe.
Début novembre Villepin avait déjà annoncé un oxymore : "la Fondation pour l'islam de France". Un tel concept est, en lui-même, totalement contraire à ce que, dans le monde entier on appelle une fondation, puisqu'il s'agira d'un organisme d'état. Ce monstre juridique est d'ailleurs un exemple de ce que sont les prétendues "fondations" de droit technocratique parisien, imaginées successivement par les services de Malraux (avec la fameuse "fondation de France" où s'illustra Georgina Dufoix) et ceux de M. Balladur, donnant à cette "fondation de France" une sorte de droit de vie ou de mort sur les fondations hexagonales privées. Qu'une religion repose sur matériellement sur une ou des fondations libres c'est le principe même de la liberté religieuse.
Mais l'état ne doit y intervenir à aucun stade. C'est la base même d'une conception saine de la laïcité.
Son intervention saurait être que maladroite et illégitime.
Pourquoi, d'abord, doit-il y avoir "un" islam de France. Pourquoi, par exemple, imposer aux chiites la cohabitation avec les sunnites ? Impose-t-on aux catholiques de fusionner avec le protestantisme ? à Saint-Nicolas du Chardonnet d'obéir à l'évêque du lieu ? C'est peut-être la prochaine étape puisque les services de M. de Villepin ont rappelé en cette occasion que leur ministère est "également chargé des Cultes".
Le ministre Villepin nous annonce avec satisfaction que la Fondation pour l'islam" sera en mesure de fonctionner en avril 2005". On fait croire au public qu'elle sera une mesure d'entente avec les représentants d'un culte. Cela est tout à fait hypocrite et les musulmans ne s'y tromperont pas.
Il est à remarquer d'ailleurs que le gouvernement consulte l'incontournable Yazid Sabeg, patron de Communication et systèmes qui ne nous semble musulman que de nom (5).
Le contresens consiste ici à prétendre s'opposer à l'islamisme radical. "Nous n'arriverons pas à installer sereinement l'islam de France, dit-on officiellement, si nous ne sommes pas très sévères par rapport à l'islam radical, les premiers à le demander sont les musulmans eux-mêmes". Il est prévu d'installer à partir de janvier à l'échelon des régions des "cellules de lutte contre l'islam radical" qui se fixent pour objectif la coordination d'une action actuellement dispersée entre différents services de police, de gendarmerie, de renseignements généraux. Depuis plusieurs mois l'expérience a été lancée à Paris et elle a donné des résultats non négligeables.
Mais on ne saurait confondre un dispositif policier, certainement nécessaire, avec une délicate, dangereuse et illégale politique religieuse, car ce que l'on est en train d'instaure, ce n'est pas la loi de 1905, c'est le concordat napoléonien de 1801 imposé au catholicisme, c'est l'encadrement de l'islam "à la turque" qui aboutit à une religion nationaliste d'état (6).
M. de Villepin s'est approprié un deuxième projet. L'état "laïc" va se préoccuper de la formation des imams. Ce beau projet sera lancé à la rentrée 2005 "pour la partie profane" dans une université qui doit l'approuver fin décembre et qui devrait être le centre Assas. Concrètement en effet un bon millier des 1 200 personnes qui exercent, en France, la fonction d'imam ne sont ni françaises ni francophones. On va donc leur apprendre à mentir dans notre langue, sur les budgets de la formation permanente.
Tout cela au nom de l'encadrement de populations dont il est faux de dire qu'elles comptent "5 millions de croyants", en France, les citoyens français pratiquants de l'islam ne dépassant probablement pas les 500 000 personnes.
Tout cela au nom de la surveillance de 40 ou 50 mosquées ou centres de prières réputés entre les mains des "salafistes", sur quelque 1 600 locaux des différents rites musulmans existant dans notre pays. Si une mosquée est un danger pour la république, les lois de 1901 et 1905 permettent de dissoudre administrativement l'association qui la gère et d'en fermer le local : pourquoi ne le fait-on pas ?
Le fera-t-on plus et mieux en aidant l'UOIF saoudienne à contrôler l'ensemble du paysage islamique français ?
JG Malliarakis
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(1) Le patron de l'AFP a quand même ses opinions philosophiques personnelles. Il appartient, notoirement, à la confrérie des fumeurs de pipes de Saint-Claude. C'est son droit le plus strict et nous nous en voudrions de lui contester ce droit à une sensibilité intime. Il conviendra cependant que cela fait un peu désordre dans un pays qui prétend lutter contre le tabagismeÈ Nous souhaiterions donc que les Français sachent à quelles confréries, en général, se rattachent les gens qui verrouillent l'information en France. Tony Blair l'a fait en Angleterre où, cependant, la confrérie des fumeurs de pipes est beaucoup plus inoffensive. Ce que la Grande Bretagne a fait, la France éternelle peut le faire.
(2) Voilà une justification supplémentaire à l'orthographe française "médiat" que nous adoptons, une fois pour toutes, pour ce que l'américain appelle "mass media".
(3) "Chargée" dites-vous ? Curieuse expression, s'agissant d'une Fondation. "Chargée" par qui ? au nom de quoi ?
(4) En théorie l'islam n'est pas un culte. La mosquée n'est pas un temple consacré au sens que le christianisme l'a hérité du judaïsme et surtout des cultes païens. L'imam n'est pas un prêtre "de l'ordre de Melchisedech", encore moins un sacrificateur : il conduit la prière de la communauté. De sorte que "n'importe qui" peut être, ou se dire, imam, comme dans les communautés "non-conformistes" protestantes américaines, où n'importe qui peut se dire pasteur.
(5) D'après Faits et Documents (NÎ 185 du 1er décembre 2004, BP 254-09 75424 Paris Cedex 09), M. Yazid Sabeg, fils d'un officier berbère de l'armée française, appartient à une confrérie plus proche de l'athéisme que de la religion de Mahomet.
(6) La Turquie a cessé, depuis longtemps, d'être un état laïc.
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